Patéma et le Monde Inversé - Actualité manga
Dossier manga - Patéma et le Monde Inversé
Lecteurs
17/20

Croisement d'influences...


Ceux qui ont vu, entre autres, Pale Cocoon et Time of Eve ont déjà eu tout le loisir de s'en rendre compte : Yasuhiro Yoshiura est un homme nourri aux récits de science-fiction et d'anticipation, et y a à nouveau trouvé des sources d'inspiration conscientes ou non pour Patéma et le Monde Inversé. Voyons de suite ce qu'il en est concernant les grandes idées du film.

Le thème de l'histoire d'amour dans un monde inversé est un sujet assez prisé par les auteurs de science-fiction, comme l'a encore prouvé le film Upside Down de Juan Solanas qui est sorti chez nous en 2013. Cependant, sur cette thématique, Yoshiura déclare ne pas s'être vraiment basé sur des œuvres déjà existantes (ou, en tout cas, pas volontairement), car les principales idées du film viennent plutôt de son expérience personnelle et surtout de son enfance.
Quand il était petit, chaque fois qu'il regardait le ciel,  il avait l'impression de tomber dans cette vaste étendue bleue, et c'est ce qui lui a fourni la première base du film : un personnage qui tombe dans le ciel.
D'un autre côté, il fait partie de la génération jeux vidéo, et dans certains jeux il y a beaucoup d'histoires où les lois de la gravité sont chamboulées. De son point de vue, ces jeux l'ont sans doute beaucoup orienté dans sa démarche.

Concernant l'univers totalitaire d'Aïga : il a été fortement marqué par des livres cultes comme 1984 de George Orwell, mais aussi par certains films, à commencer par Brazil de Terry Gilliam - réalisateur dont il est très friand - ou Bienvenue à Gattaca. Des œuvres où l'on retrouve une forte imprégnation de régimes totalitaires au fonctionnement très strict, mais un peu absurde, à l'image de celui d'Aïga dans Patema.





... pour un univers abouti...



La base


Dans cet univers aux multiples influences créé par Yoshiura, tout repose en premier lieu sur l'opposition gravitationnelle des deux mondes et de leurs habitants : ce qui est le haut pour les uns devient le bas pour les autres. Mais l'opposition de s'arrête pas là.

Sombre et vieillot, le monde souterrain où vit Patéma regorge néanmoins d'une chaleur humaine portée par des personnages proches, qui veillent les uns sur les autres. Une proximité bien aidée par l'aspect étriqué du monde souterrain, et mise en exergue par la vivacité, la curiosité et la fraîcheur que dégage la téméraire Patéma, adolescente appréciée de tous.

Dans l'autre monde, celui d'Aïga, c'est tout l'inverse : l'espace a beau être plus grand et à ciel ouvert, il est strictement interdit, entre autres règles, de regarder vers ce ciel porteur de malheurs, sur ordre du leader de ce régime totalitaire. Un monde ouvert où toute liberté est bridée par un despote incapable de remettre en question ses certitudes sur un passé dont il ne comprend plus grand-chose. Un monde où Age, morne et mélancolique, ne peut aucunement s'épanouir.





La conception de l'univers


Pour créer l'ensemble de cet univers, le directeur artistique Yuji Kaneko fut l'allié indispensable de Yasuhiro Yoshiura. De base, Yoshiura avait déjà pas mal d’idées, mais pour approfondir celui du monde souterrain Kaneko lui fit de nombreuses propositions : d’énormes tanks, des galeries de mine où des tuyaux sont installés de tous côtés...
Concernant la cité d’Aiga, le réalisateur a d'abord suggéré un jardin miniature, puis une ville nouvelle à l'image de Brasilia. Kaneko y a rajouté une influence de la ville indienne de Chandigarh dessinée par Le Corbusier, qui, lui, était le maître d’Oscar Niemeyer, l’architecte qui a réalisé Brasilia.
Pour l'élaboration des décors sous l'égide de Kaneko, 70% du décor a été créé à la main et 30% en numérique.

De par son univers SF où deux gravités s'opposent, le film propose divers éléments propices à une meilleure exploitation de son concept : les vêtements bien sûr, dont la combinaison de Patema la protégeant, mais aussi un certain nombre d'outils, de gadgets et d'engins renforçant la crédibilité. On pense évidemment aux masques à gaz utilisés dans le monde souterrain, à la corde de rappel utilisée par Porta, ou à la machine volante du père d'Age.

Un grand soin a été apporté à l'architecture des lieux importants du film.

Le village souterrain, où vit Patema, est une sorte de cavité où ont été construits des espaces résidentiels. Avec son aspect restreint, ses colonnes et escaliers métalliques, ses tuyaux et ponts au-dessus du vide, ses passages étroits, ses nombreuses bouches d'aération et ses couleurs de style industriel, le lieu possède de fortes influences cyberpunk.



