L'ode au fan-service
Attirer de nouveaux spectateurs pour étendre la notoriété de Sword Art Online avant de passer au futur ambitieux de la partie animée de la licence est donc l'un des objectifs d'Ordinal Scale. Mais il fallait aussi content une très grande partie du public cible : les fans assidus de la saga, qui connaissent bien les deux premières saisons. Le scénario du film va donc dans ce sens à plusieurs reprises. D'abord, ses liens scénaristiques avec le passif de la saga, que nous avons abordés précédemment, viennent conforter le fan dans l'idée d'une suite bien établie dans la chronologie, plus qu'un simple filler qui aurait pu partir dans sa propre direction, sans jamais citer l'univers SAO. Le développement de la romance entre Kirito et Asuna peut aller dans ce sens car en plus de développer l'alchimie entre les personnages, il y a aussi une volonté d'émouvoir ceux qui connaissent les deux héros, de les voir aller plus loin. Autour de la demoiselle, on notera la scène de bain par très utile mais qui vient satisfaire les nombreux fans de l’Éclair Fulgurant, d'autant plus que la version blu-ray nous offre une version de la scène où sa poitrine n'est pas masquée.

Si le fan-service est parfois subtil et dosé comme il faut, la séquence de fin d'Ordinal Scale vient offrir un véritable déluge de fan-service qui, pour le coup, n'a pour justification que le plaisir que les passionnés de SAO pourraient ressentir. Ainsi, la quasi totalité des personnages de toute la saga est montrée, elle intègre la bataille finale mais sans justification particulière. Dans le fond, ça n'a pas beaucoup de sens mais sur la forme, le spectacle est total, en particulier lors de l’exécution d'Asuna de l'arcane Mother's Rosario, avec apparition spectrale de Yuki à ses côtés. Du pur fan-service, mais touchant et montrant tout de même que SAO s'est bâti autour de bon nombre de figures secondaires qui ont su intéresser les fans malgré leurs rôles limités au sein de l'intrigue.
Techniquement, un film bien équilibré
Un film d'animation est censé bénéficier de beaucoup plus de budget sur son temps à l'écran, par rapport à une série animée. On sent en effet que le studio A-1 Pictures a mis ses moyens dans le long-métrage, de manière à le rendre convaincant auprès du plus grand nombre.
Visuellement, les décors urbains, très inspirés, sont rendus crédibles, notamment dans la manière de mélanger de vrais morceaux d'environnement à des implantations digitales liées au système Augma. Assez immersif donc, là où les univers virtuels des séries animées donnaient bien l'impression de cadres fictifs. Dans ce soin de l'esthétique, on pourra signaler la modélisation de certaines créatures du bestiaires en 3D. Là où l'animation japonaise se montre souvent casse-gueule avec le procédé, Ordinal Scale maîtrise bien la chose puisque cette CGI ne sortent jamais le spectateur du film.

L'animation, elle aussi, est de qualité. Fluide et dynamique, elle remplit son office sans mal. Les affrontements sont globalement très marqués dans ce long-métrage, rythmés dans les actions des personnages, et rendues spectaculaires par pas mal d'effets visuels. On appréciera notamment les jeux de couleur des impacts, ou les effets des particules très jolis lors de la destruction d'une créature.
Une sortie française bien préparée
Sword Art Online est une licence qui fonctionne bien en France, la saga ayant rapidement acquis une belle notoriété lors de la diffusion de la première saison de l'anime en 2012. A l'heure où les différents acteurs du marché français de l'animation japonaise cherchent à donner les moyens à cet arc de percer un peu plus dans l'hexagone, il paraissait évident que le film sortirait au moins dans quelques salles obscures du pays, avant une inévitable parution sur support physique. Premier indice de cette volonté : la mise en avant de Sword Art Online lors de l'édition 2016 de Japan Expo via une conférence dans une salle comble. Et, effectivement, le film a bien eu droit à une sortie en salles, de manière même assez exceptionnelle. Les 19 et 20 février, des avant-premières eurent lieu à Paris puis Lille, soit juste après le Japon. Chacune des deux projections fut marquée par la venue de Shingo Adachi et Shinichiro Kashiwada, respectivement character-designer et producter d'Ordinal Scale. Ce fut d'ailleurs l'occasion pour nous de nous entretenir avec les deux créateurs lors d'une interview spéciale SAO.
Le 20 avril, d'autres avants-premières eurent lieu dans différentes villes de France, avant sortie nationale du long-métrage le 17 mai 2017.
Le 20 décembre de la même année sort chez nous le film en version physique, un beau coffret regroupant le DVD et le blu-ray, en attendant une hypothétique version simple ultérieurement. L'éditeur, qui a su créer des packaging de plus en plus chics au fil du temps, nous offre un objet exemplaire : sobre dans le visuel, avec quelques touches de dorure à chaud pour le côté métallique de la bête. Niveau contenu, le tout renferme un joli digipack accueillant les deux galettes, quelques cartes illustrées, et un livret contenant des visuels, fiches personnages, et interviews en tout genre. A noter que certaines de ces informations, dont l'entretien avec la chanteuse Lisa, viennent de la brochure du film, distribuée au Japon, que quelques fans français ont pu acquérir lors des toutes-premières avant-premières parisiennes et lilloises de mi-février.

Le doublage français : bilan en demi teinte
L'anime SAO et le doublage français, c'est toute une histoire, garnie par des anecdotes parfois croustillantes et des mystères tenaces pour les voxophiles. La première saison fut éditée en version physique par Wakanim qui a commandé une version française, déjà sujette à quelques interrogations. Le vidéaste Misterfox, spécialisé dans le doublage, a même consacré un épisode de son émission Parlons VF là-dessus, ce qui soulevra le casting d'époque bien caché pour des raisons obscurs, visiblement à cause d'une clause de confidentialité. Quelques temps après, la saison 2 (et les suites) atterrit chez @anime qui modifie entièrement le casting de la version française. Pour Ordinal Scale, nombre de comédiens ont repris leurs rôles, aussi Adrien Solis et Jessica Barrier officient de nouveau sur Kirito et Asuna, des rôles qu'il maîtrisent assez bien tant leurs timbres collent et les deux savent assez bien se mettre dans la peau de jeunes adultes aux aventures parfois dramatiques. Mais une interrogation se pose sur le changement soudain et pas toujours géré de certaines voix. Bruno Méyère laisse sa place à Vincent De Bouard sur Klein, bien que le successeur parvienne à bien se faire au personnage et à retranscrire sa dimension brave, derrière un caractère un peu simplet. Si d'autres rôles voient aussi leurs voix changer, la grande énigme vient de la nouvelle interprète de Sinon : Catherine Collomb. Dans la deuxième saison de SAO, Marie Nonnenmacher apportait un timbre qui collait sur le personnage, en plus de soulever le petit caractère de la jeune fille ainsi que ses quelques faiblesses psychologiques, un cocktail qui rendait sa prestation plus que correcte. Catherine Collomb, elle n'a absolument pas la voix d'une adolescente, ni celle d'une jeune adulte d'ailleurs. On sent qu'elle s'implique sur cette jeune fille, plus mature que ces camarades, mais le décalage de timbre apporte un contraste qui peut sans mal sortir du film le spectateur qui tenterait l'aventure en VF. Outre le changement de comédiens pour certains rôles, qui peut déstabiliser ceux qui se sont habitués à voir les épisodes de la deuxième saison en VF, c'est bien cette erreur de casting qui a de quoi faire grincer des dents...