My Hero Academia : Two Heroes - Actualité manga
Dossier manga - My Hero Academia : Two Heroes

Le respect d'une formule classique


Lorsqu'on évoque les films d'animation tirés des nekketsu fleuves à succès, une formule nous vient assez rapidement en tête : Celle d'un métrage constituant une histoire annexe, rythmée, s'adressant au plus grand nombre et vouée à nous faire trépigner sur notre siège le temps d'une heure et demi. Parmi les bons élèves de cette école, Naruto, Bleach et One Piece sont des exemples à évoquer. Et quand bien même les mangaka d'origine se sont de plus en plus impliqués dans ce type de projets, la finalité demeurait la même : Réaliser un véritable festival ancré dans un univers connu et apprécié de base, afin de procurer une expérience cinématographique à la fois généreuse pour le fan, et qui pourrait aussi pousser le néophyte à se plonger dans l’œuvre originale ou dans son adaptation animée par la suite. Et sans parler de séries de castagne, de grosses licences comme Détective Conan s'approprient aussi la formule, de manière à véhiculer leurs œuvres sur un grand écran pour narrer des récits via un format différent et attractif d'une autre manière.
Afin d'être précis, il convient d'évoquer une recette contraire, de plus en plus présente ces dernières années : Ces films tirés de récits fleuves mais créant une réelle connexion scénaristique, au point d'être présentés comme des suites plus que comme des stand-alone. Les derniers métrages cinéma en date Dragon Ball Z / Dragon Ball Super sont de parfait exemples, mais nous pouvons aussi évoquer Naruto : The Last et Boruto : Naruto the Movie du côté du ninja orange, ou encore Demon Slayer : Le train de l'infini concernant le hit actuel de Koyoharu Gotôge. A vrai dire, le sujet du film tiré d'un shônen fleuve et populaire mériterait une analyse qui lui est propre tant il y a à dire, mais ce n'est pas exactement le thème de notre dossier, bien qu'il y soit lié.

Quand est annoncé My Hero Academia : Two Heroes, beaucoup ont immédiatement pensé à ce type de films, à juste titre. Le manga de Kôhei Horikoshi étant toujours en cours à ce moment (et le restant à l'heure où ces lignes sont écrites, c'est à dire novembre 2020), et la troisième saison en phase d'être diffusée, il n'y avait pas besoin de créer une véritable suite au format cinéma, mais plutôt une histoire indépendante qui raccrocherait les wagons avec quelques petites ficelles. My Hero Academia : Two Heroes est donc de ce registre, c'est à dire un stand-alone narrant une aventure inédite, née de quelques bribes communiquées par le mangaka d'origine mais avant tout pensée par l'équipe autour du projet animé, avant de permettre à cet anime de franchir quelques frontières artistiques.


L'histoire de ce premier métrage n'est donc pas celle de Stain, ni celle du combat contre All For One, ou encore l'ascension de Tomura Shigaraki. Non, Two Heroes parle plutôt d'une halte dans le parcours des élèves de la 2nde A de la filière héroïque de Yûhei, des vacances méritées qui se détachent de tout ce que les personnages ont vécu jusque là, mais qui vont apporter leur lot de péripéties. Créer une telle rupture dans la temporalité n'est pas anodin afin de directement distinguer le film de la grande trame originale pensée par Kôhei Horikoshi. Si on pense le rapport entre les films One Piece et la grande aventure de l'équipage du Chapeau de Paille, on constate que cette rupture temporelle est souvent parfaitement établie, car le concept d'îles de l'univers d'Eiichirô Oda facilite ce type de pause dans la chronologie. Pourtant, Two Heroes peut être fixé dans le canon, et c'est même comme ça que l'histoire a été pensée. Ainsi, Izuku accompagne All Might sur l'île I-Island, peu après son stage auprès de l'excentrique Gran Torino, et quelques semaines (jours?) avant le fameux camp d'été qui amènera progressivement certains éléments phares de la première partie de l'histoire. Les discussions parmi le staff technique (présentes dans le livret du coffret DVD/Blu-ray) confirment cette réflexion autour du premier film, justifiée par une production qui a débuté avant la diffusion de la troisième saison, même si le long-métrage a atteint les salles japonaises pendant la diffusion de celle-ci (précisément, la veille de la diffusion de son 17e épisode).

