Bullet armors - Actualité manga
Dossier manga - Bullet armors

Quelques constats graphiques


On ne pourrait retirer à Moritya son grand talent graphique, palpable dès les premiers chapitres et qui va se bonifier au fil du temps, jusqu’à livrer des pages somptueuses dans les derniers volumes de sa saga. Ce constat est d’autant plus fort que Bullet Armors est la toute première série du mangaka. Par conséquent, sa marge de manœuvre est encore immense et en partant sur ces bases, son travail graphique pourrait bien se révéler exceptionnel d’ici quelques décennies. Nous pouvons toutefois nuancer notre propos, car si le dessin de la série est l’un de ses gros points forts, il représente parfois et paradoxalement un défaut non négligeable.

On ne se doute pas forcément du talent graphique du mangaka sur les premières pages de l’œuvre, bien au contraire. L’action étant peu présente, le lecteur se concentre sur un design des personnages très affiné, peu imposant ni très détaillé ou original, ainsi que des arrière-plans bien vides qui laissent souvent place à une trop grande quantité de blanc. Puis apparaissent les machines, les tremors, qui surprennent par leur modélisation. Comme si Moritya était un féru de la mécanique, il prend grand soin à donner le plus de précision possible aux différents engins de la série, que ce soit Bullet qui n’est qu’un bras robotique ou encore les tremors maléfiques qui arborent l’apparence de vers de terre géants. Ce constat ne fait que se confirmer au fil des chapitres, car plus l’histoire avance et plus les appareils deviennent imposants, beaux et détaillés, ce qui permet de crédibiliser leur présence dans l’univers du récit.
  
  
  
  
  
Un autre élément nous permet de capter l’évolution de l’auteur, ce qui passe avant tout par sa prise de risque. Nous l’avons dit quelques lignes plus haut, les premiers chapitres ne sont pas ceux où l’action est la plus explosive, il faut attendre le second opus de la série pour cela et notamment l’affrontement face à Eiblock. Le mangaka, pris de folie et bien conscient qu’un univers où la machine est omniprésente ne peut que proposer des scènes d’action pêchues et dynamiques, ce qui sera évidemment le cas dès l’affrontement sus cité. La recette du dessinateur c’est que dès qu’une phase d’action est entamée, il cherche à donner un tout autre relief à son dessin. Si nous reprenons le trait fin attribué aux personnages en début de série, celui-ci devient plus ferme dès lors que les coups pleuvent. Cela s’applique à tous les acteurs de l’action, car Moritya épaissit  énormément son trait tout en cherchant à donner énormément de détails, mais aussi jouer sur des effets d’ombre. Le résultat est intéressant, car tandis que la série cherche un rendu assez propre en temps normal, les scènes de combat essaient d’apporter un effet plus crayonné, voir brouillon. La dynamique est ainsi très bien rendue et certaines planches laisseront très certainement le lecteur ébahi, au point de le laisser bloquer quelques secondes devant son ouvrage. Voilà qui entre en cohérence avec ce que votre serviteur ne cesse de clamer depuis sa lecture du tome 3 : Bullet Armors ne cherche pas le renouveau de son genre et ne se prétend pas inventif, il se veut seulement un divertissement explosif et divertissant. Et cela passe évidemment par un dessin réussi qui sait donner du cachet à ses épisodes d’action afin que le lecteur ne sorte de l’ouvrir qu’avec un seul constat encore, celui du « J’ai passé un bon moment ! », ni plus ni moins.

Avec de telles qualités, comment l’art graphique de Moritya pourrait constituer un défaut à l’œuvre ? On ne doute pas du talent de l’auteur, mais malgré tous les détails qu’il apporte à son action, son manque de fluidité dans la narration générale reste flagrant, et c’est malheureusement un point important lorsqu’une série mise autant sur ses scènes de combat. En cause, il y a bien évidemment un découpage que l’auteur peine à maîtriser, ceci très certainement parce qu’il s’agit de sa toute première série et qu’une narration sans défaut avec des entités si imposantes que sont les machines tiendrait tout simplement du pur génie. On se doute alors que si le mangaka reprenait ses planches d’ici quelques années, avec de l’expérience en plus, le résultat ne serait pas le même. A cela, peut-être pouvons-nous déduire que le parti-pris esthétique de l’artiste, celui de donner du détail à son trait lorsque l’action éclate, n’est pas celui qu’il maîtrise le plus. Créer une planche sublime où les protagonistes de l’action sont statiques est bien différent de réaliser toute une scène en mouvance où l’action est prépondérante. Nous ne remettons pas en question les bonnes idées de l’auteur ni ses choix, mais une série si survoltée s’est peut-être révélée de trop grande ampleur pour un artiste novice et si jeune.
  
  
  
  
  
Mais ne concluons pas cette partie sur une note négative, car Moritya et un mangaka possédant des qualités et qui ne peut qu’aller de l’avant sur le plan graphique. Pour preuve, prenons les couvertures des six volumes de son œuvre. Celles des deux premiers tomes sont plutôt simples et colorées, tandis que les suivantes proposent des teintes plus mécaniques et surtout beaucoup de reliefs, de détails et de textures pour apporter de la crédibilité aux tremors. Le visuel du cinquième opus est une pépite, si bien qu’on regrette que l’œuvre n’inclue pas plus de pages en couleur.
  
  
  

©2010 MORITYA/SHOGAKUKAN

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