L’histoire de Bouddha transformée en manga
Adaptation d’un récit ancestral : les graphismes
Pour un récit biographique de cette trempe, mêlant, religion, philosophie et scènes de guerre, on aurait pu s’attendre à un trait réaliste, nerveux et saisissant. Tezuka est d’ailleurs capable de déployer ce genre de style graphique. Il l’a fait avec Ayako par exemple. Et Tezuka parvenait parfaitement à installer une ambiance dramatique et étouffante (sans perdre la personnalité de son trait, loin de là). Dans Bouddha, il a choisi un trait purement cartoonesque, avec très peu d’accentuations réalistes des traits de visage et des émotions. On sent finalement peu la tragédie et les moments tragiques sont pourtant légion. Au contraire, quand les princes s’énervent auprès de leurs conseillers, ils sont drôles, débonnaires et finalement ridicules. Nous en revenons au fait que Bouddha est un manga global, à destination du plus grand monde, à cause de sa vocation humaniste. Ce métissage est assez extraordinaire. Et pour autant, certains passages sont éprouvants. Lorsque Miguéla est atteinte d’une maladie très grave et que Bouddha essaie de la soigner, il y a beaucoup de dramaturgie. D’une part en raison des relations à la fois amicales et tendues entre les personnages, qui les poussent à avoir de l’affection les uns envers les autres mais ne pouvant évoluer dans le monde ; également car Tezuka explique très bien que la maladie de Miguéla est quasiment incurable et qu’elle risque de mourir dans la douleur après une vie de souffrance ; mais d’autre part car la condition de Bouddha et de Miguéla les empêchent normalement de s’entraider. Bouddha subit donc le poids des dogmes de sa société, la peur de perdre un être cher, le risque de contamination. Il n’hésite pourtant une seconde à se mettre en danger pour aider des parias, lui qui est Prince. Tezuka est un narrateur d’exception, et même un dessin à tendance comique, ces scènes ne perdent pas en qualité.
L’édition de Tonkam
La première édition de Tonkam, épuisée depuis longtemps, était comparable à la moyenne des années 1990. Papier qui jaunit, assez fragile. On peut toutefois saluer Tonkam d’avoir pris le soin de publier si tôt les grands récits de Tezuka, sachant que Bouddha était totalement inconnu de la France, alors que les lecteurs de cette époque se concentraient principalement sur les mangas dérivés d’animes.
La seconde édition, dite De luxe, a connu deux vagues. La première maquette, qui concernait les premiers tirages, est de très bonne facture : la couverture rigide est de qualité, les pages couleurs sont imprimées sur du papier glacé et bien mises en valeur. La seconde maquette, plus récente, voit la qualité globale de l’édition chuter grandement. Les couvertures sont imprimées sur un autre type de papier cartonné, plus fragile et qui dénote avec la première maquette. Les pages couleurs ne sont plus sur papier glacé. Enfin, les pages doubles sont gâchées par un « blanc tournant », c’est-à-dire des marges blanches sur chaque page qui laissent un grand espace au milieu entre les deux parties sur deux pages de l’unique image. Le prix de 15€ reste pourtant inchangé (il a même augmenté suite à une modification de la valeur du code-prix). À présent, il serait peut-être nécessaire, si Tonkam veut poursuivre la publication du manga, de penser à une troisième édition ; Le sens de lecture occidental est obsolète à présent, y compris pour les mangas patrimoniaux et la maquette mérite d’être remise au goût du jour. Ajoutons à cela que 15€ par tome rend difficile d’accès le manga à certains lecteurs, et que le prix mériterait d’être revu à la baisse en abandonnant l’aspect « deluxe ».
© 2007 by TEZUKA PRODUCTIONS
De nolhane [6594 Pts], le 20 Novembre 2015 à 01h14
Merci pour ce trèsinteressant dossier qui confirme mon envie de lire La vie de Boudda! :D