Rêveries d'Emanon - Actualité manga
Dossier manga - Rêveries d'Emanon
Lecteurs
19.50/20

Le retour aux errances, sur le plan graphique


Le manga Emanon n'a pas séduit son lectorat que pour ses histoires fantastiques et son protagoniste charismatique qu'est la fille incarnant la mémoire du monde. A l'intrigue simple mais étonnante de Shinji Kajio s'ajoutait la manière de Kenji Tsuruta de dépeindre le concept et les errances. Le mangaka ne se privait pas pour apporter sa patte visuellement dépaysante, via de nombreuses planches dans lesquelles l'errance infinie de la jeune fille prenait tout son sens, et véhiculait au lecteur sa dimension intimiste et mélancolique. Le choix du grand format chez nous n'a donc rien d'anodin, puisque Emanon est une lecture qui doit nous capter par son esthétique et ses univers, chose que le petit format n'aurait pas pu accomplir dans une telle mesure.

Et parce que Rêveries narre le retour vers les errances après le passage si particulier entamé dans Mirages, Kenji Tsuruta a dû adapter sa patter de manière à marquer visuellement ce retour à la vie sauvage et éternelle. On observe alors un double procédé narratif : Une sobriété évidente quand la jeune fille est confrontée à la vie de tout le monde, et des élans visuels plus grandiloquents quand elle est rappelée à se nature véritable. Impactants par leurs dialogues, les premiers chapitres de Rêveries ne proposent pas de réelle expérience visuelle quand il s'agit de faire progresser l'histoire et de montrer la rencontre avec l'ambitieux Choichiro. Mais entre deux dialogues, Kenji Tsuruta parvient à insérer sa patte envoutante et évasive, ce en montrant Emanon sous une facette plus intime. Chaque planche dénuée de textes (ou peu garnie) est l'occasion de proposer une focus sur la jeune fille, de manière à présenter son état d'esprit dans la proposition que lui fait le garçon. Pour le l'auteur, c'est aussi un moyen de véhiculer ce que doit être le demoiselle, à savoir une entité libre à travers le monde, jamais voué à connaître le traintrain quotidien. « Métro, boulot, dodo » n'est pas une formule qui doit s'appliquer à la conscience héritée du monde, ce que le mangaka transmet d'abord par sa narration, en communiquant sans cesse la véritable destinée d'Emanon, celle d'errer à travers le monde.


Alors, la deuxième partie du tome permet à l'artiste de confirmer l'invitation au voyage, indétachable de la jeune fille. Cette dimension est d'ailleurs parfaitement adaptée à sa plus grande amitié, celle avec Hikari, une fille jonglant entre les temporalités que l'héroïne ne retrouve que par le biais du voyage. Là où ses autres rencontres, avec Takuma et Choichiro notamment, l'ont braquée, Emanon ne se retrouve vraiment qu'au contact de Hikari, à laquelle elle doit dire « adieu » d'une certaine manière dans cet opus.

On pourra aussi noter que Kenji Tsuruta semble adopter une position avec la fin de tome d'un récit qu'il n'est pas sûr de pouvoir poursuivre. Les quelques chapitres de ce quatrième volume lui permettent de revenir sur le cas Hikari et de conclure le développement de cet autre personnage-concept, en montrant notamment sa mort. Puis, un autre adieu nous est présenté à la toute fin, par le déclin de la mère d'Eiko. Autrement dit, c'est à l'enveloppe charnelle d'Emanon que le lecteur doit faire ses adieux sur les dernières pages. Nous évoquions plus tôt la manière qu'a le mangaka de narrer le retour d'Emanon à sa nature propre, et éventuellement de proposer un achèvement au cas où il ne pourrait continuer l'aventure. Cette idée répond à cette possible volonté, ce avec un jeu narratif saisissant. Kenji Tsuruta demeure simple et intime dans son dessin, le dernier souffle d'Emanon correspondant à une Eiko qui s'éloigne du lecteur pour rejoindre l'horizon. Si le mangaka nous gratifie d'un éloquent « à suivre » accompagné d'un teasing d'événements à venir, sa démarche scénaristique comme graphique amènent, en un certain sens, un point final cohérent. Ce n'est pas la fin de la saga, mais la fin du voyage que nous avons suivi dès le premier tome. Emanon pourrait s'achever ici comme pourrait se conclure son simple premier arc narratif. L'existence future (ou non) d'opus suivants confirmera cette piste, mais cette démarche de Kenji Tsuruta demeure lourde de sens et ne peut être ignorer, tant sa mise en scène du voyage d'Emanon a toujours révélé un certain sens sur chacun des quatre opus de son adaptation manga.

Alors, refermer Rêveries se fait sur une note maussade, en tout cas à l'heure où ces lignes sont écrites. Un voyage semble se terminer, tandis qu'on espère que le tome qui se referme ne sera pas le dernier. En ce qui nous concerne, impossible de clore notre retour sur l'ouvrage sans penser qu'il s'agit peut-être de notre dernière analyse sur le voyage d'Emanon. Et sans mise à disposition des romans dans nos contrées, cette impression demeurera jusqu'à l'éventuelle reprise du manga au Japon. On espère que ce n'est qu'un au-revoir, mais on croisera les doigts pour retrouver au moins Kenji Tsuruta et sa patte si unique, croquant des mises en scène minutieuses et propices à l'évasion. Peut-être une suite de L'Île Errante, qui sait ?

© by TSURUTA Kenji / Tokuma Shoten

Commentaires

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Zoratoune

De Zoratoune, le 21 Septembre 2023 à 14h40

20/20

J'ai adoré cette série en espérant que d'autres tome soit publiés ! 

Anko

De Anko [391 Pts], le 30 Août 2021 à 15h17

19/20

Vraiment tres bonne serie un tout vraiment sublime

Tres bon dossier.

 

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