Serial Experiments Lain - Actualité manga
Dossier manga - Serial Experiments Lain
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19/20

Advanced Features

   
 

Data-mining

     
Après avoir connu un succès retentissant, Serial Experiments Lain est resté parmi les œuvres les plus connues de la japanimation. On peut aujourd'hui la considérer comme un classique, un marqueur incontournable de son époque, d'un temps où les productions étaient bien moins nombreuses et moins formatées. Mais si elle fascine toujours autant après toutes ces années, c'est sans doute que son riche univers est baigné d'intrigues toujours aussi difficiles à décortiquer. En cela, elle pourra nous rappeler Neon Genesis Evangelion (les personnages de Lain et de Rei étant souvent mis en confrontation). Chaque plan, chaque situation est source de nouveaux mystères, et les clés de compréhension sont aussi rares que précieuses. Entre véritables révélations, mensonges et symbolisme, démêler le vrai du faux ne sera pas chose simple et nécessitera toute votre concentration. Et une fois arrivés au bout de votre périple, l'envie vous viendra de confronter vos hypothèses, dans le vain espoir de détenir enfin une illusoire "Vérité". Une fois que Lain s'immisce dans votre esprit, elle s'y confortera quelques temps, comme une image rémanente, pour mieux vous hanter au-delà de votre rôle de spectateur.
  
Derrière l'allure innocente de Lain se cache en effet une histoire particulièrement complexe, empruntant de nombreuses thématiques pouvant surgir des sciences dures, de la philosophie, de l'ésotérisme ou de la religion. Soit autant de références à des éléments à la réalité, pour rattacher la série à notre base de connaissances. Et ce n'est qu'à partir de cette base solide que la série déploie son univers propre. Pour en savoir plus, il faudra être patient : considéré comme une référence par les fans, le neuvième épisode ose même nous faire suivre un documentaire avec photographies d'archive, retraçant l'Histoire des Sciences depuis un mystérieux évènement jusqu'aux origines du Wired. Alors que bien des séries plongent tête la première lorsqu'il s'agit d'arriver à cet exercice explicatif, Chiaki J. Konaka évite cet écueil en prenant le parti de suggérer, plutôt que d'exposer grossièrement. Ainsi, malgré l'énumération des faits qui nous est présentée, nous serons une fois encore impliqués dans l'appréhension de ces éléments, et dans le dénouement de ces énigmes.
   
Afin d'étoffer ces théories, le scénariste a également produit un travail de recherche considérable, allant parfois jusqu'à de très discrets clins d'œil. Les références à l'informatique ne manquent pas, la plus évidente d'entre elles reste la terminologie des épisodes, appelés "Layers". Un terme bien connu des infographistes signifiant "couche", et donnant le sentiment qu'en les parcourant, nous plongeons niveau par niveau dans les profondeurs de la série. Les allusions à la société Apple ne manquent pas, le système d'exploitation Copland faisant par exemple référence à un nom de code d'un OS de la marque à la pomme, sans oublier l'évocation de son slogan de l'époque : "Think different". Konaka étant un grand amateur de littérature, nous y retrouvons également quelques liens vers d'autres œuvres de science-fiction, comme la nouvelle "Think blue, count two" de Cordwainer Smith, ainsi qu'à des œuvres mondialement connues, d'Alice au Pays des Merveilles à Marcel Proust et sa célèbre madeleine. Ces points de liaison à notre propre culture et les théories précédemment évoquées nous laissent alors imaginer que la volonté des auteurs était d'ancrer la série dans notre réalité.... Mais était-ce vraiment le cas ?
 
 

   
   

Plug-in

    
Serial Experiments Lain s'ouvre toujours par le même mensonge, premier d'une longue série : l'expression "Present Day, Present Time", écrite en caractères latins et clamé par une voix androgyne qui la ponctue d'un rire narquois. Ces quatre mots nous confrontent déjà à notre propre réalité, en voulant y intégrer cette œuvre fictionnelle. Pourtant, nous comprendrons bien vite que l'histoire se déroule soit, au mieux dans un univers parallèle suivant notre ligne temporelle; soit, plus raisonnablement, dans une projection en avant de quelques années. Or, il sera amusant de noter que, quinze ans après la première diffusion de la série, notre réalité n'est pas si éloignée de l'alternative d'anticipation pensée par Ueda, étoffée par Konaka et mise en image par ABe. Dans la seconde moitié des années 90, la démocratisation de l'Internet et l'émergence des communications mobiles ont été la source de nombreuses perspectives, nourrissant tout autant de mythes, en particulier au Japon qui a largement contribué au secteur des cyber-technologies. Ainsi, les pères de Lain ont réussi, dans leur œuvre avant-gardiste pour l'époque, à faire mouche dans quelques-unes de leurs prédictions : la montée en puissance des machines familiales, l'émergence de nouvelles options comme les interactions vocales et la réalité augmentée, les jeux en ligne, l'anonymat apporté par les pseudonymes et autres avatars, ainsi que la démocratisation de réseaux (sociaux) pouvant relier les gens à n'importe quel moment.
   
