Six Half - Actualité manga
Dossier manga - Six Half

La famille, une notion dépassée ?


Si je veux trouver des réponses, il faudra me tourner vers cette « famille ». Mais comment me tourner vers elle lorsque celle-ci me cache des choses ou lorsque l’un de ses membres me déteste ? Je dois déjà trouver ma place en son sein. Mon frère semble m’apprécier, tandis que ma petite sœur me déteste. Je peux déjà peut-être me contenter de ça pour le moment.

Comme le met en avant Shiori, l’un des puzzles que l’héroïne devra affronter, c’est bien celui concernant sa famille. Dans Six Half, la thématique de la famille se trouve également au centre du récit. Après tout, on a affaire à une jeune fille amnésique qui devra coexister principalement avec les membres de sa famille. Une famille qui se présente d’ores et déjà comme étant quelque peu atypique. Cette part d’atypisme devient cependant assez courante dans certaines sociétés, lorsqu’il s’agit de famille recomposée, monoparentale ou encore homoparentale. Et en se réveillant, Shiori devra découvrir une famille malaisée et souffrant de divers maux difficilement explicites au premier abord.


Une famille unie dans la désunion


Les Kikukawa sont une famille que l’on peut définir comme étant un clan uni dans la désunion. Même si les choses s’emboîtent laborieusement, les Kikukawa resteront malgré tout unis pour une raison obscure. Sans doute que, malgré les problèmes qu’ils ont entre eux, ils restent attachés les uns aux autres. C’est avant tout ça une famille. En se réveillant, Shiori découvrira rapidement que sa famille n’est pas comme les autres. Déjà, c’est Akio, son grand frère, qui a la responsabilité de ses petites sœurs. C’est lui qui fait tout. Il fait le ménage, il fait à manger. En somme, c’est lui qui subvient aux besoins de ses jeunes sœurs. On ne voit la présence d’aucun parent. On apprendra néanmoins plus tard que le père est mort d’un cancer et que la mère est partie alors que Maho n’était encore qu’un jeune enfant. Akio a ainsi promis à leur père de veiller sur ses petites sœurs. Il est dès lors du genre à les surprotéger et à avoir un réel devoir moral de s’en occuper. Shiori l’amnésique constatera rapidement que son grand frère nourrit une affection certaine pour ses deux sœurs. Vu les difficultés extérieures auxquelles sera vite confrontée l’héroïne, celle-ci s’attachera à ce frère qui semble ne lui vouloir que du bien. Quant à Maho, sa jeune sœur, l’histoire est toute autre. Shiori se rendra compte que sa petite sœur lui parle peu et qu’elle ne semble pas l’aimer. Notre amnésique se retrouve donc face à deux membres d’une famille qui la traite de façon totalement contradictoire.

« Je croyais qu’entre frères et sœurs, on était censés s’entraider. Entre un grand frère qui fait beaucoup de bruit pour rien et une sœur qui me déteste, je suis pas prête de la retrouver, ma mémoire. Je ne me reconnais même pas sur les photos que je regarde. Je ne me sens pas non plus chez moi... »

On apprendra par la suite que l’ancienne Shiori avait la fâcheuse manie de malmener Maho. Cela a touché définitivement le fond dès l’instant où leur père est décédé. Depuis, Akio représente la seule famille de la petite sœur. Cette dernière rêve même de devenir médecin afin d’aider les gens souffrant notamment d’un cancer. Shiori essayera dès le début de se rapprocher d’elle, mais cela semblera peine perdue. Un mauvais passé et une rancune tenace représentent une entrave de taille. Du côté d’Akio, par contre, on se dit que les choses paraissent plus simples. Même si l’ancienne Shiori ignorait royalement son frère, ce dernier a toujours continué à considérer sa sœur. Maintenant que Shiori a perdu ses souvenirs, elle se comporte à nouveau de manière normale, au plus grand plaisir de son grand frère. Rapidement, les deux développeront une certaine complicité.

