Princess princess

La comédie type, un succès

                              
L’engouement du lectorat pour les shojo-comédie n’est plus à montrer. Et Princess princess n’échappe pas aux stéréotypes, bien au contraire. C’est avant tout un titre non réfléchi, et donc peu crédible. Les adolescents sont pratiquement livrés à eux même, et l’apparition d’une figure parentale est plus que rare … mais surtout inutile! Aucune opposition ne vient réguler la trame principale de l’histoire, le conseil des élèves semble tout puissant … Bref, l’histoire commence sur les chapeaux de roues, sans règles ni limites apparentes. Cet univers de libéralisme complet vient des désirs réels des adolescents. Qui, en effet, n’a jamais souhaité vivre coupé de toute contrainte extérieure? Se dicter ses propres règles, voilà bien une envie typiquement humaine. Ce qui explique le succès de ce genre de comédies légères … Car si quelques lecteurs apprécient de retrouver leur monde et ses problèmes dans leurs lectures, la plupart préfèrent s’évader de temps en temps, et le rire tout comme le manque d’authenticité dans un scénario en est le moyen. C’est donc comme cela qu’évoluent nos princesses: sous les ordres d’un conseil étudiant, qui ne fait que les prévenir des dates importantes, en leur imposant une chorégraphie, des costumes ou une chanson. Mais tout le long de la série, il ne reste rien des contraintes, physiques ou morales, que l’on rencontre dans la vie.
        
Les rares institutions familiales qui apparaissent dans le manga servent de catalyseur aux sentiments des personnages. Les thèmes tels que le remariage, les familles recomposées ou la notion d’orphelin ne sont pas exploitées, ou juste vaguement, dans un but purement matériel: servir la série, en lui insufflant quelques rares épisodes sérieux qui virent au dramatique en contrastant avec le reste. En plus de ce désir de s’échapper, que la comédie sert avec brio, le fantasme du décalé, de l’inhabituel est également présenté dans Princess princess. En effet, de nombreuses lectrices de manga aiment voir leurs personnages préférés se travestir, brisant le tabou et l’ultime limite qu’est le sexe biologique. Le mélange des genres filles / garçons fait sauter la dernière barrière du réel, afin de se détacher totalement du concret.

Princess princess est une de ces nombreuses lectures qui permet à l’imagination de dévoiler l’ampleur de son pouvoir. Alors pourquoi aller chercher un scénario compliqué pour un titre comique? Il suffit de détruire quelques réalités, passer outre les seules règles qui vont jusqu’à définir un individu, et le but sera atteint. Mikiyo Tsuda met donc ici avec habileté en scène des personnages androgynes et féminisés, afin de mettre en place des quiproquos amusants. Cet apparent flou artistique a en réalité beaucoup plus de portée que l’on ne peut croire. N’allez pas pour autant penser que Princess princess est dénué d’originalité, car la comédie passe aussi par le renouveau entre plusieurs œuvres d’un même genre...
                    
                         
                               
                                  

De l’originalité inattendue

                             
Cette originalité à laquelle on ne croyait pas vient principalement d’un énorme melting-pot. En effet, les personnalités des personnages se côtoient sans se ressembler vraiment. Le trio de princesses permet, à lui tout seul, de casser l’uniformité que l’on pensait trouver en son sein. Ainsi, ce n’est pas le héros qui est tout timide et chahuté au début du manga, mais bien un «ancien» déjà en poste. A côté de cela, le petit nouveau s’intègre en moins de temps qu’il ne le faut pour le dire, et se rapproche fortement de la dernière princesse, du fait de leur capacité d’adaptation surprenante. De plus, loin d’être négligés, c’est sans doute les personnages secondaires qui présentent le plus d’aspects intéressants. L’archétype du prince charmant se retrouve être un manipulateur effrayant de persuasion, l’ennemi qui joue les gros durs finit en bon toutou à la solde d’un garçon chétif et effacé, qui subit l’influence grandissante qu’il a sans le vouloir sur les autres élèves. De plus, le brassage des personnages est accentué par la volonté de l’auteur: Mikiyo Tsuda a en effet repris certains protagonistes de ses œuvres ultérieures pour les ré-injecter dans Princess princess, ce qui ouvre des perspectives conséquentes d’approfondissement des personnalités. Par exemple, Mikoto et Megumi viennent tous deux de The Day of Revolution, et Akira ainsi que sa famille sort de Family Complex. Il ne reste qu’à nous procurer ces titres pour découvrir les pistes qu’offre le manga …
                               
En plus d’une importante gamme de tempéraments, la mangaka nous livre tout un assortiment de genres différents au sein même de son œuvre. C’est de là que vient la difficulté de ranger Princess Princess dans une classe particulière. En effet, le shojo sentimental flirte avec la comédie totalement déjantée, le tout créant une atmosphère propre au titre, ce qui a pour effet de donner une dimension singulière à un manga à priori commun et baignant dans le cliché. Que dire, à part que l’on apprécie la réunion concluante de tous ces échanges et la communion réussie des différents aspects du manga. Mikiyo Tsuda arrive donc à allier l’ordinaire à l’atypique, dans le but de marquer les esprits. Toutefois, est ce que cela suffit pour se différencier totalement de la masse?