Dossier manga - Stranger

Une vision sociale et non manichéenne de la justice


Ce qui démarque ce drama de tant d'autres qui l'ont précédé, c'est vraiment cette vision sociale et plus complexe que « et ben, les criminels c'est des méchants parce que c'est des criminels. » Il n'y a pas non plus d'apologie de la justice : plusieurs fois, on en voit les limites quand l'enquête est compromise par tel ou tel supérieur qui aurait reçu des instructions de telle ou telle personne... Enfin bref !

« C'était un monstre de notre temps. »

Cette phrase, au fond, résume bien toute la pensée de cette série. Au moment où Hwang Si Mok la prononce, ils ont arrêté le meurtrier de M. Park, les corrupteurs ont été dévoilés. Le meurtrier était une « victime » de ce système de corruption que Hwang Si Mok et ses alliés ont traqué toute la série, ce qui l'a amené à commettre des actes aussi extrêmes. Pourtant, Hwang Si Mok ne l'excuse pas pour autant, mais il explique très clairement que le système (dont il fait parti) a failli et qu'il ne faut pas en nier la responsabilité. Il rappelle d'ailleurs les paroles de sa partenaire d'enquête en expliquant ceci :

« Vous pensez qu'ils ont fait ça parce qu'ils sont cruels de nature ? Non, ils le sont devenus parce qu'ils s'en sortent toujours. Ils savent qu'on ferme les yeux. Si au moins une personne gardait les yeux ouverts et osait parler, cela pourrait changer. »

Et là, on se rappelle les paroles de Lee Chang Jun sur la corruption, que c'est une sorte d'engrenage. Il suffit d'accepter une fois, de se dire « bah, c'est bon pour cette fois » pour ne plus pouvoir en réchapper. Une fois la limite franchie, est-ce possible de faire machine arrière ?





« Les gens devraient porter des étiquettes en disant s'ils sont méchants ou gentils.
[…] Dans ce cas, certains n'entreraient dans aucune de ces deux catégories. »


Là encore, nous avons le droit à une parole très sage de Han Yeo Jin. Les humains ne sont jamais foncièrement bons ou mauvais, c'est un concept assez absurde en soi d'ailleurs. Nous servons nos propres intérêts, et la plupart des personnages de Stranger ont un jour fauté pour des raisons diverses : par sympathie pour quelqu'un, pour innocenter un proche, pour réclamer justice... Et c'est sans doute pour ça que Hwang Si Mok reste l'observateur le plus impartial. Les humains se laissent généralement guider par leurs émotions, mais pas lui. Il reste toujours très pragmatique car, grâce ou à cause de sa chirurgie, il est tout à fait capable de garder une distance avec toutes les situations qui se présentent à lui et à les analyser le plus objectivement possible (si tant est que l'objectivité existe.).

Mais, bien que la série brouille constamment ces frontières , on est assez étonné par la fin. En effet, ce drama se termine sur un note assez étrange. L'affaire semble terminer, les coupables dévoilés et, on espère, derrière les barreaux. On se dirait même, naïvement que ceux qui en ont réchappé aux sanctions ont retenu la leçon. Bon, il y en a un, on avait pas beaucoup d'espoir et quand on le voit retourner sa veste à la toute fin, on en rigole, car cela colle tout à fait à son personnage. On sait qu'il fait ça pour se trouver une place au soleil. Manque de pot pour lui, on lit en lui comme dans un livre ouvert, enfin, s'il s'en est tiré une fois, il s'en tirera bien une deuxième, n'est-ce pas ?