Donc, même si la situation familiale paraît peu classique et parfois problématique, Shiori pourra se rabattre sur la présence d’un frère et d’un foyer rassurants, qui semble représenter d’une certaine façon le pilier des Kikukawa. Pourtant, ce précieux équilibre familial sera relativisé lorsqu’un premier souvenir refera surface chez notre héroïne. Un souvenir qui met en scène un Akio disant la détester. Ce souvenir immiscera instantanément un doute dans le cœur de Shiori, même lorsque son entente avec son frère se confirmera. Shiori se bornera à penser qu’à aucun moment son frère n’ait pu lui dire qu’il la détestait. Ce doute n’empêchera cependant pas Akio de devenir le premier équilibre de notre personnage principal perdu. Celle-ci s’y rattachera. A un tel point que Madame personne finira par nourrir des sentiments à l’encontre d’Akio.

Et lorsque l’amour s’en mêle, rien ne va plus.




L’amour, un mauvais combustible


L’amour constitue immanquablement le mauvais combustible de la famille Kikukawa. Cela débutera dès l’instant où l’ex d’Akio, Mizuki, fera son apparition. Alors que Shiori commençait à trouver un certain quotidien, Mizuki viendra saper l’équilibre nouvellement établi. Celle-ci, au-delà d’être l’ex petite amie d’Akio, est aussi l’amie d’enfance de la famille. Elle était partie à Tokyo pour lancer une carrière de doubleuse après le décès du père Kikukawa. Après tant d’années, elle revient sans qu’on ne le sache vraiment. Même sans souvenirs la concernant, Shiori se sentira malaisé quant à sa présence. Sous ses airs d’ange et de bonne épouse, notre héroïne sentira qu’il y a quelque chose qui ne va pas avec Mizuki. Cela ne l’empêchera pas de pousser Akio à la retrouver et ce, malgré le fait que Shiori elle-même ressent de doux sentiments vis-à-vis de son grand frère. Cette simple intervention permettra à Akio et Mizuki de reformer un couple. Une intervention que Shiori regrettera aussitôt d’avoir posé. Car Mizuki entretient des liens très forts avec les autres membres de sa famille. Maho la considère comme la sœur qu’elle devrait avoir et Akio éprouve certainement des sentiments à son encontre. De leur côté, Shiori et Mizuki se sentiront mal à l’aise dès qu’il s’agira d’interagir entre elles. Comment devenir une étrangère dans sa propre famille ? La réponse paraît facile. Le danger est toujours là lorsqu’une famille interagit avec des tiers.

« J’avais enfin l’impression d’être chez moi... Et voilà qu’un nouvel équilibre auquel je ne comprends rien s’est mis en place. »

Shiori se retrouve à nouveau à chercher un nouvel équilibre dans le plus grand inconnu, entre les mystères de sa famille et l’apparition d’une personne intégrée de longue date à la famille. A présent, Mizuki vient souvent à la maison. La coexistence semble bien se passer mais, entretemps, notre héroïne supporte de moins en moins cette nouvelle intruse. Elle tente de le cacher, de faire avec. Ce n’est toutefois pas facile, surtout lorsqu’on est amoureuse de son frère. Pour tenir, Shiori se rabattra sur d’autres choses (mannequinat, son amitié avec Kai, etc.), qui feront l’objet de la prochaine partie. En outre, elle tiendra d’autant plus car elle n’a plus envie qu’on la déteste, elle n’a plus envie d’être cette fille qu’elle était auparavant, elle n’a plus envie non plus de faire du mal à sa famille.

