Gundam F91 - Actualité manga
Dossier manga - Gundam F91
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15/20

Rythme charcuté pour une histoire inachevée


Voilà pour nous l'occasion de rebondir sur ce qui a été dit sur la production du film. Pendant un long moment, le format de F91 n'était pas décidé. Et si un plot scénaristique était établi pour chaque support, des ajustements ont dû avoir lieu, de la part de Yoshiyuki Tomino. Le choix du long-métrage implique forcément des coupures vis à vis des idées du réalisateur/auteur, aussi F91 garde un aspect propre aux films récapitulatifs : On a souvent l'impression d'observer un bilan expédié d'une intrigue, via des scènes passant du coq à l'âne par instants.

Le rythme comme les transitions sont des aspects délicats du métrage. Celui-ci s'attardera parfois longuement sur certaines scènes, de manière légitime, mais aura du mal à calibrer les développements suivants. Le spectateur le ressent forcément via des ellipses, un conflit qui évolue de manière abstraite, voire des trahisons qui ont lieu hors écran. C'est régulièrement par le script que des tentations de rectification de tir auront lieu, quelques explications verbales permettant de saisir davantage certains agencements. Et même si ce procédé est digne de Yoshiyuki Tomino, qui invite toujours son spectateur à comprendre ses histoires et ses univers en prêtant attention au moindre élément, le processus sonne cette fois bien trop forcé, attestant le rythme expéditif forcé auquel la production doit se soumettre.


Mais là où Tomino reste fidèle à lui-même, dans de meilleures optiques, c'est dans sa manière d'utiliser ces « personnages thématiques ». Le réalisateur est une sacrée figure, caractérielle, et qui a énormément de messages à transmettre à travers ses œuvres. Les fans de Gundam en ont conscience, l'artiste aborde divers sujets sociétaux tels que l'horreur des conflits, l'opposition entre la jeunesse et les adultes, les rapports de forces toxiques entre humains, voire même la condition de la Femme. Ce toujours grâce à des personnages et leurs actions, chacun apportant un discours à un moment donné. Cela donne énormément d'idées éparpillées sur une seule œuvre, qui peut donner lieu à un véritable jeu de lecture afin de repérer le message véhiculé dans un moment précis, via une seule tirade parfois. F91 n'échappe pas à cette construction en limitant ses sujets, faute de temps. Encore une fois, on observe un script très fourni et des relations qui ont beaucoup à offrir, avec mise en exergue des rapports parents/enfants conflictuels, cette incompréhension permanente entre les génération, ainsi que la thématique écologique chère à l'auteur et qui transpire dans tous ses titres Gundam. Le film qu'est F91 a énormément de discours à communiquer, aussi plusieurs visionnages s'imposeront pour comprendre à la fois toutes les richesses d'un scénario qui méritait bien plus qu'un long-métrage pour se développer, mais aussi les idées de son réalisateur et scénariste principal.

Et puisqu'on évoque le scénario, difficile de ne pas regretter la conclusion de Gundam F91. Malgré ses allures de combat final, elle ne règle clairement pas les enjeux liés à la famille Ronah, mais simplement quelques aspects de l'histoire dont la relation entre Seabook et Cecily, ou le combat contre le charismatique (et effrayant) Carozzo. Pour compenser, les lecteurs japonais peuvent retrouver ce morceau de l'univers Gundam via la série de mangas Crossbone Gundam de Yûichi Hasegawa, un morceau que nous décortiquerons sur la page suivante.


Visuellement : Un divertissement qui n'a pas pris une ride


Mobile Suit Gundam F91 est le fruit d'une production un poil laborieuse mais surtout très minutieuse. Le résultat est pourtant des plus convaincants. F91 est un long-métrage beau dans son esthétique mais aussi dans ses séquences d'animation, que certains mettent dans les premières places des œuvres Gundam n'ayant pas spécialement vieilli. Le film a supporté l'épreuve du temps, et sa remasterisation paraissait alors toute légitime pour honorer le spectacle. Notons d'ailleurs que le métrage est l'une des pièces de la saga ayant profité d'une remasterisation en 4K parue en octobre 2020 au Japon (mais qu'il serait très étonnant de voir arriver chez nous étant donné le succès moyen de ce format dans nos contrées). Yoshiyuki Tomino lui-même voue des éloges aux aspects technique nouveau du film, notamment dans sa dimension sonore, un compliment qu'il fait dans un retour sur les remasters 4K de F91 et Char contre-attaque.

