La place des demi dans la société, et le message de tolérance
Au fil de ses premiers contacts avec les demi, Takahashi peut donc commencer à mieux cerner ce qu'elles sont, mais aussi à en apprendre un petit peu plus sur leur statut dans la société.
Par exemple, on apprend que l'Etat fournit une poche sanguine par mois aux vampires, que l'état de "para-humain" n'est pas héréditaire... Mais le plus plaisant sur ce point est sûrement que la découverte de ces filles et les discussions avec elles permettent de désamorcer les clichés et étiquettes circulant à cause des légendes, des mythes, des on-dit...
Chercher simplement à discuter, à communiquer et à comprendre ce qui est différent peut régler bien des choses, et l'oeuvre se pare ainsi d'un discret message de tolérance bienvenu.
Différentes façons de vivre sa différence
Mais c'est peut-être encore autre chose que Takahashi risque fort de comprendre concernant les quatre filles para-humaines de Freaky Girls : elles sont avant tout des adolescentes (et une jeune enseignante), avec ce que cela implique de petits problèmes souvent liés à leur condition. Une chose plaisante est qu'on a quatre demoiselles vraiment bien différentes.
Hikari est la plus extravertie de toutes. Elle a le contact facile, est bien intégrée, si bien qu'elle peut en quelque sorte être vue comme un exemple à suivre pour les autres demi qui, elles, se confrontent à des angoisses différentes.
Ainsi, pour être sûre de n'influer sur personne à cause de son pouvoir, Mlle Satô a fait le choix de s'isoler d'elle-même : elle vit dans une cabane perdue dans les bois et évite tout contact. Et cela, alors qu'elle voudrait vivre un amour réciproque... mais comment être sûre qu'il l'est, sachant que son pouvoir peut faire tomber à ses pieds n'importe quelle personne ?

En la dullahan Kyôko Machi, on découvre une jeune fille qui, plus que tout, craint la solitude. Ses camarades ne l'évitent pas, mais quand elle parle avec eux ils évitent d'évoquer le fait qu'elle est une dullahan, elle a alors l'impression que ses rapports sont faux, et du coup elle a du mal à bâtir des amitiés... Comment régler ce problème ? Ne serait-ce pas à elle de faire aussi le premier pas, d'évoquer elle-même son statut afin que les autres puissent voir jusqu'où ils peuvent en parler avec elle ?
Enfin, Yuki Kusakabe, la fille des neiges, est peut-être le plus parfait contraire de Hikari : très timide, elle est sûrement, au départ, celle qui vit le plus mal sa différence. Elle a, de base, peur d'aller vers les autres, car elle se pense rejetée à cause de son statut de demi... mais est-ce vraiment le cas ? Peut-être lui suffirait-il d'adresser la parole aux autres avec franchise pour commencer à régler ce problème où elle s'exclut d'elle-même par manque de confiance ?
Oser faire le premier pas, être franche, ne pas hésiter à discuter... A travers le prof bienveillant Takahashi, le récit se pare de quelques jolies petites leçons de vie, tout en sachant s'intéresser réellement aux tourments de ces demoiselles prises dans des angoisses adolescentes ou de jeunes adultes.
On suit alors, avec attachement, ces para-humaines qui, peu à peu, semblent bien s'intégrer et s'épanouir dans l'établissement... mais Petos ne s'arrête pas là et, dans son désir d'aborder son sujet assez profondément, finit par la suite par amener une autre constatation problématique : est-ce que l'épanouissement des demi se fait auprès de tout le monde ? En effet, quand elles ont des doutes ou des problèmes, c'est toujours auprès de Takahashi qu'elles viennent, mais jamais elles ne se confient auprès de leurs camarades de classe... Alors, peut-on appeler ça une intégration réussie ? Takahashi en fait-il trop pour elles ? Néglige-t-il les autres élèves ? Les autres élèves ont-ils seulement ce sentiment ? Le récit remet alors un peu en cause le prof de biologie, mais aussi les autres élèves qui ne font peut-être pas eux-mêmes les bons efforts pour bien comprendre leurs camarades demi. On regrettera quand même que Petos évacue vite ces quelques tourments et questionnements, mais il sait bien faire ressortir l'essentiel : si Hikari et les autres se sentent si bien avec Takahashi, c'est peut-être bien parce qu'il les considère et les apprécie telles qu'elles sont, sans nier leur différence, et bien au contraire en acceptant le plus normalement du monde cette différence. Et à l'heure où l'enseignant est tourmenté, il pourra se rendre compte que lui aussi peut compter sur ses chères demi.
DEMI CHAN WA KATARITAI © PETOS / Kodansha Ltd.