« Heureusement que Shiori est ta sœur. Parce qu’autrement, y aurait des chances pour que tu craques pour elle. Elle est tellement belle. »

Au fur et à mesure, on apprendra que l’entente entre Shiori et Mizuki n’a jamais été au beau fixe. Lors du décès du père Kikukawa, l’ancienne Shiori s’est précipitée de colère sur Mizuki, l’accusant que c’était à cause d’elle qu’elle n’avait jamais pu être là au dernier moment de la vie de son père et qu’elle ne s’intéressait qu’à Akio. Est-ce vrai ou non ? Une chose est sûre, l’une et l’autre ne s’entendent pas. Shiori n’aura pas facile à faire abstraction de ce qu’elle ressent mais, à force, elle réussira à tourner la page. De son côté, Mizuki, qui éprouve un complexe d’infériorité à l’encontre de la grande sœur de Maho, se rassure en se disant qu’il y a réel lien de sang entre son petit ami et sa jeune sœur. On peut la comprendre. Shiori est une très belle femme en devenir. Néanmoins, c’est peut-être là qu’elle fera sa plus grande erreur. Tandis que sa relation avec Akio semble trouver ses marques, ce dernier sent qu’il est temps de dire la vérité quant à la véritable réalité de la famille Kikukawa, faisant preuve d’une marque de confiance. En réalité, Akio est né du premier mariage de leur père et Shiori est née, de son côté, du premier mariage de sa mère. Ils sont donc frère et sœur par alliance…

Lâché comme ça, on pourrait croire qu’il s’agit d’une révélation tirée par les cheveux. Ce n’est heureusement pas le cas car, depuis le départ, on sentait bien qu’Akio cachait un secret qui lui pesait. Une réalité cachée qui a sans doute accrue la solidité de son devoir moral à l’encontre de ses petites sœurs. Malgré cette réalité, Akio a toujours prouvé dans les actes qu’il appréciait Mizuki et qu’il ne considère Shiori que comme sa sœur, malgré l’absence génétique. De plus, tout semble aller pour le mieux pour leur jeune couple. Mieux, Shiori semble tourner la page et se rapprocher de plus en plus de Kai. Pourtant…

« Dis, Akio... Ça ne t’est jamais arrivé, même une seule fois, de considérer Shiori en tant que ‘femme’ ? »

Pourtant, ce n’est pas ça qui se passera. Cette révélation aura eu pour effet de lâcher les démons de Mizuki. Petit à petit, son masque de fille pure se fissurera. Sans ce lien de sang, Mizuki supportera de moins en moins la complicité entre Shiori et Akio. Son complexe d’infériorité, ses doutes reprennent le dessus. Sans ce lien de sang, Mizuki a peur qu’à tout instant Akio finisse par tomber sous le charme de sa sœur. Et le fait qu’elle devienne une bonne personne, qu’elle est toujours aussi belle n’arrangent en rien les choses. Par conséquent, un drôle de paradoxe commencera à se former. D’un côté, Shiori prendra tout doucement sa vie en main, même si les choses resteront compliquées. De l’autre, Akio verra sa vie de couple s’effriter jusqu’à ce que son couple implose. C’est l’exemple parfait que ce sont les relations humaines qui complexifient les situations simples.




Des liens complexes


Une famille, qu’est-ce que c’est ? La notion de famille classique est-elle dépassée ? D’une certaine façon, une famille reste une famille, qu’elle soit classique ou « autre ». Ce sont en vrai les liens entre les proches qui complexifieront et qui détermineront la spécificité de la famille. Toute famille a son histoire, qu’elle soit heureuse ou douloureuse. La société se bornera juste à rendre officielle ou non cette situation familiale. Tout le monde, y compris le lecteur, nourrit des relations compliquées et profondes avec ces proches. Pour les Kikukawa, c’est la même chose. Tout ceci nous démontre la grande maîtrise de Ricaco Iketani sur ses sujets et la complexité de leurs relations. Elle trouve toujours le ton juste pour refléter une réalité similaire à la nôtre. Comment nous nous pourrions réagir dans telle ou telle situation ? Elle se borne à raconter la vie d’une famille parmi d’autres. On se plonge, on s’immisce, on se passionne pour cette famille aux liens malades et ardents, divinement exposée et contée par l’auteure.
  
  
  


SIX HALF © 2010 by Ricaco Iketani / SHUEISHA Inc.

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