Aussi, l'une de nos premières interrogations à la découverte de la série portera sur la nature de ce Wired, élément central de la série, mais dont la seule présence physique transparait par les vrombissants enchevêtrements de câbles électriques couvrant le ciel de notre héroïne. "Cablé", c'est justement la signification du terme "wired", duquel on peut également extraire l'anagramme de "weird" (étrange), faisant écho au titre du premier layer. Partant du postulat qu'il s'agit de l'équivalent de notre web, certains indices au fil viendront nous prouver qu'il en est en vérité une évolution fantasmée : il sera ainsi fait mention de quelques termes que nous connaissons bien comme le Net, ou l'IP, sans oublier l'apparition subreptice de machines réelles comme l'IMac. Mais ce réseau est parvenu à s'ouvrir à un autre champ des possibles, à une caractérisation propre, au point d'être considéré comme une dimension alternative. Cependant, s'il arrive parfois à ses utilisateurs de s'y plonger complètement, perdant leurs repères physiques et même pour certains, leur présence terrestre, le Wired ne semble pas disposer de représentation concrète, malgré quelques représentations illusoires ici et là. Le parti pris s'éloigne radicalement d'autres œuvres basées sur les mêmes concepts, comme Matrix, saga cinématographique émergeant à la même époque du côté d'Hollywood, ou même, plus récemment, du film d'animation Summer Wars et de son système Oz. En revanche, comme pour cette dernière référence, le Wired peut offrir la capacité d'influencer le réel, parfois radicalement (en bouleversant la circulation routière), mais le plus souvent de manière très subtile. Ainsi, le Wired, désigné par son Dieu comme une surcouche de la réalité, semble s'affranchir de ses limitations, pour bientôt ne faire qu'un avec le Monde. Une piste de l'intrigue qui s'appuie sur des théories scientifiques poussées (les résonnances de Schumann), mais qui, une fois encore, fait écho avec notre propre réalité, à l'abstraction de notre Net et de son flot quotidien d'informations qui est devenu une part intégrante de notre Histoire.
     
 
  
      
    

Updates

     
Ainsi, entre extension du simple réseau de données et véritable univers virtuel, le Wired est un nouvel Eldorado, un monde à bâtir intégralement, propice aux plus grands rêves de l'Humanité. A commencer par le désir d'immortalité, par l'abandon de son corps et le transfert de son esprit, l'idée nourricière de l'œuvre. On nous expliquera qu'il s'agit là d'une nouvelle étape pour l'Homme qui, maintenant arrivé au terme de son évolution naturelle, doit maintenant continuer de progresser par lui-même en modifiant sa propre structure. Cependant, ce cycle de mort et de résurrection dans une forme illuminée se réfère moins à la science qu'à la religion, et c'est par cet acte miraculeux qu'Eiri sera parvenu à s'imposer comme une divinité sur le Wired. Mais pour se prétendre Dieu, il faut avoir des croyants, et c'est là qu'interviennent les Knights, bien que l'on puisse alors se poser une question naturelle : qui était là, à l'origine ? En cherchant à comprendre l'origine de ce cercle vertueux, nous en décelons la fragilité, surtout lorsque notre petite Lain vient jouer les trouble-fêtes.
    
Cependant, en prenant en considération un Wired malléable à merci par ses utilisateurs, et la confusion des mondes toujours plus prononcée, on comprend alors que le réel est tout autant à la merci d'un formatage, d'une réinstallation, d'une remise à zéro. Une perspective que l'on distingue par les quelques notions éparpillées ici et là d'une force supérieure capable de corriger notre trajectoire. Ainsi, lorsque l'on comprend que toutes nos certitudes ne peuvent être définitivement acquises, lorsqu'on ne sait plus à quel saint se vouer.... A quelles notions, à quelle vérité pouvons-nous encore nous rattacher ?  Peut-être tout simplement aux motivations premières du réseau : la connexion entre les êtres. Qu'elles reposent sur des bases factices ou sur le hasard des rencontres, les relations que nous entretenons avec les autres et le souvenir que nous laissons chez eux est une preuve flagrante de notre existence. Nous perdurerons ainsi pour les années à venir dans la conscience collective après notre disparition, telles des données résiduelles. Ainsi, la série nous laisse réfléchir sur le fait que personne ne s'appartient réellement, que nous subsistons dans l'addition de notre égo et de notre reflet dans la mémoire des autres, image externe de nos actes passés, de nos erreurs comme de nos exploits. Il incombe à tout un chacun de prendre conscience de cela, les retours en arrière pour corriger le tir restant hélas exclusifs au monde de la fiction. Mais si nous y parvenons à prendre conscience de cet état de fait, alors nous ne sommes plus très loin d'accéder à l'Eternité...
      
    

© GENEON ENTERTAINMENT INC

Commentaires

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Karakuri

De Karakuri [3196 Pts], le 27 Décembre 2013 à 23h11

18/20

Beau dossier avec une présentation imaginative ^^ Pour un de mes animés préférés !!

JohnDoe

De JohnDoe [598 Pts], le 22 Août 2013 à 22h57

20/20

Excellent dossier sur cette série qui est celle qui m'a fait regarder les animé japonais autrement. Revu récemment, et c'est toujours aussi bien.

Une petite pensée pour le réalisateur, trop tôt disparu, hélas...

shidy

De shidy [117 Pts], le 20 Août 2013 à 13h03

Merci pour ce dossier, qui rends hommage à cette série culte et au réalisateur.

Hitsuji

De Hitsuji [5891 Pts], le 16 Août 2013 à 15h50

19/20

Excellent dossier !

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