Blood Alone - Actualité manga
Dossier manga - Blood Alone
Lecteurs
17.50/20

Graphismes et Adaptation

 
L'esprit mélancolique et platonique de la série est appuyé par un dessin qui ne pouvait pas mieux convenir pour décrire toute l'ambiance du titre. Dès la couverture, la série intrigue, séduit, par ces couleurs à la fois ternes et très chaleureuses, par l'atmosphère très froide que rend la colorisation à l'ordinateur et les postures statiques des protagonistes mais qui pourtant donne une envie folle de plonger dans cet espace de paix. Puis, avant même de les écarter, les pages étonnent par leur bordure principalement noircies, mais pas toujours, et il faudra rentrer dans l'œuvre pour en comprendre leur signification véritable, leur importance en tant que point de repère dans ce temps qui s'écoule si laconiquement. Il est temps de rentrer dans l'univers, et là Masayuki Takano nous emporte dans la profondeur de ses trames, dans ses décors très sobres mais pourtant suffisamment détaillées pour que l'on se sente instantanément entré au sein du quotidien du Kuroe et Misaki, au milieu de leurs sourires timides. En effet, cette sobriété se prolonge dans les expressions des personnages : le dessinateur ne recourt que très rarement à l'exubérance des sentiments et aux codes habituels du genre manga. Très renfermés sur eux-mêmes, les personnages portent sur leur visage la fragilité de leur existence, et ne laissent transparaître que très peu d'émotions. Les regards sont sombres, les cils tombent vers l'extérieur. Les sourires francs ne sont l'apanage que des plus grands moments de réconfort, et c'est paradoxalement à ce moment-là que le mangaka nous rappelle subtilement la nature de l'héroïne en exhibant ses fières canines. Ce caractère très figé n'empêche pas pour autant de décrire une palette non négligeable d'émotions, pouvant se classifier selon le nombre de traits obliques sur les joues des personnages : plus ils sont nombreux, plus ces derniers doivent vaincre leur gêne et trahir un peu d'eux-mêmes.

La narration de Takano insiste précisément sur la peinture de ses émotions, et les planches se font souvent très sages dans leur découpage. Si cela fonctionne aisément au sein des chapitres calmes et contemplatifs, il est cependant regrettable que le récit ne se dynamise pas d'avantage dans la forme lors des séquences d'actions. L'auteur a d'avantage le souci de saisir l'instantané du moment que de nous faire partager le rythme des évènements, et si chaque case est réussie, leur agencement n’entraîne pas l'intensité nécessaire pour nous faire vivre les combats autant que l'on aimerait. C'est bien là la seule véritable ombre au tableau du travail graphique du mangaka, qui prouve à d'autres endroits une audace bien plus grande. Le sentiment d'oppression permanent, rendu notamment par des traits verticaux omniprésents dans les décors et par les cadres noirs entourant les cases, explose parfois sur des chapitres plus tranquilles lorsque Takano ose s'affranchir de toute bordure. Les dessins s’enchaînent alors avec une certaine maestria, le lecteur ayant alors toute la liberté qu'il désire pour en réunir certains et se concentrer sur d'autres. Ces épisodes-là sont de petits moments de grâce, disposés de manière intelligente pour que l'on puisse reprendre sa respiration dans des temps trop inquiétants.

Comme toujours, Ki-oon nous offre un travail d'édition particulièrement irréprochable. Le soin apporté à l'encrage des planches prend tout son sens sur une série aussi sombre, et le tramage n'est jamais dénaturé de son esprit premier. L'adaptation graphique, réalisé par GB One jusqu'au cinquième volume puis par Clair Obscur, se veut très discrète, les quelques onomatopées étant traduites partiellement sans surcharger les planches. Le papier est épais et le support relativement solide sans être trop lourd. Nous profitions également des illustration couleurs figurant au début de chaque tome présentées sur un papier glacé du meilleur effet. Du côté de la traduction, il aurait été souhaitable que l'on retrouve au début et en fin de chaque volume un index des personnages et des termes vampiriques propres à la série, comme c'est le cas uniquement dans le cinquième opus. Mais hormis ce simple détail, force est de constater qu'il n'y a tout simplement rien à redire !
 