Dans ce lieu, la petite chambre cloisonnée de Patéma apparaît alors presque claire et aérée, comme un petit oasis où elle a entreposé des livres, quelques plantes, des peluches rafistolées et quelques décorations aux couleurs un peu plus féminines, témoins de son caractère un peu à part et de son statut de petite égérie du peuple souterrain.

Le gouffre est un lieu-clé. Avec sa conception métallique est son aspect à l'abandon, il apparaît comme un endroit froid et inquiétant, étape à franchir pour se plonger vers l'inconnu...

Avec sa verdure, son ciel bleu, ses quelques maisons ça et là, la campagne d'Aïga semble belle, mais est surtout un lieu dont on ressent l'aspect désolé, d'autant que ce vaste lieu est entouré de barrières emprisonnant finalement ses occupants.



Au milieu de cette vaste plaine, le dépôt est le lieu où Age cache Patéma. Rustique, ce bloc de métal et de béton est néanmoins suffisamment petit et aménagé pour qu'on y trouve un certain parfum d'intimité lorsque nos deux héros y sont. Une impression renforcée par sa fenêtre offrant une petite vue de l'extérieur.



L'école d'Aïga, elle, est surtout symbolisée par une grande salle de classe où tout est symétrique et sans décoration. Froide, sans âme, à l'image de ce que peut y ressentir Age. Les quelques plans extérieurs de l'école laissent deviner une grande bâtisse grise, tout aussi peu accueillante.



Le centre de contrôle, lieu-clé du milieu du film, est le symbole même de la société ultra surveillée d'Aîga. Elle est dominée par une gigantesque tour grise et froide d'où Izamura peut veiller sur toute la contrée. L'intérieur est dominé par de gigantesques espaces où tout résonne et/ou la vie semble absente, d'autant que la lumière n'y filtre qu'en s'opposant aux hautes parois lisses et métalliques.

La chambre d'Izamura, elle, est dans un style qui lui correspond bien : un peu grandiloquente, dans un style plutôt baroque. Un style de manoir aristocratique contrastant totalement avec la froideur moderne de l'extérieur des bâtiments.


... mais dont les choix diviseront



Un scénario bien mené, mais très classique...


C'est dans ce contexte et dans cet univers que Patéma et Age se rencontrent. La surprise passée, ils mettent rapidement de côté leur principale différence, la gravité, dès lors qu'ils se rendent compte que l'autre est une preuve de l'existence des rêves qu'entretenaient les êtres qu'ils avaient de plus cher : il existe bel et bien un autre monde, renié par celui d'où ils viennent. Patéma et Age sont tous deux liés par un même drame : la perte d'un être cher qui guidait leurs pas. Et c'est en marchant sur les pas de ces deux disparus qu'ils tenteront de dévoiler les origines de la catastrophe qui a séparé les deux mondes, et qu'ils essaieront de lutter contre les forces despotes d'Aïga, lancées à la poursuite de Patéma, jeune fille qui vient de briser un passé qu'ils cherchaient à cacher.

Le message qui découle de cette aventure est alors d'autant plus évident : personne ne voit le monde de la même manière. Ce qui est vu de façon normale par Age est vu de façon inversée par Patéma, et vice versa. Nous voyons tous le monde différemment. Mais, à l'image des deux adolescents, nous sommes tous liés par notre relation aux autres, plus ou moins fortes selon les personnes, et qui doit nous pousser à comprendre et accepter les différences de chacun.

Un message de tolérance et d'acceptation universel on ne peut plus classique, mais joliment mis en valeur, via un récit qui possède néanmoins quelques limites.





… et des personnages qui le sont tout autant


La principale de ces limites, c'est le caractère ultra stéréotypé de tous les personnages. Le réalisateur offre en effet une galerie de protagonistes assez intéressante, mais exclusivement constituée d'archétypes.

Ainsi, Patéma est le prototype même de l'adolescente vive et intrépide, mais également fragile face à l'inconnu, comme on en voit si souvent, tandis qu'Age est un cliché du lycéen mélancolique, qui rêve d'un monde plus libre, qui a d'abord peur de faire ce dont il rêve quand Patéma débarque dans sa vie, puis qui finit par prendre son destin en main pour protéger la jeune fille. Ces deux caractères stéréotypés passent très bien, dans la mesure où Yoshiura exploite très joliment leurs principaux traits de caractère pour montrer leur évolution, faire bouger son histoire et porter son message.

Le point le plus dommageable vient donc des personnages secondaires, tout aussi clichés, en plus d'être bien trop peu mis en avant.

