Un divertissement survitaminé
On le comprend assez vite en voyant un épisode, quelques visuels ou les différents trailers, Kill La Kill n’est pas une série vouée à se poser et à proposer à son spectateur de la contemplation ou des échanges entre personnages particulièrement pointus. Ce qui fait le sel de la première série télévisée du studio Trigger est avant tout son savoureux dosage d’action et une pointe de décalage. L’œuvre repose énormément sur ses combats, logique puisqu’elle transpire le nekketsu et en reprend tous les codes, des éléments que nous avons vus sur bon nombreux d’œuvres papiers et sur leurs adaptations animées mais qui s’appliquent aussi sur des créations audiovisuelles originales. Dans les faits, Kill La Kill n’est pas une série qui nécessite une concentration que demanderait un Joker Game, pour citer des anime modernes. Sa trame, simpliste de prime abord, est d’abord un prétexte pour amener des situations d’action survatiminées et pléthore de rebondissements qui permettront à la série de se renouveler jusqu’à son dernier épisode.
L’action que propose Kill La Kill est particulièrement représentative des récits d’action que les revues shônen, notamment le Jump, ont su et savent encore proposer. Tout est question de pouvoirs, d’ascension dans la puissance et de power-up qui trouvent une crédibilité dans les concepts que vont proposer l’intrigue. L’atout de l’œuvre présente est de jouer la démesure la plus totale dans toutes ses mécaniques là où nombre d’œuvre vont chercher à se contrôler pour avoir une avancée progressive, sur le long terme. Mais sur un laps de temps de vingt-quatre épisodes seulement, les créateurs avaient toute la liberté de partir dans une surenchère jouissive afin d’honorer le spectacle d’un bout à l’autre.
Mais dans l’animation, des idées intéressantes et de bonnes intentions ne suffisent pas à garantir la qualité de la série, la réalisation et les caractéristiques techniques jouent un rôle important et à ce sujet, Hiroyuki Imaishi a fait d’excellents choix tout en sachant que son studio n’avait pas forcément un budget mirobolant pour réaliser sa première série télévisée. Nous aurons le loisir d’y revenir ultérieurement mais de manière sommaire, le budget limité est largement compensé par des choix de réalisation qui allient l’efficacité avec les techniques basiques.

Mais Kill La Kill, c’est aussi une intrigue, un scénario qui développe progressivement des enjeux et décortique une trame pensée du début à la fin, trouvant une évolution pertinente et une conclusion qui ne nous laisse pas sur une non-fin. Cet aspect de la série rejoint d’ailleurs la volonté de créer du divertissement honnête à travers le déluge d’action. A l’image de la montée en puissance des différents personnages, le scénario se développe tout le long, partant d’une situation initiale très basique en présentant le désir de revanche d’une héroïne au fort tempérament, se dirigeant ensuite vers des enjeux précis et importants à base de trahison et d’une humanité en danger. Dans la forme, la série est presque classique mais brille par son évolution maîtrisée et donc efficace ainsi que ses concepts qui la rende farfelue à certains égards. Sur le papier, difficile en effet de prendre au sérieux une œuvre où le destin du monde se joue sur… des vêtements.
Mais toutes ces idées, aussi simplistes aient-elles l’air, permettent de donner à Kill La Kill différents degrés de lecture car si la série est volontairement barrées, les thématiques du scénario sont finalement variées. La mise en place du scénario insiste alors sur le régime totalitaire de l’empire Kiryûin avec l’académie menée par Satsuki quand, au fil du temps, il n’est pas question du conformisme qui marque les grandes sociétés et la volonté d’aliénation de notre système capitaliste à travers les vêtements. Trop étendre le raisonnement reviendrait à dévoiler des points essentiels de l’intrigue mais au fil des épisodes, le récit s’étoffe de manière habile, présentant alors moult thématiques tout à fait applicables dans notre société, Kill La Kill prenant simplement le parti de les traiter dans une œuvre d’action et par des concepts parfois loufoques, comme celui des vêtements dotés de pouvoirs. Un second visionnage de la série permettra alors de saisir les intentions de Kazuki Nakashima dans son scénario en repartant du tout premier épisode et à ce titre, on peut penser que la série a réussi dans ses ambitions, elle divertit de manière intensive tout en ayant de la suite dans les idées.
© TRIGGER,Kazuki Nakashima/Kill la Kill Partnership