Non, en fait, il y a bien une scène qui nous interpelle et remet en cause tout ce que nous venons de regarder. Dans cette scène, un des personnages (je ne dirai pas lequel, mais quand verrez la scène, vous comprendrez immédiatement) que l'on croyait avoir « apprit la leçon » si l'on peut dire, parce qu'il avait perdu gros dans cette affaire, regrette ce qui est arrivé jusqu'à en pleurer. Pourtant, la seconde d'après, on a le droit à une scène assez surréaliste où l'on voit ce personnage reprendre le flambeau littéralement et, en une phrase, toute l'enquête à laquelle nous venons d'assister est remise en cause. Et là, on se pose une question : est-ce que garder les yeux ouverts sera suffisant quand la société toute entière est pourrie jusqu'à la moelle ? Dans ces cas-là, la société n'a-t-elle pas atteint un point de non-retour ?


La réalisation


S'il a bien un point à souligner positivement, c'est la réalisation. Elle est ultra réaliste, et elle a cette ambiance assez caractéristique des séries policières coréennes (je vous renvoie à Signal ou plus simplement au séries diffusées sur la chaîne OCN) qui sont souvent extrêmement dures à regarder. Pourquoi donc ? Et bien déjà par ces ambiances souvent très oppressantes, urbaines très ternes, dans les tons bleus ou gris et aux lumières extrêmement froides. Ça peut paraître anodin, pourtant on se retrouve tout de suite avec une sensation de malaise. Ensuite, la violence est souvent montrée de façon très crue et les acteurs asiatiques ont en général une manière de jouer qui est très expressive, ce qui achève de compléter le tableau.

Dans Stranger, on retrouve cette ambiance oppressante, mais pas forcément cette violence, car c'est un thriller qui se consacre plus sur les affaires que sur des meurtres en série. Alors le réalisateur a décidé d'user régulièrement de plans penchés qui déséquilibrent la composition des scènes et nous replongent toujours plus dans cette sensation de malaise.



De plus, il use souvent d'une technique assez simple pour nous impliquer dans le récit : il fait les déplacements des personnages  la caméra, pendant plusieurs secondes, sans couper. Technique simple mais efficace pour nous immerger dans le récit.
Il y a également eu une très beau travail sur le générique de la série, qui est un reflet assez condensé en quelques dizaines de secondes de Stranger. Ce générique est un petit bijou d'intelligence qui apporte de nombreuses clés sur l'intrigue. Il est d'abord très esthétique, jouant avec des plans de la ville sur lequel se superpose des scènes de la série qu'il faudra avoir vu pour bien les distinguer et les comprendre. Mais, en un sens, l'apparition des personnages principaux dans le générique est extrêmement révélateur de ce que va se passer dans la série. Hwang Si Mok et Han Yeo Jin sont montré en premier, en tant que «représentant du camp de la justice, de la droiture... » de l'histoire. Seo Dong Jae, en troisième, apparaît au milieu, montrant ainsi qu'il est de ceux qui a souvent un pied dans chaque camp et qu'on ne sait jamais vraiment de quel côté il est. Et enfin, nous avons Yung Eun Soo et Lee Chang Jun qui apparaissent en même temps. Pendant toute la série, pour ceux qui prennent le temps et le plaisir de regarder le générique, le fait que ces deux personnages apparaissent dans le même plan est assez intriguant, surtout que ça aurait pris simplement une ou deux secondes de plus pour les montrer séparément. Après tout, on ne les voit pas moins que Seo Dong Jae, au contraire !  Est-ce alors parce que Young Eun Soo désire se venger de Lee Chang Jun ? On se contente de cette explication, mais on ne s'en satisfait pas vraiment, surtout que, plus la série avance, plus on a des raisons d'en douter. Et alors le dernier épisode arrive. Et on comprend enfin. C'est une raison assez simple, mais qui spoile une bonne partie de l'intrigue, elle ne sera donc pas révélé ici.

Quand à la bande son, elle est tout simplement fantastique. La musique du générique colle parfaitement à l'ambiance urbaine, noire et oppressante de la série. Quand au deux premières OST, Without End de Richard Parkers et Dust de Averua, elle sont bonnement splendide. La première est plus « énergique » mais angoissante tandis que la deuxième est plus posée, mélancolique et poétique.
  
  
  


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