Private Prince et Happy Marriage?!

Maki Enjoji, la romance de A à Z.

On remarque sans aucun doute possible de fortes ressemblances entre les deux licences de Maki Enjoji parues en France, telles que les thématiques du couple développées dans une certaine direction, les rôles des personnages secondaires ou encore les armes de l’auteur pour plaire à son public ! Dans un premier temps, attardons nous sur le plus important dans ses séries : l’héroïne. C’est toujours une jeune femme qui débute dans la vie d’adulte, n’ayant pas eu depuis longtemps de relation sérieuse et heureuse. Naïve et un peu déstabilisée en ce qui concerne les sentiments, elle apparait un peu comme une Pretty Woman moderne. En effet, la relation qui nous intéressera sera toujours avec un jeune homme puissant, beau de préférence, et riche. Que ce soit un prince ou un directeur d’entreprise, le statut est très important comparé à celui plus modeste de l’héroïne, pour permettre aux lectrices de s’y identifier. Ainsi, la différence de statut est indispensable dans les écrits de la mangaka, où la jeune fille est toujours banale et où son compagnon a quelque chose d’exceptionnel. C’est alors un couple que tout oppose qui se forme, dont les valeurs, l’environnement et les attentes ne sont pas les mêmes. D’autant plus que souvent, le jeune homme a une expérience importante en matière de femme, sans toutefois parler d’amour véritable. Il est séducteur et joue avec les sentiments de notre héroïne qui se laisse prendre au piège pour notre plus grand plaisir ! C’est d’ailleurs là-dessus que joue l’auteur : la découverte des sentiments. C’est quelque chose de fondamental dans la romance, et le temps imparti pour ce moment est souvent très large dans les séries de l’auteur. Elle fait passer différentes étapes à ses personnages, qui ne comprennent souvent pas au même instant leurs émotions. En effet, la jeune femme va avoir du mal à l’accepter face au caractère froid de son compagnon, mais elle reconnaitra l’amour avant ce dernier, qui n’avoue pas le découvrir mais le déclare simplement dans des attentions, un comportement particulier.

C’est alors deux mondes qui s’opposent, définissant à merveille l’univers de la mangaka : entre shojo et josei, le genre s’étire et nous empêche de classer ces deux séries ! En effet, l’héroïne appelle au shojo avec ses réflexions profondes sur la valeur de l’amour, la consécration du mariage ou de l’acte d’amour charnel, nous servant de grands discours sur l’importance de certaines choses. Ainsi, sur un baiser des dizaines de questions se poseront et les doutes naitront bien volontiers. De l’autre côté, le héros qui lui donne la réplique y est très opposé et apporte ce côté josei, de maturité voire de sensualité qui nait entre les deux personnages. C’est par lui que viendra la simplicité d’une relation sexuelle, notamment dans Private Prince, mais aussi de lui qu’arrivent les baisers qui ne veulent pas s’affirmer comme déclarations officielles, la légèreté du couple et le réalisme de la vie à deux. Il représente bien mieux les non-questions qui nous touchent vraiment, en restant la plupart du temps difficile à atteindre et sans nous livrer le contenu de son esprit toutes les deux pages. Pour rester sur les personnages, on peut évidemment parler du rôle primordial du serviteur dévoué ! L’histoire n’est rien sans cette figure qui aide tant son maître (toujours le héros) que la pauvre élue du cœur de ce dernier, pour le bien de tout le monde. Que ce soit le stoïque Roberto ou la douce mais impitoyable Soma, ce rôle secondaire permet aux deux partis de se comprendre et de communiquer quand tout parait perdu. C’est cette personne qui connait le mieux le héros et peut arriver à décoincer certaines situations, en prenant toujours en compte le bien-être de son maître même si cela va à l’encontre de ses désirs premiers et immédiats. C’est le rôle presque invisible qui a pourtant tant d’importance, qui plus est lorsque l’auteur leur donne un peu de caractère. D’autant qu’eux-mêmes sont d’une grande ressource pour le lecteur et l’auteur, cette dernière pouvant se permettre de faire des liens, de débloquer des situations par leur intervention.
 
