Green Blood - Actualité manga
Dossier manga - Green Blood
Lecteurs
19.50/20

A l'Ouest, rien de nouveau



Au bout du compte, il faut avouer que si Masasumi Kakizaki expose bien ses différentes parties, il reste assez artificiel, et les approfondit peu, du fait de la brièveté de celles-ci. En résulte un petit bémol, qui pourrait en décevoir certains : c'est classique. Très classique. Et ce, sur plusieurs points.


Rencontres de stéréotypes


Il y a tout d'abord les personnages, qui sont tous de véritables stéréotypes sur pattes.

Il a beau être un assassin sombre et imperturbable, Brad n'en reste pas moins un homme bon et tourmenté, car il est contraint d'agir comme il le fait. Il demande pardon après chaque meurtre, n'hésiterait pas à aider Emma contre une somme d'argent symbolique... Il a tout du bad boy ténébreux au bon fond.

Luke, lui, est la caricature même de l'adolescent naïf et encore candide, qui veut s'en sortir honnêtement en évitant soigneusement tout ce qui est malhonnête (comme les gangs) ou peu moral (aller voir les prostituées ? Non, contrairement à son ami il en est incapable, car il estime qu'on ne doit le faire qu'avec la personne qu'on aime).

Raymond est le stéréotype du rival jaloux, souvent posé, mais capable de s'emporter et de frôler la folie dès qu'on évoque devant lui son concurrent direct, Grim Reaper. Quant à Kip, il a absolument tout de la petite fouine détestable et sournoise.

Les quelques personnages féminins ne sont pas en reste et incarnent tous des stéréotypes assez récurrents. Anne est la vieille dame bienveillante que l'on aimerait tous avoir dans son entourage, tandis que sa fille est l'exemple de demoiselle à la fois forte et faible, bourrée de caractère, mais ayant quand même besoin d'un peu de soutien. Quant à Emma, elle incarne à merveille la jolie femme auprès de laquelle on se sent bien, une sorte de « repos du guerrier » pour Brad.

Et bien sûr, tous les autres gros méchants sont eux aussi de bons gros bonshommes sans foi ni morale. Howard ne recule devant aucune bassesse pour arriver à son but, les sbires d'Edward sont tous des pourris sans morale, et Edward, en ennemi ultime, est forcément le pire de tous, capable de commettre toutes les pires atrocités avec la plus grande facilité. En somme, il ne faut pas leur chercher la moindre nuance : ce sont tous des gros vilains à 100 %.

Entre les personnages pas du nuancés et ceux qui sont carrément en deux temps (comme Brad), la seule nuance un peu plus subtile semble venir de la mise en avant de Gene McDowell, de son sens de l'honneur bien camouflé derrière son statut de mafieux, de son amour pour le quartier de Five Points qu'il a tenté de protéger comme il le pouvait, et de ses regrets vis-à-vis de son fils Kip... et d'un ancien ami ressurgi du passé.
  
  
  
  
  

No Surprises


Ensuite, si votre souhait en lisant Green Blood est d'être surpris, vous risquez de tomber de haut, car tout ce qui s'y passe est on ne peut plus classique du genre.

Sans aucune prétention, Masasumi Kakizaki se contente de croquer un divertissement simple, voire basique, et on le sent très fort d'entrée de jeu, car dès le départ bon nombre de mystères sont vite dévoilés. Masasumi Kakizaki ne joue pas du tout la carte du mystère autour de l'identité réelle de Brad, d'autant que les rares énigmes le concernant se devinent très facilement. Ainsi, la principale raison le poussant à commettre les crimes les plus odieux est on ne peut plus banale, de même que ses crimes en eux-mêmes.
Pendant l'essentiel de l'intrigue à Five Points, on devine tout à l'avance, les missions accomplies par le Grim Reaper se contentent d'étaler sommairement ce qui est expliqué au début, puis c'est le lent réveil des conflits entre gangs que l'on sent rapidement venir.
Il en est de même pour les étapes suivantes. On se doute fortement de la façon dont vont tourner les choses du côté d'Anne Macy, on devine ce qui se trame derrière la fuite de Ned, on sait très bien comment va s'achever le conflit de Black Horse... du moins, si l'on est un minimum habitué à ce genre de divertissement.

L'aspect prévisible n'est néanmoins pas le plus gros défaut (si c'en est un). D'autres éléments peuvent décevoir un peu plus.