Du côté d'Aïga, on a donc dans le grand méchant du film le stéréotype du tyran qui ne se remet jamais en question et qui cherche à éliminer tout ce qui va contre ses certitudes sans chercher à voir plus loin, histoire de conserver sa pleine domination. Un méchant très méchant, sans nuance, avec tous les clichés visuels et sonores qui vont bien : une mine stricte, des yeux très écarquillés dès que les choses ne vont pas comme il veut, une voix inquiétante et un brin sadique... Son bras droit, amené à évoluer un peu plus, aurait pu être intéressant s'il avait été plus mis en avant. Quant aux quelques amis lycéens d'Age, ils sont quasiment invisibles.

Du côté du monde souterrain, on a beau avoir une petite palette de personnages chaleureux et hauts en couleur, ceux-ci sont très peu mis en avant et ont un rôle moindre, hormis Porta, gros cliché du grand frère protecteur et amoureux transi de Patéma, un peu comique et qui ne manquera pas une occasion de voler au secours de sa belle sans rien avoir en retour. L'habituel rôle un peu ingrat.

Bref, les rôles habituels, qui semblent simplement bons à porter l'histoire, tels des outils ou des ustensiles, sans forcément se démarquer.





Un monde au concept solide, mais au contenu lisse ?


On l'a vu, le monde imaginé par Yoshiura regorge de trouvailles, de bonnes idées qui ont tout pour le rendre intéressant... Pourtant, cet univers risque fort d'apparaître aux yeux de certains spectateurs assez lisses, car le fait est qu'on ne s'intéresse finalement pas plus que ça à son fonctionnement et à la façon dont on y vit. Mais cela résulte sans aucun doute d'un parti pris du réalisateur : ce qui l'intéressait avant tout, c'était le concept même de gravité inversée.

Globalement, la vie d’avant la catastrophe apparaît très banale, de même que celle animant nos héros avant qu'ils se rencontrent. Les scènes de tranches de vie sont très limitées. Mais si tout ceci avait été plus travaillé, l’inversion elle-même aurait-elle conservé tout son intérêt ? Serait-elle restée le leitmotiv du film ? Sans doute pas. Et c'est sûrement aussi pour ça, pour ne pas s'égarer hors de son objectif premier, que le réalisateur a choisi un ensemble finalement assez restreint (le monde souterrain n'est pas très grand, la contrée d'Aïga est délimitée par des barrières et on ne sait pas trop ce qu'il y a au-delà, les personnages ne sont pas très nombreux...).

Dans Patéma et le monde inversé, Yoshiura a clairement voulu que la gravité joue un rôle dans chaque scène et dans chacune des relations entre les personnages. Mais nous y reviendrons dans la partie sur la réalisation.





Quelques raccourcis typiques


Les limites que l'auteur s'est imposé se ressentent aussi à travers certains gros raccourcis scénaristiques, à commencer par le caractère très stéréotypé des personnages, mais pas que.

Ainsi, certaines évolutions de protagonistes apparaissent clairement rapides, surtout celles de Jack et de Porta dans la dernière partie du film.

De même, certaines coïncidences sont clairement trop grosses. Comme par hasard, Patéma chute sur le seul habitant d'Aïga qui regarde vers le ciel et est à part dans cette société totalitaire. Comme par hasard, ce sont précisément les êtres les plus chers de ces deux-là (Eichi pour l'un, et Lagos pour l'autre) qui ont posé les bases fondatrices du futur renouveau (la découverte de l'autre monde par chacun des deux peuples). Cela pourra clairement agacer.
  
  
  

© Yasuhiro YOSHIURA / Sakasama Film Committee

Commentaires

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camillemcy

De camillemcy [112 Pts], le 27 Septembre 2015 à 11h16

16/20

Super film! Je l'ai adoré du début à la fin! Je le conseille!

MissPanda

De MissPanda [282 Pts], le 16 Juillet 2015 à 21h38

17/20

Un bon film , les décors sont juste magnifiques !

saqura

De saqura [4244 Pts], le 30 Juin 2015 à 18h57

le film

saqura

De saqura [4244 Pts], le 30 Juin 2015 à 18h56

17/20

j'ai bien aime bisous

Nexos

De Nexos [116 Pts], le 03 Juin 2015 à 14h02

Ce film me tente bien ^^Merci pour la présentation.
ShakuganKenshin

De ShakuganKenshin [574 Pts], le 30 Mai 2015 à 17h17

18/20

Pareillement ^^, film d'animation trés sympatique!

nanto

De nanto [2325 Pts], le 30 Mai 2015 à 15h31

excellent film qui a reussi a me faire pleurer a la fin ^^'

NoctisLucisCaelum

De NoctisLucisCaelum, le 30 Mai 2015 à 09h13

un bon film je trouve j'ai bien aimé

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