Dossier manga - Superior & Superior Cross

Héroïque fantaisie


Avant toute chose, ce manga met en avant des valeurs et un sens de la droiture imparable. Tout est dit quand on a présenté le Héros. Exa est en effet un être pur, qui n’abuse pas de son rôle pour pratiquer une justice qu’il pense nécessaire. Il pourrait tout à fait accepter son destin et mettre à mal tous les monstres qu’il croise, afin de se délester de ce fléau qui menace son peuple et qui, de plus, a changé sa vie. Pourtant, il reste un homme de principe et il lui est hors de question de tuer ceux qui ne font qu’obéir à un roi démon tyrannique et sans pitié. Sa conviction est qu’il faut tuer le mal à la source, et non en répondant par la violence gratuite de son adversaire. Exa a donc une véritable quête, nécessaire à tout bon héros d’un manga d’aventure. Comme à l’époque noble des chevaliers ou, plus récemment, dans n’importe quel jeu vidéo du genre, on se retrouve donc à suivre une ligne directrice nous menant devant le boss de fin pour l’anéantir. Avec des quêtes annexes, des rencontres, qui ne peuvent pourtant ici pas changer l’inclination de notre héros. Car, quelle que soit la cruauté qu’il rencontre chez les monstres qui croisent sa route, Exa ne faillit pas à ses principes. Il a ses valeurs et elles guident toute la lecture de la série. Malgré les préjugés, les trahisons, les mauvaises surprises, le Héros ne tuera pas un seul monstre de façon volontaire. C’est ce sens de l’honneur infaillible qui le rend charismatique et éclatant, tout comme l’ont pensé ses camarades de route. D’ailleurs, Exa ne tolère aucune entorse à son mode de vie et quiconque veut tuer devra le faire hors de sa vue, et aura l’obligation de quitter sa petite troupe de défenseurs du bien. L’histoire nuance alors, par le point de vue d’Exa, beaucoup la lutte pourtant basique entre humains et non humains. On a l’habitude que les méchants soient rapidement identifiés, pourtant ici l’auteur essaie de faire preuve de moins de manichéisme que prévu, même si les ennemis de nos héros restent assez sombres, quoiqu’ils prennent toujours le temps de virer de bord dans leurs derniers instants de lucidité ... Bref, cet affrontement est un peu désacralisé par l’intermédiaire d’un héros aux valeurs stables et à la poursuite de son rêve, qui est de ne tuer personne d’autre que le roi démon. Grâce à cela, on sort un peu des sentiers battus de la fantasy pour se tourner vers une vision idéale et héroïque du genre. A noter également qu’Exa, en plus d’avoir des rêves de paix, est un héros dont la responsabilité n’a d’égale que sa valeur. Il assume totalement ce qu’il provoque, et parfois ses choix entraînent des conséquences non désirées qu’il doit regarder en face et tenter de résoudre. Tout n’est pas si facile quand on décide d’épargner des monstres, qu’ils soient humains ou non ...

Pour s’adapter au scénario voulu par l’auteur, la narration et la lecture s’adaptent docilement afin de recréer un monde adapté aux héros qui y évoluent. L’univers d’Ichtys est en effet à la fois particulier et totalement prévisible. On est dans l’aventure de base, avec un petit groupe d’aventuriers qui s’étoffe au fur et à mesure sans réellement déroger de ses bases immuables. Ils parcourent le monde à la recherche de leur but, ici le roi démon, mais rencontrent en chemin une foultitude de personnages qui les arrêtent pour un temps. Sauver le roi des attaques des démons, protéger les villages, enrayer une épidémie qui transforme les hommes en monstres ... Tout prétexte est bon pour s’arrêter et faire preuve de leur puissance ainsi que de leur vision du monde. Mais c’est aussi un bon moyen de faire du « level up » narratif, en d’autres termes d’augmenter l’expérience des héros. Ils apprennent certaines choses sur le terrain et se découvrent des forces et des faiblesses suivant les adversaires rencontrés. C’est donc en somme le classique déroulement d’un bon jeu vidéo, qui s’apparente très bien au manga d’Ichtys qui en utilise les codes. Le mode de combat est là aussi tout à fait simple. On a le héros, Exa, qui utilise l’épée avant tout et ressemble à un bon paladin qui fait montre de sa puissance uniquement si besoin. Ensuite, Lakshry qui est un peu ambivalent, autant dans les armes d’estoc que dans le combat un peu plus brouillon. D’avantage polyvalent, c’est le personnage qui les tire parfois d’affaire avec sa force de frappe impressionnante, mais à durée limitée et qui parait si difficile à placer qu’elle entre dans la catégorie « coups critiques rares ». Enfin, Angelica qui est la magicienne du groupe, même si Exa possède des sorts de soin assez avancés. Elle est de nature offensive et adopte un combat agressif, parfois un peu maladroit mais toujours motivé par l’envie de gagner. Il reste bien Sheila, être un peu à part dans le petit groupe. Elle se sert de sa nature de monstre pour faire preuve d’une grande capacité magique, pas toujours identifiable puisqu’elle est un être de magie plus qu’une magicienne. Cette construction est assez classique et nous rappelle bien la construction des aventures que l’on connait, dans un monde adapté à ce type d’histoires, avec des reliefs bien différents et des obstacles fréquents. On rentre donc très rapidement dans l’univers de la mangaka, en en savourant les stéréotypes tout en appréciant les légers changements et originalités au sein même de la fantasy qui a sans doute tout connu ... Ici, ce principal point est la nuance entre humains et monstres, car ces derniers sont parfois plus cléments et tolérants que les humains farouches et violents, souvent mauvais ...
 
