Private Prince et Happy Marriage?!

Happy Marriage: on commence par la fin !

 

Personnages

Hokuto Mamiya



A vingt-huit ans, Hokuto est directeur général de sa société, qui porte son nom. Il est encore jeune, il est beau, il a réussi sa vie et rend jaloux tous les hommes de son âge, par son succès professionnel et celui qu’il reçoit des jeunes employées de sa société. Cependant, Hokuto n’a pas une vie aussi rose : célibataire, il n’est jamais vraiment amoureux, a des problèmes familiaux de par son statut d’enfant illégitime. Son but ? Accéder au stéréotype de l’homme parfait, comme une revanche pour ceux de sa famille qui ne croyaient pas en lui. Soutenu par son grand-père, il va accepter de concrétiser un mariage arrangé pour conserver son poste, et cette promesse se fera avec Chiwa, la petite fille de celle que le grand père d’Hokuto aimait. En somme, le mariage n’a rien d’une partie de plaisir pour l’un ou pour l’autre, et pourtant c’est le début d’une grande aventure entre une employée et son grand patron.


Chiwa Takanashi



Employée banale de vingt-trois ans dans une grande entreprise, Chiwa a un autre travail en soirée : au lieu de sortir avec ses amis ou de profiter de son chez soi, la jeune fille travaille comme hôtesse dans un bar afin de rembourser les nombreuses dettes que son père a contractées. C’est avec la promesse d’annulation des dettes familiales que Chiwa va accepter le mariage avec son patron, pourtant insupportable au premier regard. Avec ses grands idéaux de bonheur et d’amour ainsi que sa maladresse incroyable, Chiwa a un côté attachant mais également très naïf, de part sa solitude amoureuse depuis tant d’années où aucun homme n’a partagé sa vie. De nature conciliante, Chiwa aura besoin de beaucoup de patience et de compréhension pour vivre avec Hokuto, et pourtant dieu sait que son manque d’expérience va la pénaliser dans la communication avec un homme aussi réservé et froid que son mari.


Taeko Soma



C’est la secrétaire d’Hokuto, mais surtout la femme qui le connait le mieux ! Elle sait tout dire sur ses habitudes, son emploi du temps, les sentiments qu’il cache si bien et les « oui » qu’il cache dans ses « non ». Elle ne servira pas à grand-chose d’autre que soutenir les deux jeunes gens, l’un ou l’autre simultanément ou non. Elle n’hésite pas à faire comprendre à Hokuto quand il a tord mais surtout soutient Chiwa à ses pires moments de doutes, elle qui comprend moins bien son mari que sa propre secrétaire ne le fait. En dehors de ce cadre, Soma est une jeune femme dévouée complètement à son patron, fidèle et très douce, capable parfois d’un peu de manipulation ou de mensonge pour apporter du bon par la suite.
 
 
   
 
 

Développement

Il y a plusieurs points forts qui font de ce manga un bon divertissement, ciblant avec pertinence son public et satisfaisant les attentes de celui-ci. Le premier sera la teneur émotionnelle des personnages : plus poussés que dans Private Prince, ceux-ci abordent un relief plus sérieux et important que dans la précédente série de l’auteur. Si la narration, parfois incertaine, se cantonne de temps à autre dans des cases assez conventionnelles, elle n’y reste jamais bien longtemps, et sait se rattraper quand le tout dérape trop. Hokuto n’est par exemple pas le chef facile à cerner et très simplet qu’il donne l’air d’être, puisque sous ses airs de séducteur sûr de lui et infaillible se cachent des valeurs telles que la fidélité, dont il se soucie beaucoup pour un coureur de jupon ! De même, et à sa manière, Chiwa étonne et surprend là où on ne l’attend pas : elle n’est pas aussi naïve que Miyako, et son caractère bien trempé donne le change à ces modèles de jeune femme sage. Un peu à la manière des séries de Yuki Yoshihara (Ma petite maitresse, Ai suru Hito, Darling, Itadakimasu), cette héroïne se détache et sait se faire entendre, râle pour un rien et fait tout une histoire de pas grand-chose tout en prenant très au sérieux sa relation. Capable de se remettre en question, de faire des choix stupides ou judicieux, de penser aux autres avant elle, Chiwa démontre une certaine forme de personnalité qu’on apprécie dès les premières pages. Et ce, malgré son départ un peu malmené dans la série : une hôtesse caractérielle qui n’a plus de copain depuis longtemps et naïve quant aux approches des hommes, cela aurait pu mal tourner, notamment en répétant les erreurs de Private Prince ! Le seul défaut notable dans ce genre de série, qui ne peut échapper à Chiwa pour mener à bien la romance inventée par l’auteur, c’est l’incapacité totale de ces héroïnes à comprendre les sentiments des autres. Focalisées sur elles et leurs petits tracas, elles peinent bien trop pour questionner ou même deviner les émotions de leurs conjoints. Et c’est légèrement agaçant, parfois ... Ainsi, Chiwa se persuade constamment qu’Hokuto ne l’a épousée que pour l’aspect pratique, ne croit pas à l’amour qu’il pourrait commencer à lui porter et n’envisage même pas avoir une réponse claire à ce sujet. Certes, son mari ne l’aide pas avec ses mystères, son caractère insondable et les ultimes retournements de situation de l’auteur qui brise parfois un moment de révélation ... Bref, la jeune femme devient un peu comme le chien devant lequel on s’attendrit parfois, offrant une marque d’affection comme seule gentillesse. Le problème, c’est qu’elle-même est folle amoureuse de son mari. Sans parvenir à voir que, selon son comportement ambivalent et complexe, il en va de même pour lui.