 



Conclusion

 
Grâce à ses couvertures envoûtantes, Blood Alone est une série qui aura attiré à elle déjà plus d'un lecteur curieux. Pour les autres, ce n'est qu'une question de temps avant de succomber à ce petit bijou déniché par les éditions Ki-oon ! Certes, avec seulement six tomes en cinq ans sur sa première vie, le récit aura pu laisser perplexe quant à la force de son univers. Pourtant, c'est bien plus qu'il n'en faut pour que Masayuki Takano décrive un monde riche en références et porté par des personnages auquel on aura tout le loisir de s'attacher. A la frontière de nombreux genres, la série saura convaincre chaque lecteur vers une catégorie, et titiller son envie de découverte par ses autres aspects. Blood Alone dépeint des fragments de vie de ses héros, des moments de bonheur où d'angoisse saisis sur le vif auquel il conviendra d'apporter sa propre interprétation, les contours n'étant pas totalement délimités. La mythologie très forte de la saga, disposant de ses propres règles et termes spécifiques, sera ainsi compensé par l'approfondissement de la psychologie de ses différents protagonistes. Ainsi, malgré la thématique vampirique pouvant tant être un avantage qu'un inconvénient, l'auteur délivre un message beaucoup plus universel autour des amours interdits dans toute leur splendeur. Leur expressivité platonique permet de s'intéresser au fond des choses, et de découvrir l'importance du partage de son affection et de ses douleurs pour continuer à vivre sans perdre la raison. Malgré leur fragilité, Misaki et Kuroe ont encore bien des choses à nous raconter, et l'on se réjouit d'avance de pouvoir encore avoir le privilège de s'immiscer au milieu de leur vie, de leur affection si particulière mais pourtant indispensable, de ces moments de joie captés sans tabous. Si ces héros-là doivent supporter un lourd passé, et se projettent dans un avenir autrement plus lugubre, ils savent avant tout profiter de ce bonheur quotidien qui leur est offert. Car après tout, rien n'est plus précieux que l'instant présent...
  
 
Mise en ligne le 10/06/2011. 
Mise à jour le 28/11/2012.
   
  
Liens et références
- Wikipedia 
- Page Blood Alone sur le site de Ki-oon
- Blog de l'auteur
    
  
Fiche de la série: Blood Alone - Blood Alone nouvelle édition
Fiche de la série VO: Blood Alone vo
Fiche de l'auteur: Masayuki Takano
 
 

Dossier réalisé par Tianjun


© Masayuki Takano / ASCII MEDIA WORKS

Commentaires

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Arch

De Arch, le 05 Août 2011 à 10h05

18/20

Article complet qui aborde avec précision divers aspects de Blood Alone.

J'ai succombé à cette série plus pour le pitch que pour les couvertures (qui, je le conçois, sont attirantes). Le manga s'axe clairement sur la psychologie des personnages ce que j'apprécie particulièrement. La sensibilité japonaise, si on peut appeler ça comme ça, dépeint admirablement par l'emploi de gestes simples toute la force des sentiments des personnages. Blood Alone est un exemple parfait et ceci est loin de l'étiquette "extravagante" que l'on colle volontier à la BD japonaise...

Pour faire bref, il ne plaira pas à tout le monde, mais personnellement, je le garde très précieusement dans ma biblothèque en tant que membre du cercle très privé des mes œuvres favorites.

jojo81

De jojo81 [7193 Pts], le 13 Juin 2011 à 07h49

18/20

Excellent dossier Wang.

Lisez Blood Alone, c'est excellent ! En plus Misaki est toute craquante ^_^

liliana60

De liliana60, le 11 Juin 2011 à 13h50

17/20

Superbe dossier sur une série que j'aime beaucoup et dont j'espère revoir la suite malgré le changement de magazine qu'il y a eu au japon.

J'ai vraiment pris plaisir à lire ce dossier.

BenDragon

De BenDragon [121 Pts], le 11 Juin 2011 à 13h34

Très bon dossier, comme tous ceux que j'ai lu sur ce site, bien écrit, et où l'on perçoit la passion de l'auteur pour la série.

Mais, personnellement, je n'accroche pas à "Blood alone" à cause du graphisme. Les couvertures et les illustrations qui illustrent le dossier sont effectivement assez réussies, et il en émane un charme certain, qui est très bien cerné dans l'analyse. Mais cela ne rend pas compte des planches en noir et blanc, que je trouve assez plonplon : sans grande originalité et pas suffisamment expressives. J'ai bien compris qu'on pouvait percevoir cela comme un trait de style, qui contribue à l'atmosphère de la série, tout en retenu, et je respecte ce point de vue, mais je ne parviens pas à percevoir les choses comme cela. Question de goût...

kadam29

De kadam29 [396 Pts], le 10 Juin 2011 à 22h20

17/20

J'ai passé un agréable moment sur votre petit dossier :)

Je fais parti des curieux qui se sont laissés happer dans l'univers de Blood alone il y a qqs années et je ne le regrette pas !

 

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