En tête, la rapidité de plusieurs affrontements qui s'annonçaient prometteurs.
Celui entre Brad et Raymond est peut-être celui qui tient le plus ses promesses, car même s'il reste assez court il expose assez bien les caractéristiques des deux combattants.
Celui à cheval contre Swallow, le spécialiste du lasso, repose également sur une bonne idée, mais il est déjà un peu moins convaincant car on y ressent peu de danger, on a l'impression que le plan de Ned et de Brad se passe un peu trop facilement.
Ce n'est pourtant rien à côté des autres affrontements, largement moins prenants car beaucoup trop rapides, beaucoup trop faciles pour nos héros. Surtout, on a le sentiment que la plupart des sbires d'Edward, à commencer par Dodo le dynamiteur, Parrot l'informateur et Hawk le spécialiste du tir rapide, ont leurs spécialités respectives sous-exploitées. Quitte à faire dans ce genre d'ennemi assez clichés, on aurait aimé voir leur talent un peu plus utilisé.
Et que dire de l'affrontement final ? Il s'avère tout aussi expéditif. Alors que l'ennemi met en place un plan incroyable et très dangereux en prenant toute une ville en otage, la situation se renverse finalement très vite, qui plus est par l'intermédiaire d'une grosse facilité, avec un héros arrivant pile au bon moment.

Les facilités sont d'ailleurs un autre point qui pourrait agacer les plus pointilleux.
Les personnages, plus d'une fois, ont tendance à débarquer juste quand il le faut.
A certaines reprises, on peut rester un peu décontenancé par des ficelles beaucoup trop grosses. Par exemple, Gene qui, d'un coup d'un seul, avait parfaitement conscience que Kip était le fautif. Ou Edward qui ne s'assure même pas de la mort de Brad avant de quitter le Montana. Sans oublier un Grim Reaper/Brad qui, à plusieurs reprises, paraît limite immortel tant il peut encaisser certains chocs sans beaucoup sourciller. Quant à Luke, sa naïveté déjà évoquée confère parfois à quelques comportements agaçants. Sincèrement, il ne s'est jamais posé de questions en voyant la main scarifiée de son frère alors que celui-ci est censé être sans travail ?
  
  
  
 
   

Very bad trip ?


Pour autant, le classicisme et les facilités de l'histoire ainsi que l'aspect basique des personnages suffisent-ils pour plomber la série ? Non, clairement pas. Objectivement, la série, à cause de tout ça, comporte d'indéniables défauts. Mais le résultat final, lui, a de quoi divertir dans ses aspects les plus primaires.

Il faut avouer que cette palette de personnages, tout aussi classique soit-elle, comporte des éléments prenants.
De par son côté ténébreux Brad s'avère charismatique, la candeur de Luke au début le rend sympathique e ton aime le voir changer, Emma est une femme qui sait être séduisante, la mère et la fille Macy s'avèrent facilement attachantes...
Et ça marche dans l'autre sens. De par sa carrure imposante et son fond totalement mauvais, Edward peut impressionner et effrayer. Quant à Kip, il faut bien avouer qu'il est parfait dans son rôle de petit pourri détestable.
Chez quasiment tous ses personnages, l'auteur parvient à faire ressortir, même brièvement, un petit quelque chose qui fait qu'ils peuvent quand même nous intéresser, et qui les rend tout de suite identifiables. Au final, il s'approprie plutôt efficacement les clichés.

Même topo pour le scénario, qui, sans jamais surprendre, sait être efficace car il est raconté de façon simple et prenante. Sans oublier ce fond historique juste suffisamment développé pour nous immerger sans être prise de tête.

Au final, le talent de l'auteur est sans doute d'avoir trouvé une sorte de juste milieu. Le background de son récit et ses personnages sont utilisés juste suffisamment pour proposer un manga qui, pendant 5 tomes, va parfois trop vite, mais ne connaît pas de temps mort, et n'a pas vraiment d'autre objectif que de divertir sans prétention. En deux mots : simple, efficace.

Néanmoins, ne nous arrêtons pas là, car quelques autres thèmes moins mis en avant sont là pour, eux aussi, entretenir un certain intérêt.
  
  
  
  
  

Effets secondaires



Green Blood possède donc quelques autres éléments un peu plus secondaires mais eux aussi intéressants, qui méritent sans nul doute d'être évoqués.


O' Brother


Si Brad et Luke ont, au moins au départ, des caractères et des vies complètement opposés, il faut tout de même signaler le lien extrêmement fort qui existe entre ces deux frères qui, abandonnés par leur père, n'ont quasiment pu compter que l'un sur l'autre, chacun étant l'indispensable soutien de l'autre.

