X - 1999

L’amour au centre des espoirs

 
 
Au milieu de cet univers sombre, violent et parfois même horrifique, il y a une lumière. Un point très shojo qui va faire toute la différence. Une notion toujours exploitée par les CLAMP comme source de miracles et de grands bouleversements. Une force insoupçonnée qui soulèverait des montagnes et détournerait le cours des rivières. On parle ici bien évidemment de l’amour. Sous ses dehors un peu durs, la série en est remplie. C’est même l’une des bases qui porte le récit, à plusieurs niveaux. Par exemple, l’amour de la Terre ou des Hommes permet aux deux clans de se former selon leurs idéaux mais surtout leur attachement à l’un ou à l’autre. Les Anges sont les envoyés de Mère Nature et ils l’aiment comme on aimerait une mère, pour la plupart. Ils ressentent un besoin inconditionnel de a protéger de tout et de tous, même si pour cela ils doivent combattre. Cela n’en dérange pas certains mais d’autres, plus fragiles, plus doux, rechignent à tuer pour leur quête. Tous pourtant s’accrochent à ce but, leur amour de la Terre étant plus fort que tout, les contraignant presque dans une voie plutôt qu’une autre. Les Sceaux, eux, voient bien que la Nature souffre, que leur planète est au bord de l’implosion. Ils ne prennent pas l’Apocalypse à la légère, mais leur amour pour leurs semblables, pour la race humaine, est plus fort. Ils sont persuadés qu’il y a du bon en chacun d’eux, que les Hommes peuvent changer si on leur en laisse l’occasion, si on leur donne une chance. Parce qu’ils sont fondamentalement bons, même s’ils se sont égarés en cours de route en oubliant l’essentiel. Cette confiance aveugle est digne d’un amour sans borne, et on voit donc bien que c’est ce sentiment qui dirige totalement le manga, en fin de compte … C’est le sentiment qui arrive là où on ne l’attend pas, sans prévenir, et il faut même un certain temps pour le remarquer, au milieu de toute la violence dégagée par la narration. Toujours est-il qu’il y est, et si les combats se créent c’est avant tout à cause de l’Amour, celui qui sépare quand il est dirigé vers deux entités à priori opposées.


 
 
 
Le deuxième amour évident, c’est celui de deux adolescents pour une même femme. A leur manière, Fuma et Kamui aiment passionnément Kotori, l’un en tant que frère, l’autre peut être un peu différemment, mais pas moins. Ils veulent tous deux la chérir, prendre soin d’elle, la protéger. C’est leur souhait le plus cher, d’autant plus qu’elle est fragile de naissance et que son apparence même donne envie de la protéger à jamais. Pourtant, c’est une des premières figures pures et délicates que les CLAMP décideront de sacrifier au scénario du manga. Cela bouleverse quelque peu les hésitations de Kamui, qui se rend compte qu’il doit faire un choix pour ne plus faire souffrir personne. Fuma, de son côté, a une réaction des plus surprenantes, et même un certain rôle dans cette détresse. Il commence déjà à changer, et après tout l’amour et la haine ne sont plus si loin … C’est ce qu’on se dit, face aux élans légèrement yaoistes sur les bords, que les mangakas assument pleinement. On ne compte plus le nombre de dérivés existants à propos de Fuma et Kamui, ou même avec d’autres personnages encore. C’est en effet ambigu au niveau de leur opposition, puisque les deux sont supposés être une seule et même personne, ou presque. L’alter ego suppose une totale opposition, et donc une certaine forme d’affection qui se transmet ici surtout par de la haine, au vu de leurs buts différents. Et puis, ce que Fuma a fait les sépare à jamais, brutalement, sans qu’il n’y ait rien de plus possible entre eux. Jamais. A part de l’animosité et un affrontement à mort. Les tendances yaoi y sont, donc, mais rien de bien méchant et c’est même beaucoup plus sous-entendu et moins engagé que dans Tokyo Babylon. C’est juste la haine qui nous fait faire ça. Et si on y réfléchit bien, ces visions un peu modifiées des relations apportent en profondeur à la lecture, et elles sont présentes dans bien des œuvres des auteurs, qui aiment jouer avec les conventions et les bousculer quelque peu.

Mais l’amour peut être sombre comme il peut être le seul point positif du manga. On en voit quelques manifestations entre les différents protagonistes. Notamment entre les relations qui se créent comme au sein d’une famille. Nataku prend Karen pour sa mère, par exemple, et Nekoi trouve un grand frère compatissant, puis une épaule forte, et enfin un amour plus certain. Des amitiés se créent aussi, ou plus comme entre Sorata et la femme de sa vie qu’il poursuit avec ses déclarations pour la faire céder. Ces instants sont des oasis de bonheur et de légèreté dans la narration, nous aidant vraiment à nous familiariser avec les personnages, à les adopter et à les aimer à notre tour. Enfin, l’amour tordu entre sœurs, les deux médiums qui se disputent l’avenir de Tokyo et de toute la Terre. Elles ont peur l’une de l’autre, mais sont attirées par l’autre et ne peuvent s’empêcher de s’aimer. Si l’une l’affiche plus clairement, l’autre se cache dans la fuite et la méchanceté pour oublier ce lien pourtant plus fort que tout le reste. Bref, autant dire qu’en plein milieu du sang et des larmes se développent des îlots d’amour de toute sorte, qu’ils soient réconfortants ou la cible d’encore plus de haine. C’est nuancé, c’est complexe, c’est rempli d’amour parfois malsain ou inattendu, mais c’est ça qui est bon … Parce que les envoyés du Destin ont encore des sentiments, se rapprochant alors d’êtres humains normaux qui ne font que chercher le bonheur dans le contact à l’autre … Même s’il est vrai que les défenseurs des Hommes sont plus enclins à ressentir ce genre de choses, mais c’est aussi parce qu’on apprend davantage à les connaitre que leurs congénères qui restent plus mystérieux.