Sword Art Online, une œuvre qui grandit avec son lecteur
Sword Art Online, récit d’aventure ancré dans la Fantasy, ciblait d’abord un lectorat plutôt jeune. D’une manière générale, les light-novel concernent un lectorat adolescent, mais les genres visités et les tons employés sur le format sont si vaste qu’entre le pré-ado et le jeune adulte, une tranche d’âge assez large se voit finalement concernée par cette littérature nippone. SAO se destinait, sur ses premiers arcs, à des lecteurs plutôt jeunes, notamment par son respect de certains codes qu’on retrouve bien souvent dans les séries de type shônen, que ce soit par les rebondissements du côté de l’action ou la vocation harem de la saga. Alors, les mangas Sword Art Online eux-mêmes visent une catégorie de lecteurs assez jeunes, tandis que l’anime a séduit lui aussi nombre d’adolescents à travers le monde. Les défauts des deux premiers arcs, liés au manque de maturité de l’œuvre, ressortent assez facilement mais après tout, Reki Kawahara n’a-t-il pas le droit de faire mûrir son œuvre en même temps que son propos et son lecteur ? C’est précisément ce qu’il cherche à démontrer dans Phantom Bullet.
Nous l’avons déjà développé, on remarque d’abord ce degré de maturité par l’esthétique globale de cette troisième partie qui, d’univers de Fantasy classiques et très féériques, s’est orienté sur un monde steampunk où les épées sont remplacées par des armes à feu. Mais cet élément n’est pas le seul à permettre à Phantom Bullet de se démarquer des précédents car aussi bien sur l’intrigue que sur ses personnages, l’arc montre progressivement que ses intentions sont plus élevées que celles des arcs Aincrad et Fairy Dance, et que le monde de SAO peut soulever des sujets plus complexes qu’il n’y paraît.
L’intrigue, d’abord, choisit délibérément de reprendre un thème fort du début de la saga, à savoir la combinaison entre la mort « in game » et le décès dans le monde véritable. Mais si dans Aincrad cela avait pour but de générer une certaine tension lors des combats et parfois du drame, Phantom Bullet utilise cette mécanique pour forger un véritable thriller dans son intrigue. Le scénario se voit donc doté d’une tension permanente, mais c’est aussi dans ses sous-intrigues que cette partie parvient à vraiment sortir du lot et proposer un degré de lecture différent.
L’histoire de Shino Asada est le premier de ces éléments. Depuis le début, l’écrivain cherche à dépendre à chaque arc un personnage féminin fort de quelques tourments, mais là où Asuna s’est révélée peu développée au final et Suguha simple cible d’un brother-complex, l’héroïne qu’est Sinon propose de véritables thématiques oscillant entre le harcèlement scolaire et le traumatisme qui peut naître en soi et contaminer notre existence. Dans le cas présent, Sinon souffre d’une phobie sociale depuis qu’elle a accidentellement retourné l’arme d’un criminel contre lui, dans sa jeunesse, faisant de l’adolescente un être déphasé qui va tenter de se reconstruire par les univers virtuels. Tout le développement du personnage repose alors sur les aventures qu’elle vivra aux côtés de Kirito le temps de cet arc, et c’est bien ce qui la rendra plus attachante et humaine que les personnages féminins dépeints jusqu’à présent qui pouvaient, elles, paraître superficielles.
En parallèle vient le traitement d’un personnage majeur mais qui n’a jamais vraiment eu de développement jusqu’à présent… Kirito lui-même ! Sur les deux premiers arcs, seul le contexte familial du héros et la manière dont il a trouvé refuge dans les jeux en ligne était précisé, mais un héros tel que lui manquait cruellement de consistance pour s’attirer le soutien du lecteur. Comme un aveu de Reki Kawahara d’avoir traité l’impact de Sword Art Online sur le héros de manière superficielle, il se rattrape ici en permettant aux fantômes du passé du héros de le rattraper littéralement. Nous découvrons ainsi un Kirito qui doute, a peut et manque même de faillir à sa tâche, et si le protagoniste reste encore cet être imbattable bien qu’il soit un débutant dans le jeu dans lequel il s’immerge, il apparaît définitivement plus fragile et humain qu’il ne l’a jamais été dans Phantom Bullet.
On peut alors tirer un bilan des développements de Sinon et Kirito dans la maturité gagnée par le récit : ils servent parfaitement un propos majeur de la saga qu’est le rapport des jeux-vidéo (par le biais des univers virtuels) à la réalité. Plus qu’un discours véritable, l’écrivain dresse, par le portrait des différents personnages dont l’ennemi qu’est Death Gun, un bilan des avantages et dangers que peuvent procurer les jeux impliquant une immersion importante. Ces derniers peuvent permettre de se dépasser, de subvenir à une faiblesse que l’on éprouve en soi, de faire des rencontres qui forgeront notre destin, mais aussi et malheureusement de se perdre au point de ne plus avoir de repères et prendre la vie elle-même comme un jeu. Le propos est d’autant plus louable qu’il ne se perd pas dans des mièvreries comme pouvaient le laisser entendre le début de l’arc, et établit une conclusion objective du lien entre l’humain et les univers virtuels.
C’est donc pour toutes ces raisons que Phantom Bullet se veut le plus mature des trois premiers arcs de Sword Art Online, une prise de conscience de la part de l’écrivain qui permet une nouvelle aventure plus sombre et parlante pour le lecteur qui en attend plus de l’univers. SAO a toujours été une série pleine de possibilités, qui ne les honorait pas toujours correctement, mais qui se rattrape avec cette troisième partie. Toutefois, si le roman s’est toujours montré plus dense et moins caricatural par sa narration très présente, peut-on craindre, des diverses adaptations, une perte de la maturité du récit ?
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De AlexSoma, le 21 Février 2019 à 12h23
Très bien fait j'aimerais savoir si le tome 4 vas sortir et quand ?
De Schouf [608 Pts], le 03 Mars 2017 à 13h45
Encore un superbe dossier !
Y a rien à dire, tout est là. La description et l'analyse sont efficaces. Ca donne vraiment envie de se plonger dedans !
Déjà la série m'a attiré avec quelques épisodes vus à la tv (sans suivre une saison entière) mais vos dossiers donnent vraiment envie de se mettre à lire (ou regarder) cette série, peu importe le format (et même ça me tente beaucoup d'essayer le light-novel !)
Merci beaucoup pour ce dossier. Vivement la suite avec les arcs suivants ! ^^
De saqura [4244 Pts], le 26 Novembre 2016 à 18h04
tres bien fait