D’autre part, il y a les principaux thèmes de la série. Si Private Prince nous amusait avec Will, noble sorti de nulle part juste pour le rêve de ces dames, Happy Mariage aborde quelque chose d’autrement plus intéressant : le mariage arrangé. Au Japon, c’est une tradition qui a longtemps demeuré et qui peut encore s’organiser par intérêt ou profit. C’est une ligne traditionnelle du pays, et s’en amuser ici jusqu’à en faire la base d’une comédie romantique est une idée pertinente et décalée. On a bien du mal en effet à imaginer qu’aujourd’hui encore ce type de relation puisse exister : pas d’amour au premier regard pour Chiwa ! Au contraire, tout commence par la signature d’un acte de mariage et la jeune femme, désillusionnée par l’amour, va se retrouver obligée de vivre à deux. Avec son patron insupportable et plein de mystères dont elle aurait presque peur parfois, à ne pas le comprendre ! De la découverte de l’autre à la découverte de soi, cette situation permet de mettre en exergue les différents aspects de la vie en couple qui d’ordinaire se passent très bien mais qui, dans le cas d’une union sans sentiments, peuvent vite devenir source de problème. En somme, voilà une source d’humour et d’originalité réunis en une simple idée qui fait commencer nos protagonistes par la fin logique de leur histoire : du mariage au premier baiser, puis à la découverte des émotions et enfin à la première fois. Il est d’autant plus intéressant de découvrir cela que ce thème est couplé à un autre : la famille. En effet, c’est le grand-père d’Hokuto qui arrange et insiste sur les termes de l’accord, pour le bien de Chiwa et de son petit-fils, mais les autres membres de la famille du jeune homme ne sont pas aussi cléments ! C’est ça, la faille de ce personnage si assuré et distant, le talon d’Achille de cet homme intouchable. Et c’en est un bon, puisqu’aux capacités d’exploitation presque infinies et intéressantes sans rester dans l’amour du couple principal. On regrette seulement que le dernier volume en date, le quatrième, exploite assez maladroitement cette idée pourtant si bien mise en valeur dans le précédent opus !
    
  
  
 
  
Ce josei concilie agréablement humour et sérieux dans une relation homme femme, et même si comparé à certains de ses confrères ce manga est un peu léger pour nous rappeler les josei déjà sortis, c’est un très bon moment de lecture. Meilleur qu’un shojo, le titre s’improvise mature et il a bien raison ! C’est une vie que l’on connait d’avantage, à un certain âge, que les tendres bisous qui viennent au bout de plusieurs mois. Et encore, même la génération actuelle de jeunes filles est souvent au-delà des considérations innocentes du premier baiser, à moins d’en prendre des très jeunes pour lectrices … Happy mariage est donc un genre de lecture parfaitement adapté à l'heure actuelle. Bref, une excellente initiative de la part de l’auteur, qui est saluée ici par de grands rires à la lecture mais aussi une envie appuyée de lire la suite. Ce qui est assez surprenant, c’est de voir que ce josei pose une intrigue aussi peu crédible et tirée par les cheveux qu’un bon petit shojo, tout en le traitant bien différemment et avec beaucoup plus d’intérêt. Ce qui donne un rendu un peu décalé, peu habituel et donc forcément plaisant, par la surprise qu’il amène. Il y a de plus une part de morale, puisque le dernier chapitre du premier volume insiste nettement sur l’impression qui règne depuis le début : l’auteur étale les mésaventures d’une jeune adulte dans la société nipponne, avec tout ce que cela implique comme stéréotypes … et comme source de délectation pour les lecteurs ! Mais cette dimension moralisatrice est heureusement éclipsée par l’humour, qui nous détache un peu du ton trop sérieux qu’aurait pu adopter le manga. Les situations cocasses défilent chacune leur tour, pour rapprocher ou bien mettre des bâtons dans les roues de nos deux amoureux. L’auteur n’en oublie pas moins les passages où le sérieux est nécessaire, avec la fraicheur des premiers sentiments. Ce qui ici est particulièrement intéressant au niveau des émotions, c’est que l’on à faire à une adulte complètement hermétique à l’amour jusque là, et qui n’y connait donc strictement rien. En face, un grand séducteur extrêmement entreprenant. Le tout formerait presque un duo de comiques, si les émotions de Chiwa n’en étaient pas décuplées et donc bien plus pertinentes que celles d’adolescentes et de leurs premiers amours.