 
  
  
  
Et comme dans chaque aventure, il faut que le passé resurgisse dans Superior pour tenter d’amener de l’émotion à la lecture, et surtout de la logique aux combats. Parce que nos héros ne se battent pas sans raison ni motivation profonde, ils sont tous emprunts d’un vif ressentiment vis-à-vis de ce monde, et ils comptent bien l’améliorer. On apprend assez vite le passé d’Exa, d’ailleurs, qui n’a rien de bien surprenant au vu du rôle qu’il incarne et de sa relation avec Sheila. On se doutait bien qu’ils allaient être intimement liés, et pas seulement suite à une rencontre fortuite dans un château. Cela nous permet pourtant d’éclaircir les raisons de sa bienveillance envers les monstres et, parallèlement, de sa haine envers le roi démon qui détruit tout sur son passage sans aucun respect pour la vie, qu’elle soit humaine ou non. On tombe rapidement dans le pathos avec son histoire qui n’a rien d‘original ou de surprenant, ce qui est assez dommage pour ce personnage qui aurait pu avoir une histoire bien plus complexe et réussie. Celle-là explique simplement des faits tragiques pour justifier son mode de vie, et puis c’est tout. Angelica se trouve à peu près dans le même cas de figure, puisqu’elle n’a le droit qu’à un flash-back sur son enfance. Pauvre métis, elle a été brimée par tous les habitants de son village en expérimentant la cruauté des autres enfants. Elle méritait bien un petit passage pour elle, au vu de son manque de profondeur mais ... au final, ce remake de son passé ne lui apporte pas grand-chose de plus. On comprend la dévotion qu’elle a pour Exa, mais au final Angelica reste assez plate et sans saveur, avec son mauvais caractère affirmé depuis qu’elle s’est libérée de son complexe et des moqueries des autres. On ne compatit pas à son sort, on n’éprouve aucun sentiment particulier ... Bref, ce n’est pas franchement réussi ! Ces explorations du passé restent donc assez maladroites, tandis que d’autres prennent tout de même plus de profondeur. On pourra notamment citer Lakshry, dont le passé refait surface lorsqu’il rencontre à nouveau son ancien meilleur ami, en bien fâcheuse posture cette fois. On en apprend davantage sur la raison de sa nonchalance et de son humour, carapace contre la culpabilité et la tristesse. Il était si peu exploité que le passage qui le concerne est bienvenu, quoiqu’un peu long et redondant parfois. Là encore, le pathos a sa place en nous expliquant à quel point le cœur de Lakshry est grand et pur, à quel point c’est un personnage naïf et bon malgré les apparences. Les ficelles sont un peu grosses et l’on se surprend à trouver le tout un peu lourd, mais bon, l’auteur a tout de même réussi à lui donner de la consistance. Et après Lakshry, c’est Rossi que l’on découvre, avec de longs passages, passés ou présents, sur sa relation avec son père. Dommage que les personnages plus principaux n’aient pas été autant développés.

Pour finir sur le pathos, attardons-nous un instant sur la fin ... Et quelle fin, quelle conclusion ! Totalement prévisible, sans aucune surprise. De A à Z, tout le long du dernier tome on pourrait prédire chaque évènement tant il est facile d’imaginer la happy end qui arrive. C’est classique, c’est stéréotypé, c’est même presque indigeste tant on n’est pas surpris. Notons quand même que l’auteur a respecté le lourd pari d’offrir une fin à tout le monde (même si tout est bâclé et précipité, personne n’a été oublié !), que ce soit en une page ou en quinze. Happy end pour tout le monde, tournée générale ! Un dernier tome qui se trouve donc être assez décevant. Et qui verse dans le pathos, jusqu’au bout puisqu’on a même pas droit à un petit sacrifice, d’un personnage somme toute totalement inconnu, pour apporter un peu de tristesse. Et non. Joie, joie, joie. C’en est écœurant sur la fin... Tout est trop rapide, et rien n’est original. Voilà une conclusion qui ne fait pas honneur à la série ... Un tombé de rideau qui ne fait pas la joie de la fantasy et qui en bâcle l’aspect passionnant et mystérieux.
  
 

SUPERIOR & SUPERIOR CROSS © ICHTYS / SQUARE ENIX Co.Ltd.

Commentaires

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Dim12

De Dim12 [4930 Pts], le 19 Octobre 2013 à 12h51

Super dossier merci ;)

M.

De M., le 25 Mai 2012 à 12h52

Un bon dossier, qui précise bien les défauts et les qualités de Superior et Superir Cross. La série a effectivement trop duré et finit par se perdre, mais l'ensemble reste intéressant.

Le dossier traite bien point par point les éléments de la série, la conclusion finit sur une touche positive, c'est une bonne chose.

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