 


En parlant de situations, il faut bien admettre que l’auteur collectionne les évidences. Stéréotypes et clichés se succèdent, entre l’enlèvement aux sports d’hiver, le sauvetage miraculeux, la jalousie par un membre de la famille, deuxième enlèvement dans l’autre série cette fois et suite à une dispute, la maladie du grand macho qui en devient tout faible ... Sans parler des divers malentendus, du refus d’aller plus loin, la présentation à la famille, le nouvel an ... Rien de bien original, donc, dans l’avancement de nos divers personnages que ce soit dans l’une ou l’autre série de l’auteur. On n’attend d’ailleurs pas vraiment ce genre d’initiative pour une comédie romantique sympathique, qui détend avec plaisir. On préfère encore voir l’évolution sentimentale des protagonistes plutôt que de les imaginer mis en scène dans divers contextes farfelus plus qu’originaux ... Cela nourrirait de trop l’humour déjà bien développé de l’œuvre de Maki Enjoji qui, en dehors des moments sérieux, s’en donne à cœur joie : une incompréhension, un caractère un peu obsédé, une naïveté, une maladresse, tout est bon à rire et heureusement que ce trait d’humour, assez fin malgré le premier abord, est là pour compenser l’aspect parfois dramatiques des questions existentielles de nos héroïnes. Certains personnages sont d’ailleurs créés uniquement dans ce but, comme la sœur de Will, les collègues de Chiwa ou même nos héroïnes elles-mêmes, qui sont particulièrement douées pour les gaffes en tout genre et comportements gênants suscitant chez nous l’hilarité ! L’humour comme arme de prédilection par la mangaka, sans aucun doute puisqu’elle s’en sert pour se sortir de certaines situations compliquées comme un malentendu qui vaudrait le coup, peut-être dans un autre manga, d’être exploité longuement pour rien. Ainsi, l’auteur a l’intelligence de créer le problème, d’en faire ressortir des conséquences pertinentes avant de trouver la solution de facilité pour ne pas rendre les aventures de nos héros lourdes ou répétitives, voire donner un ton dramatique ou un aspect pathos au récit. Bon choix, même si cela décrédibilise également et dans le même temps l’impact de certaines de ces situations.

On finira sur deux thèmes chers à l’auteur qu’elle développe dès la base de son histoire : l’importance de la famille, et la fidélité dans toutes formes d’amour. Cette dernière préexiste même aux sentiments dans Happy Marriage, puisqu’Hokuto attend que sa femme reste fidèle à son mari, comme lui-même l’est alors que leur mariage n’est qu’une mascarade. C’est évidement la base de tout couple stable, et c’est la jalousie face à cette même menace qui faillira séparer Miyako et Will à la veille de leur happy end. Dans un second temps, la famille. C’est quelque chose de véritablement fondateur, puisque dans Happy Marriage ce sont les conflits entre Hokuto et sa famille qui le rendent aussi distant, avide de réussite et de vengeance. Afin de prouver qu’il est quelqu’un, il ne peut montrer aucune faiblesse, et c’est pour cela que son caractère s’est affermi au point de négliger les émotions de sa très sensible femme. Il en va de même pour Will, qui aura besoin du consentement de sa royale famille pour épouser Miyako, mais surtout cette dernière se retrouvera tiraillée entre son amour pour Will et les devoirs qu’elle se doit de rendre à sa mère, vis-à-vis de la succession de leur ryokan traditionnel familial auquel elle tient beaucoup. C’est là encore ce « détail » qui menacera de séparer les deux tourtereaux ! Heureusement, la famille est également un soutien indispensable à nos héros et l’on remercie l’auteur de ne pas les négliger comme c’est le cas dans certaines histoires, uniquement centrées sur les deux personnages principaux.