Qui es-tu, Aya Fumino ?
C'est donc dans un rendu visuel et sonore saisissant, à la fois très riche, réaliste, finement coloré et assez vivant, et au coeur d'une ville que l'on prend plaisir à parcourir et à découvrir, que se dévoile une histoire intéressante dès le départ grâce au mystère entourant Aya Fumino.
Le scénario, écrit par Dario Fuji, se divise en dix chapitres pour autant de jours passés à Matsue, et consiste essentiellement à retrouver la trace des sept amis de lycée d'Aya, que la correspondante évoqua les uns après les autres dans ses lettres. Ses seuls indices au départ sont les surnoms qu'Aya donnait à chacun d'eux et qui avaient un rapport avec leur personnalité ou leur physique : Four-Eyes, Monkey, Fatty, Bitch, Snappy, Shorty, et Bestie.
Pendant les huit premiers chapitres, le schéma reste linéaire, et aurait même pu sembler trop répétitif puisqu'il consiste à dénicher les uns après les autres les sept amis en question, et à parvenir à leur faire reconnaître qui ils sont à l'aide des indices accumulés. Mais l'écriture se montre suffisamment maligne pour entretenir constamment le désir de lever le voile sur toute la vérité : au-delà des énigmes posées au tout début (d'où vient cette onzième lettre non-timbrée ? Aya a-t-elle vraiment tué quelqu'un ? Qu'est-elle devenue ? ), chaque nouveau témoignage des amis apporte autant d'éclaircissements que de nouveaux mystères qui rendent parfois le voile encore plus opaque.
Les questions se bousculent ainsi de plus en plus et prennent parfois des allures inquiétantes : est-ce vraiment avec Aya Fumino que Max correspondait ? Ses lettres disent-elles la vérité ? Aya existe-t-elle seulement ? Est-elle un fantôme comme l'affirment des rumeurs ? Et il ne s'agit que d'un échantillon des interrogations pouvant venir bousculer l'esprit du joueur... Il devient dès lors passionnant de reconstituer petit à petit le puzzle de sa vie lycéenne, des bonheurs qu'elle a pu connaître avec ses amis, des malheurs ayant frappé son existence, et de sa personnalité devenant étonnamment attachante au fil qu'on la perce.
Au-delà de cette forte et captivante aura de mystère entourant la figure centrale d'Aya, le récit tire également bien parti du développement des sept amis d'enfance de la jeune fille. Il faut tout de même avouer que ceux-ci conservent des allures très stéréotypées (le binoclard studieux, le sportif, la fille fashion rêvant de célébrité, le garçon manqué, le bien-portant adorant manger...), et que le fait qu'ils peuvent chacun représenter un des sept péchés capitaux n'a rien d'original et est un brin surfait. Mais chacun d'eux s'avère presque aussi développé qu'Aya, parce que l'on découvre qu'ils avaient tous un rapport à Aya assez spécifique, et que durant ces quinze années écoulées ils ont parfois beaucoup évolué, entrant dans la vie adulte avec ce que cela peut impliquer de fiertés, de remords, de regrets ou d'espoirs. Remuer leur passé et leurs secrets qu'ils voulaient parfois oublier pourra autant faire renaître certaines douleurs que, peut-être, leur permettre de changer. Tout cela finit par rendre chacun d'eux autant bourrés de qualités que de défauts et de tourments, ce qui les rend particulièrement humains et crédibles.
Routes multiples
Mais quel avenir attend tous ces personnages ainsi que Max ? Quelle est l'entière vérité concernant Aya Fumino ? Cette vérité, elle pourra être très différente selon votre progression dans le jeu.
En effet, comme c'est le cas pour beaucoup de visual novels, Root Letter propose plusieurs fins possibles, plusieurs vérités. Elles sont cinq au total, et dépendant d'une seule chose à faire au début des chapitres : la réponse que vous donnez à Aya à ses lettres d'il y a quinze ans.
De ces réponses dépendra effectivement l'orientation du scénario dans les chapitres 9 et 10. Et même si l'on y notera quelques légers défauts d'écriture (il y a un peu trop de coïncidences parfois...), chaque route a le mérite de varier les choses tout en se rattachant toujours de manière cohérente aux 8 premiers chapitres. Ainsi, vous pourrez avoir une conclusion entièrement heureuse, une autre totalement malheureuse (et horrifique et glauque à souhait) ou d'autres teintées de fantastique inquiétant, de mélancolie...
Même si certaines routes se veulent assez fantaisistes, le jeu se veut assez mâture jusque dans ces différentes fins. D'autant qu'en réalité, il n'y a qu'une seule route où les choses se terminent bien...
Concrètement, les 8 premiers chapitres connaissent toujours exactement le même déroulement. Mais rassurez-vous : si vous ne vous sentez pas le courage de recommencer cinq fois le jeu en entier, il est tout à fait possible de passer les 7 premiers chapitres après avoir simplement répondu différemment aux lettres d'Aya, afin d'ensuite découvrir les différentes routes à partir du chapitre 9.
De furon, le 15 Octobre 2022 à 19h46
Excellent dossier !
C'est ce jeu qui m'a fait découvrir la ville de Matsue et donné envie de la visiter lors de mon séjour au Japon.