L’un est docker, déterminé et vertueux, révolté contre la « dictature des gangs », l’autre est un assassin au service d’un de ces gangs… mais c'est l'un pour l'autre qu'ils travaillent, chacun dans leur domaine.
En effectuant ses basses besognes, Brad protège Luke d'une situation qui pourrait être pire. Il a réellement pour but de préserver son jeune frère, et de lui épargner les plus terribles facettes de Five Points.
Quant à Luke, il se rend à peine compte que sa présence est ce qui rattache le plus son grand frère à son humanité, et travaille jour après jour dans le seul objectif d'accomplir un jour leur vieille promesse, celle de s'en aller pour acheter un grand terrain dans l'Ouest.

En somme, Brad et Luke sont tout l'un pour l'autre. Les deux frères abandonnés sont attachés à la seule famille qui leur reste, ils seraient prêts à se sacrifier l'un pour l'autre, mais dès que le sacrifice est trop proche l'autre frère vient préserver celui qui est en danger. Malgré leurs parcours opposés, ils sont indispensables l'un à l'autre pour bien fonctionner, un peu comme les deux faces d'une même pièce.


Children of Men


Dans Green Blood, Masasumi Kakizaki entretient également un rapport assez particulier à la filiation. Dans quasiment tous les cas de figure, les liens entre parents et enfants s'avèrent problématiques ou dramatiques.

En tête, il y a évidemment le père indigne qu'est Edward King, homme sans foi ni loi qui a abandonné Brad et Luke après avoir tué leur mère.
Mais cela marche aussi dans l'autre sens : n'ayant pas éduqué correctement son fils, Gene ne trouve en Kip qu'un incapable et un mauvais garçon. Il en est en partie de même pour son autre enfant : le quartier de Five Points, qu'il a vu grandir, qu'il a protégé comme il le pouvait, mais qu'il ne peut empêcher de s'autodétruire.
Quelque part, on peut considérer que Gene a pu se rattraper un peu en se faisant père de substitution de Brad, lui apprenant de nombreuses choses, même s'il ne l'a pas dirigé vers la plus saine des voies. Il a néanmoins appris à Brad à se battre, ce que ce dernier se remémorera face à Dodo le dynamiteur. Et c'est aussi Gene qui a offert à Brad son arme emblématique, son Colt 1851 Navy modifié pour aussi faire office de poignard. C'est néanmoins, là aussi, une relation faite de regrets qui domine.

Substitution et tristesse concernent aussi Anne Macy. En plus d'être la mère biologique de Jenny, elle devient une mère de substitution pour les frères Burns, mais le drame qui l'attend ne fera que replonger les liens parents/enfants dans une forme de pessimisme... Du moins pendant un temps, car    que ce soit Jenny ou Brad et Luke, tous sont animés par une flamme familiale. Jenny conserve sa force en puisant dans volonté de préserver les terres que ses parents ont achetées après avoir travaillé toute leur vie. Quant à Brad et Luke, leur volonté de venger leur mère guide leurs pas.
  
  
  
  
  

There will be blood


Ces volontés confinent très souvent à la vengeance. Celle-ci est partout dans la série. Pour que les personnages apaisent leur douleur, il leur faut se venger, il faut que le sang coule.

Les raisons de vouloir se venger sont nombreuses. Pour Brad, Luke et Jenny, il s'agit de venger la mère. Kip et Raymond, eux, veulent tout simplement se venger de Grim Reaper, qui a pris la place du premier aux côtés de Gene, et le statut du second en tant que meilleur assassin de Five Points. Emma, elle, souhaite tout simplement venger son amie tailladée par Kip. Quant à Black Horse et les autres Sioux, c'est toute leur tribu massacrée qu'ils veulent venger.

La vengeance est-elle ici une bonne chose ? Quasiment pas, car elle ne cesse de semer un chaos toujours plus grand. Au cœur de Five Points, les différents désirs de vengeance enclenchent peu à peu le cruel engrenage qui va petit à petit pousser le quartier dans un nouveau conflit meurtrier. Et dans le Montana, la haine confine à la folie autodestructrice chez les Indiens.

En contrepartie, il y a la vengeance finale contre Edward, bénéfique. Mais le chemin parcouru pour en arriver là fut chaotique.
  
  
  

GREEN BLOOD © Masasumi Kakizaki / Kodansha Ltd.

Commentaires

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JohnDoe

De JohnDoe [598 Pts], le 02 Novembre 2014 à 15h46

19/20

Très bon dossier qui présente bien les forces et les faiblesses de la série.

Leoo

De Leoo [969 Pts], le 01 Novembre 2014 à 19h59

20/20

Bonne petite série qui aurait mérité quelques tomes de plus histoire de bien étendre le scénario.
 

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