Le spectateur, vétéran comme néophyte de la série, est alors placé dans une zone de confort. Et pour les plus jeunes qui découvrent les héros de Yûhei par le grand écran, Izuku ouvre le bal avec l'habituel récapitulatif de son histoire afin de conforter cette zone de confiance, et que personne ne soit perdu, définitivement. Alors, l'intrigue simple sera suffisante pour parler à chacun, puisque Two Heroes peut se résumer à la confrontation entre nos héros et le groupe de Wolfram, grand méchant de cette nouvelle intrigue. Bien évidemment, la trame est un peu plus dense que ça, puisqu'elle aborde une autre facette d'All Might à grand renfort de personnages inédits qui ne seront quasiment plus exploités dans le reste de la saga. L'attachante Melissa fera sa réapparition dans le spin-off manga Team Up Mission de Yoko Akiyama, mais c'est tout. Cette légèreté scénaristique est d'ailleurs souvent pointée du doigt parmi les grands défauts de ce premier long-métrage. Preuve en est que ce type de production reste mal considéré, dans le sens où les attentes sont relativement hautes pour ce qui n'est finalement qu'un long-épisode stand-alone plus spectaculaire que la normale. Car il est difficile de proposer un scénario novateur si le produit final doit être conforme à la série (risquer de froisser les fans serait dangereux pour le bon succès du métrage), et d'établir un récit qui impacterait l'histoire principale. Car, rappelons-le, les films ne doivent pas faire progresser le scénario du manga, seul Kôhei Horikoshi étant maître de son œuvre. Avec de telles problématiques, il est difficile de proposer une histoire avant-gardiste, d'autant plus pour un premier métrage qui a probablement le statut de « coup d'essai » pour My Hero Academia au cinéma.


Alors, si les scénaristes ne peuvent se laisser totalement aller à leur imagination pour narrer cette nouvelle histoire, que reste-t-il ? Les personnages d'une part, et la dimension action du récit de l'autre. Car l'important est de refléter le manga, et par conséquent de faire briller les personnages préférés des lecteurs et spectateurs, de préférence via de belles scènes de combat. C'est ainsi que les héros de la 2nde A qui brillent dans cette aventure sont ceux que nous avons l'habitude de voir en action, c'est à dire All Might, Izuku, Katsuki, Shôtô, Ochaco, Momo ou Eijirô. A ce propos, il y a eu un véritable travail de sélection en interne, une discussion qui a entraîné un long débat sur la potentielle implication de Tsuyu. Mais la fille grenouille a été écartée, pour une justification tout à fait pertinente liée à ses réactions au cours des événements dépeints dans la saison trois. Là aussi, cet aspect a été décrié. Et peut-être est-ce pour cette raison que le second film, Heroes Rising, établira un équilibre bien plus juste entre les personnages que nous connaissons... Mais nous y reviendrons dans un dossier consacré à ce deuxième métrage.

La dimension action, qui constitue la dernière grande partie de Two Heroes, est très importante pour garantir l'expérience visuelle dans une salle obscure. L'idée, afin de correspondre à un classicisme du film de ce genre, est de mettre en scène toutes ces vedettes dans un déluge d'affrontements contre les nouveaux ennemis de cette histoire. Concernant Two Heroes, on ne s'ébahira pas devant la réussite de ces adversaires, très simples (voire grossiers) dans leur design, et qui n'existent que pour tenir tête à nos héros en herbe pour certains. Difficile aussi d'imaginer que Wolfram vient de l'imagination de Kôhei Horikoshi tant l'adversaire est manichéen, c'est à dire un méchant tout juste méchant, loin d'un Stain ou d'un Tomura. Même s'il est difficile d'établir dans quelle mesure le mangaka a établi la psychologie et le background de cet antagoniste, nous savons qu'il l'a créé "dans ses moindres détails" selon Yoshihiko Umakoshi, le character-designer de tout l'anime My Hero Academia, même s'il est difficile de savoir s'il évoque toutes les dimension du personnage, ou seulement son emprunte visuelle.

Les ennemis servent principalement à créer du spectacle, ce qui reste cohérent avec tout le reste de la démarche du film. Vient alors l'atout du métrage : Son équipe. Yoshihiko Umakoshi, a supervisé l'animation aux côtés de Yuki Hayashi (Umakoshi décrivant son comparse comme un réel renfort de talent dans une production au cours de laquelle il aurait aimé davantage de temps. Yuki Hayashi a d'ailleurs supervisé tout le climax du film, auquel Umakoshi n'a donc pas participé, ayant même découvert cette apothéose sur le tard). Et parmi les animateurs clés, citons plusieurs noms comme Yutaka Nakamura, Yûta Kiso, Hironori Tanaka ou encore Kôki Fujimoto, des artistes qui ont déjà travaillé sur les saisons de la série animée et qui connaissaient déjà l'âme de la série. Une connaissance de l'univers que l'on reconnaît par la qualité des séquences, et la patte esthétique évidente. Chaque animateur ayant sa vision ou sa manière de donner du mouvement, certaines optiques se reconnaissent lors des séquences d'animation, les nombreux jeux de caméra notamment. D'une manière très générale, on sent un investissement et une production qui a bénéficié de davantage de temps par rapport à la série animée (la création de ce premier film s'étant étalée sur une année et demi). Une implication et un délais optimal pour répondre à la dernière, et peut-être à la plus importante des attente : Le souffle épique de l'aventure, et son grand spectacle servi par une qualité technique aux petits oignons.
  

©2018 My Hero Academia The Movie Project ©K. Horikoshi /Shueisha

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