Alors, s'il y a bien un point où appréciateurs et détracteurs de ce chapitre de l'Universal Century se rejoindront peut-être, c'est dans la portée visuelle de Gundam F91. Ses prouesses visuelles en font une œuvre qui se savoure dans son optique de divertissement pure. Quand bien même le récit de Seabook Arno et Cecily Fairchild peinerait à convaincre pour des motifs scénaristiques dont nous avons déjà parlé, l'enrobage visuel a de quoi faire bien plus consensus.

Mais en quoi F91 constitue un spectaculaire divertissement ? Comme pour Char contre-attaque, le résultat est l'assemblage de multiples éléments visuels, à commencer par le design des nouveaux engins par Kunio Okawara. Le seul mobile suit officiant dans le classicisme reste finalement le F91, mais avec pour audace sa patte épurée. Armé de ses deux canons, il a pour lui sa sobriété, un design volontairement pensé et qui inspirera même le manga Gundam F90, présentant la série des « Formula » comme des robots voués à ramener les mobile suit à leur utilité première : La construction et non la guerre. Les autres appareils s'éloignent des fameux Zaku et autres Gouf précédemment vu dans ce calendrier de l'univers Gundam. Quelques designs novateurs donc, associés à des choix de couleur flashy et détonnant par moment. La plus belle audace vient du Rafflesia, enfin faisant office de boss final de l'histoire. Loin d'être un appareil comme les autres et comme son nom l'indique, le robot rappelle davantage une plante carnivore, ses tentacules permettant un combat final à l'originalité certaine, en plus de miser sur les dons de New-Type du protagoniste.


Par ces designs qui sortent du lot, Gundam F91 amenait forcément un spectacle rafraichissant. A ceci, il faut logiquement saluer le détail de l'animation, fruit du travail d'une belle équipe sous la direction de trois noms particuliers : Shukô Murase, Takeo Kitahara et Toshimitsu Kobayashi. Tous trois ont pour particularité d'être aujourd'hui des vétérans du studio Sunrise qui ont contribué sur différentes œuvres Gundam dans les années 80 et 90. Tous trois ont su croquer l'ambiance grand spectacle de par l'animation proposé, aussi il n'est pas étonnant que Sunrise ait confié les rennes de la trilogie L’éclat de Hathaway à Shôko Murase qui possède une véritable vision cinématographique de la licence et de ce qu'elle peut être à l'heure actuelle.

Beaucoup d'ingrédients contribuent donc au résultat dont nous pouvons aujourd'hui bénéficier dans de très bonnes conditions grâce à la haute-définition. Les éléments esthétiques de Gundam à même de procurer un plaisir de découverte sont là, associés à une réalisation qui ne manque jamais de panache. Car à cette qualité d'animation s'ajoutent des choix de représentation graphique forts par moment, et même fichtrement rudes. Cette scène d'assaut de Frontier 4 reste toujours choquante dans deux morts bien précises, dont celle d'une mère anonyme percutée de plein fouet par la douille tombante d'une arme de Mobile Suit. Pour Yoshiyuki Tomino qui a à cœur de représenter l'horreur de la guerre dans ses œuvres (bien que, de son aveu, il ne pense toujours pas avoir pu atteindre l'apogée de cette réflexion) tout en gardant une vision cinématographique de ses créations, bien des séquences de F91 font sens. On peut donc reprocher au film son scénario décousu et parfois mal rythmé, mais en aucun cas ses portées techniques et visuelles. Mobile Suit Gundam F91 est un long-métrage qui croque l'essence même de la saga par un spectacle graphique aux petits oignons, mais qui peine simplement à raconter son histoire, faute d'une production longtemps restée l'arrière train entre deux chaises.
  
  

Commentaires

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Jalunard

De Jalunard, le 21 Septembre 2021 à 15h34

15/20

Très bon dossier, plaisant à lire et riche en informations. Bravo, et merci de mettre ainsi en lumière cette franchise culte de la SF restée injustement dans l'ombre par chez nous !

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