Une œuvre courte et profonde
Au final, Border aura démontré durant ces quatre volumes sa simplicité, sa pertinence, sa propre interprétation de la vie et sa profondeur par l’intermédiaire de personnages justes, simples et complexes tout à la fois. Une œuvre courte qui dégage ses propres objectivités et subjectivité, chaque tome faisant monter à chaque fois un peu plus le suspens et l’intrigue. Chaque enquête policière propose une histoire intéressante d’une qualité généralement constante. Les émotions sont justes, sans jamais d’excès. Les affaires criminelles sont menées de manière réaliste et précise, pas question d’user de tout stratagème facilitateur ou incohérent. La trame, de son côté, monte suffisamment en puissance pour préparer le terrain du dernier arc de la série.
On partait dès lors vers une certitude, vers une fin pleinement aboutie. Ce qui n’est pas faux en soi, et pourtant...
Un goût d’inachevé
Et pourtant, il est dans notre devoir de le reconnaître. La déception est là. Tout était là, tout était présent pour que la série se termine comme il se doit : de grande et complète manière. Un amer goût d’inachevé prédomine. Cette courte série avait quasiment fait un sans-faute, ce qui n’est pas donné à toutes les brèves œuvres. Alors que le dernier volume était en train de conclure comme il se devait les dernières questions en suspend, le titre s’achève abruptement, en cours de conclusion. Pire, le récit se termine brusquement au sommet tragique du titre... En outre, bon nombre d’éléments ne sont pas résolus... Quid du héros et du sort que lui réserve la balle qui est logée dans sa tête ? Quid du devenir de ses relations et de son parcours professionnel ? Qui des conséquences de son dernier acte ? Un chapitre ou deux auraient suffi à combler ce manque. Comment expliquer un tel résultat ? Est-ce l’éditeur ou est-ce la volonté des auteurs eux-mêmes ? Quel dommage ! Voire quel gâchis...

Yua Kotegawa, auteure estimée ou sous-estimée ?
Yua Kotegawa est connue par chez nous. La plupart de ses ouvrages ont été publiés chez des éditeurs différents. Détenu 042 chez Kana. Anne Freaks et Line chez Pika. Kimi no knife chez Panini (dont la série est hélas en pause indéterminée à même pas quatre tomes de la fin...). Et enfin, Border chez Komikku. Cette auteure n’a dès lors plus vraiment besoin de se présenter. Néanmoins, la mangaka laisse souvent un sentiment mitigé à l’encontre de ses œuvres. Certaines personnes considèrent que certaines de ses œuvres se révèlent originales, réalistes, sombres ainsi qu’imprévisibles. En d’autres termes, de grande facture. Le titre qui est souvent cité n’est autre que Détenu 042. D’autres ont un discours inverse concernant Yua Kotegawa. Ses séries seraient abstraites, fades, sans profondeur et biscornues.
Où se situe la réalité de ces opinions extrêmes et contradictoires ? Difficile à dire lorsque le rédacteur du dossier lui-même avoue être un grand amateur de l’auteure. Ce dernier aurait simplement tendance à dire qu’il s’agit sans doute d’un charme propre à la mangaka. Le reste, c’est une question d’adhérer ou non. Chaque écrivain, dessinateur a sa patte, son style. Tout le monde ne peut pas apprécier. Cependant, parfois il est idéal que tout un chacun mesure les avantages et les inconvénients de toute histoire. Finalement, savoir si Yua Kotegawa est une auteure estimée ou sous-estimée sera toujours une question laissée à l’a priori des gens. Le mieux à faire pour tout lecteur est d’essayer ne fusse qu’une fois une série de l’auteure. Ce n’est que par cet intermédiaire-là que le lecteur pourra se laisser tenter ou non.
© Yua KOTEGAWA 2014 © Kazuki KANESHIRO 2014 / KADOKAWA CORPORATION, Tokyo