Superior & Superior Cross

Roméo et Juliette

 
Au-delà de la violence des combats et de la nostalgie des valeurs qui prennent naissance dans un passé traumatisant ou difficile, Superior explore également l’amour. L’amour entre deux êtres totalement différents. Sheila et Exa sont les ennemis jurés, sans pourtant que l’un ou l’autre ne le réalise vraiment. Le rôle de l’un est de tuer l’autre, et inversement. Mais lorsqu’ils se rencontrent, ce n’est pas cette impression qui prime puisque le Héros est dans l’ignorance et que Sheila veut avant tout s’amuser de lui. Dès le début du manga, le doute s’installe et les sentiments naissent rapidement entre eux. La jeune fille ne peut se résigner à le tuer alors qu’elle n’a plus aucune raison de rester à ses côtés, pendant que le Héros essaye de ne pas y penser et de se consacrer à sa tâche. On ne s’attendait pas à voir cette possibilité arriver si tôt dans l’aventure, surtout pour un manga de cette trempe qui est avant tout basé sur l’aventure et l’action, les oppositions des deux clans. Exa et Sheila représentent alors cette opposition, personnalisée en deux amants qui ont tout d’un Roméo et d’une Juliette. Leurs statuts les empêchent de s’aimer, Sheila en a tout particulièrement conscience mais, n’ayant jamais ressenti ce sentiment auparavant, la jeune femme n’a rien pour y résister. Pourtant ... Cet amour qu’on croyait être un véritable point passionnant de l’histoire ... Eh bien oui, il nous déçoit. Ce n’est finalement qu’un ensemble de petites situations plus ou moins suivies, et non une réelle préoccupation de l’auteur. La déclaration d’amour qui arrive finalement manque de mise en scène, et parait être un détail alors que pendant toute la série on reste en haleine, pendus à leurs faits et gestes ... pour voir les choses avancer. Pendant des tomes et des tomes, ils se tournent autour sans que rien de concret ne se manifeste. Ichtys ose même utiliser un procédé totalement dépassé et absolument décevant : le coup de la blague qui vient casser une ambiance romantique à souhait. Dès qu’Exa et Sheila semblent se rapprocher, voire même glissent des sous-entendus dans leurs propos, il FAUT que quelque chose gâche tout. Une apparition de Lakshry, Angelica qui pique une crise, un ennemi qui arrive ... N’importe quelle situation est bonne à prendre pour les séparer et les empêcher de rester quelques temps dans le sérieux.

Donc il ne se passe rien sous le soleil, pendant des tomes et des tomes. Cette idée d’amour impossible n’enrichit donc véritablement pas la narration, au contraire elle l’alourdit. De temps en temps, quelque chose vient renforcer les problèmes de cœur qui s’instaurent depuis déjà trop longtemps entre Sheila et le Héros. C’est tellement épisodiquement que ce sujet est traité qu’on ne suit plus, qu’on n’a même plus envie de suivre les frasques sentimentales qui arrivent au compte-goutte et qui n’ont, de plus, aucune ampleur réellement touchante. Au début, cela nous passionnait mais les lecteurs se lassent vite de quelque chose d’aussi peu exploité et d’aussi long dans le temps. On ne croit pas une seconde à l’avalanche de situations qui les empêchent de se rapprocher. Et pourtant, le bon point, c’est que malgré leurs statuts totalement opposés, le drame n’est pas présent à outrance entre eux. Ichtys aurait pu faire quelque chose de dramatique, de terrible puisque le roi démon est tombée amoureuse du Héros et réciproquement. Mais non puisque, même quand Exa doute de la nature de Sheila, il ne pense pas totalement à la tuer, du moins jamais vraiment. Il n’est donc pas déchiré par un choix impossible entre son devoir et son amour, préférant défendre la thèse que Sheila a toujours été gentille à ses côtés. Ce en quoi il n’a pas tord ... cela nous évitant, pour notre plus grand plaisir, un dilemme cruel et interminable. Il n’est alors pas autant tiraillé qu’on aurait pu le croire, préférant faire confiance à celle qu’il connait et qu’il aime, d’autant plus qu’il est persuadé qu’il y a erreur ...
  
 
  
 
 
Pour que cette romance puisse exister, il faut évidemment qu’Exa soit charismatique, plutôt bel homme et distrayant pour Sheila avec ses principes et son sens des responsabilités. Mais il est tout aussi indispensable que Sheila soit dans de bonnes dispositions. Et son caractère permet cette romance, de par son paradoxe et son immaturité encore présente dans son esprit de petite fille. D’un côté, elle est diabolique, intraitable, maléfique et commandant aux monstres avec l’aide de son bras droit Kagami. Sans aucune pitié, elle détruit des vies, et il lui arrive même de détruire ses propres soldats quand elle n’est pas satisfaite. Elle ne se rend surtout pas compte du prix d’une vie et de la valeur de l’existence, ne comprend même pas le sens de sa propre présence sur terre. On lui a toujours appris cette attitude et Sheila n’en déroge jamais, car totalement novice de tout autre comportement. Aussi sa rencontre avec Exa change-t-elle un peu les choses. Avec lui, elle découvre qu’il y a plusieurs manières de vivre, et qu’elle n’est pas seulement bonne à tuer et à détruire. De sans morale, sadique et totalement tyrannique, Sheila va bien changer. Quitte à devenir parfois une jeune fille adorable, presque « kawai » avec son petit regard, sa moue identique à celle d’un chaton coupable et son petit sourire en coin. Voilà comment son comportement peut changer du tout au tout, quand la jeune femme découvre le plaisir de se laisser aller et de découvrir comment vivre sans contrainte, sans rôle, juste naturellement. De femme fatale et froide à gamine écervelée et insupportable, Sheila apprend tout simplement la vie aux côtés de ses compagnons. Elle évolue comme une adolescente, hésitant entre la petite fille et la femme, ne sachant trop sur quel pied danser. Et si Sheila peut grandir comme ça, expérimenter autant, c’est parce qu’elle se sent en confiance et entourée. Qu’elle a des amis qui l’aimeront malgré tout et quelle que soit son erreur. Avant, elle était une reine mais n’était pas aimée de ses sujets, qui la craignaient plus que tout, la poussant à s’énerver encore plus. Elle asservissait les monstres, alors qu’avec ses compagnons elle doit faire des efforts pour garder leur amitié. Ils l’ont accepté telle qu’elle se montre, incertaine et dangereuse mais aussi timide et naïve. La solitude l’enfermait dans un carcan de violence, et la chaleur humaine la délivre en un rien de temps. Elle évolue alors entre égocentrisme et mauvais caractère, entre attitudes touchantes et féminines. Comme quoi, l’amour peut changer bien des choses ...