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Sciences et décadences 

   
   

Les machines d'Archimède : des faits historiques aux mythes

  
Parmi les nombreux récits de guerre que nous pouvons retrouver dans nos librairies, celui de la prise de Syracuse tire son épingle du jeu par ses aspects technologiques. En effet, les assaillants romains ne vont pas se confronter directement au peuple syracusain, mais à des machines de mort conçues par Archimède, et qui feront des ravages dans leurs rangs.
   
Historiquement, les inventions d'Archimède ont été retranscrites par plusieurs de ses contemporains et de ses descendants, dont Tite-Live, Plutarque ou Héron d'Alexandrie. Ainsi, les machines de défense de Syracuse semblent bien avoir existé. Les deux plus concrètes sont la  grue-bombarider, permettant de lâcher de lourdes charges sur les navires ennemis, ou la « main de fer », sorte de grappin permettant de soulever ces derniers hors de l'eau. Ces deux machines reposent sur un système de poids/contrepoids reliés sur un socle orientable. On attribue également à Archimède les inventions du treuil, permettant de décupler la force humaine grâce à une série d'engrenages, et même le principe du canon à vapeur.
   
Dans Eureka !, Hitoshi Iwaaki va réutiliser ses principes pour fantasmer quelques machines supplémentaires, avec des scies rotatives de différentes sortes, ou la Roue d'Euryale, système permettant de tirer sous pression et en série des projectiles à très haute vitesse. Ainsi, le mangaka offre à ces machines un avancement technologique très avancé, presque anachronique, et nous fait ressentir la peur de l'inconnu qu'on peut ressentir les légions romaines d'alors, devant l'étrangeté de ces mécanismes.
   
Parmi les systèmes de protections qu'aurait conçu Archimède, l'un d'entre eux est à la fois le plus connu et le plus controversé : le principe du miroir ardent, permettant de concentrer les rayons lumineux pour enflammer des matériaux à distance. Archimède aurait ainsi pu mettre le feu aux bateaux ennemis, du haut de la colline surplombant la ville. Aujourd'hui encore, des historiens et des scientifiques débattent encore de la véracité de ces faits, entre les capacités techniques de l'époque et les conditions nécessaires pour rendre l'exploit réalisable. Dans le manga, l'auteur contourne l'obstacle entre attribuant ce haut fait non pas à Archimède, mais à son disciple fictif Damippos. Plus que pour la prouesse technologique, cette scène mémorable permet surtout de montrer la solidarité des habitants de Syracuse, capable de mettre leurs « cœurs » à l'unisson pour protéger leur paix. 
    
     
    
    

Abus de pouvoir

  
Ainsi, et aussi étrange que cela puisse paraître, Eureka ! prend des allures de récit de « science-fiction », mais dans un monde antique. Les soldats ennemis, qui n'ont jamais vu plus loin que le bout de leurs catapultes, sont désemparés devant autant de mécanismes aussi complexes qu'impitoyables. Et comme toujours, les grands pouvoirs sont source de convoitise. Dans le cas du récit, les machines d'Archimède restent méconnus du reste du monde méditerranéen (pour garantir l'effet de surprise), aussi ce sentiment de convoitise est représentée par Epicydès, originaire-même de la cité, et qui a pu entendre des rumeurs sur l'efficacité de ces engins avant de l'apprécier de ses propres yeux. Il s'attribue alors le mérite de leurs miracles, se faisant surnommer « l'Hannibal de Syracuse », et démontre d'une ambition encore plus démesurée, preuve que la puissance fait tourner le cœur des hommes cupides.
   
Faussement sénile, Archimède dresse quant à lui un constat plein de sagacité sur les machines qu'il a lui-même conçues. Sur la demande de son ami, le roi Hiéron II, l'inventeur de génie a réalisé ces constructions afin de défendre la ville. Et même si le résultat est bénéfique à Syracuse, Archimède sait quel sera le prix à payer : le sang des soldats ennemis un peu trop aventureux. Archimède est comme tous les grands génies à l'origine d'inventions ou de découvertes dangereuses. Lorsqu'il dit qu'il est devenu « le maître d'une armée de monstres », on pense sans mal à Oppenheimer, le père de  la bombe A, affirmant : « Je suis la Mort, le destructeur des Mondes ». Aussi, lorsque la trêve sonnera, Archimède pourrait être désigné comme le plus grand criminel de cette bataille. Fort heureusement, l'Histoire, la grande, retiendra surtout l'incroyable cerveau qu'il fut pour son époque. 
  
  

© 2002 Hitoshi Iwaaki / HAKUSENSHA, Inc., Tokyo

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