X - 1999

Graphismes et édition

 
 

Graphismes

 
Le maître mot de l’association de plusieurs mangakas est la diversité. Et après Tokyo Babylon ou Chobits, on peut effectivement prendre la lecture de X avec un gros choc de contraste au niveau des dessins. On est en plein dans la richesse des détails, d’un aspect brouillon et d’une avalanche de trames. Ici, on aurait presque l’impression que le tout a été bâclé … On est loin de la précision efficace, presque chirurgicale, de certaines des séries des mangakas. Ici, c’est juste la liberté du trait qui part dans tous les sens, qui se dispute la complexité avec le scénario. Pas question de manquer de détails, de paraitre un peu simpliste ou vide. Tout est rempli, les trames débordent, si bien que la plupart du temps on ne sait pas quel trait représente quoi, tant tout parait brouillon. Et c’est juste une merveille pour les yeux tant le tout est précis, complexe, chargé. Parfois, le peu de discours entre les personnages, nous permet de nous plonger totalement dans la bousculade des dessins qui se précipitent pour nous plaire et nous raconter, à eux seuls, l’histoire de la fin du monde. A noter que de nombreux décors ont été faits à partir de photos, travaillées en noir et blanc, ajustées pour rendre cette impression de réalité sortant des pages et nous saisissant à la gorge. Et puis la maladresse des personnages ajoute un côté touchant et séduisant au trait de Mokona, d’autant qu’elle n’est pas en reste sur les expressions et les traits du visage, évocateurs. Parfois, le vide est évocateur, mais toujours, la dessinatrice sait adapter son trait à l’histoire. X est bien plus fouilli que Tokyo Babylon, bien plus anarchique. On parle également de l’Apocalypse, et non du quotidien des habitants de la métropole. C’est donc un réel don pour l’artiste que d’adapter son trait aux idées, aux thèmes de son manga.

Ici, les détails sont travaillés, le découpage est disproportionné, et l’ensemble dégage une impression de légèreté brutale, de poésie sombre et froide. Et, aussi étonnant que cela puisse paraître au vu de certaines doubles pages travaillées à outrance, le manga reste assez sobre, sans trop se complaire dans la nuance et l’esthétisme des shojos. En tout cas, on ne se lasse clairement pas d’admirer chaque page du manga tant tout est travaillé, rempli, et que l’auteur ne nous laisse aucun moment de répit. Séduits, on peut l’être rapidement, alors que d’autres préféreront le style plus académique des autres œuvres des CLAMP. Toujours est-il que la magnificence de ces traits très féminisés, très enjolivés, nous surprend et réussit clairement à nous faire apprécier la lecture à sa juste valeur.
 
 

Édition

 
Parlons dans un premier temps de l’édition japonaise, chaotique et qui a souffert de beaucoup de bouleversements. En 1995, suie au grand tremblement de terre de Kobe, la série s’arrête une première fois. La raison ? X présente la fin du monde au Japon, suite à des grands tremblements de terre dus à la fragilité sismique de ce pays. Une thématique qui à l’époque a pu choquer les lecteurs, qui ont fait pression pour que Kadokawa suspense la publication. Rebelote en 1997, à cause des scènes jugées trop violentes, gores et trop insoutenables pour le public. Et ce, suite aux problèmes soulevés autour des mangas violents, notamment suite à l’affaire Seito Sakakibara, un tueur japonais bien connu, mineur, qui a perpétré des meurtres horribles, jusqu’à décapiter une de ses victimes pour en exhiber sa tête. Depuis 2003, les choses semblent se répéter. En fait, e contexte social japonais ne semble pas laisser de place à la violence du manga, à la psychose qu’il soulève à propos de la fin du monde. L’éditeur Kadokawa refuse de publier la suite, et les CLAMP refuse d’en changer la fin, ce qui amène à une situation bloquée qui, encore aujourd’hui, pose problème. A suivre.

Enfin, l’édition de française de Tonkam. Pas grand-chose à redire sur les tomes simples, qui malgré leur ancienneté restaient corrects et agréables à lire. La réédition en version double, par contre, est un peu décevante. Le petit format, qui rend le manga épais mais peu haut, rend chaque tome très compact et peu agréable à prendre en main. De plus, la reliure parait fragile et on a constamment peur d’abimer le livre, ce qui finit fatalement par arriver. Le manque de sur-couverture se fait alors sentir, puisqu’on ne peut pas cacher ces petits dégâts du temps et de la lecture … Dommage.
 
 
 
 
 

Conclusion

 
 
X 1999 est l’une de séries les plus connues réalisée par les CLAMP. C’est un manga dont la lecture est à la fois violente et douce, nuancée et très simple, complexe et triviale. Mais c’est avant tout une histoire dont on ne peut avoir la fin, la frustration est donc à la hauteur de la qualité de la narration. On se perd avec délice dans la violence des affrontements, qui prend le monde moderne comme témoin de notre catharsis. On se défoule, on exorcise notre propre colère dans la lecture d’un traité écologique à la sauce CLAMP. Bardé de références religieuses, culturelles et ésotériques, la lecture est remplie de détails, de points passionnants, de choses à découvrir. On ne s’ennuie pas un instant et on profite à fond de ce que les mangakas nous offrent à travers une œuvre qu’on espère bien un jour voir se terminer.
 
 

Dossier réalisé par NiDNiM