Pandemonium - Actualité manga
Dossier manga - Pandemonium

La patte hybride de Shô Shibamoto


S’il y a un argument qui pour attirer le lecteur vers Pandemonium, c’est le style graphique totalement atypique de Shô Shibamoto quand on parle de manga au sens classique. L’œuvre de l’auteur n’est pas spécifiquement marquée par les codes du genre. Bien au contraire, il puise davantage dans les mécaniques du conte occidental, ce à bien des égards.

Le plus frappant est l’une des caractéristiques de l’auteur dans la plupart de ses œuvres : l’anthropomorphie. Chez Shô Shibamoto, les personnages sont des animaux dotés de caractéristiques humaines : ils sont bipèdes, doués de parole, évoluent dans une société très humaine marqués par les codes qui nous caractérisent comme la technologie ou le simple fait de s’habiller. Les personnages de Pandemonium, s’ils peuvent aussi bien être un chat qu’un renard, une souris ou même un monstre, sont à considérer comme des humains et jamais ces individus sont catégorisés comme des espèces à part. Tous appartiennent à une simple et même catégorie d’être vivants. Comme nous l’avons évoqué, le fait de jouer avec différentes espèces animales permet néanmoins de marquer une certaine différence mais seulement aux yeux du lecteur, afin d’appuyer la thématique de l’œuvre. Si les habitants du monde de Zipher sont tous très semblable, en atteste le second volume qui dévoile quelques visages, le village des difformes compte des designs très hétéroclites, volontairement déformés par quelques caractéristiques monstrueuses, afin de mieux montrer que ces gens ont été rejetés par leurs caractéristiques physiques. Outre le fait que ces choix sont importants en terme de sens pour l’œuvre, ils sont peu communs aux yeux du lecteur surtout habitué au manga, et donc forcément impactant. On s’attache peut-être plus à ces personnages pour leurs caractéristiques physiques que pour leur personnalité, aussi Pandemonium n’aurait surement pas le même effet si les personnages étaient de simples humains et pas des animaux anthropomorphes.




L’autre choix impactant de l’auteur est la colorisation totale de son œuvre, qui lui confère un cachet indéniable. Pourtant, le choix des couleurs n’a rien de traditionnel chez Shô Shibamoto. Le mangaka ne joue pas avec des couleurs éclatantes, loin de là. Les univers montrés sont secs et rocailleux, l’action se déroule alors dans les montagnes en toutes circonstances et jamais un paysage paisible et propice à la verdure n’est montré. Le choix des couleurs fait par l’auteur est terne, il suit donc une logique par rapport à l’univers. Mais au-delà de ça, il contribue à l’ambiance du titre, une ambiance aussi dépaysante qu’inquiétante lors des premières pages de lecture, avant que le lecteur fasse la rencontre des habitants du village et y trouve, finalement, un côté enchanteur. Pandemoinum a beau reprendre de nombreux codes des civilisations modernes, l’œuvre se situe en territoire imaginaire et ce choix des couleurs apporte une forte dimension fantastique propice à l’évasion. On comprend alors le choix de l’éditeur Ki-oon d’avoir publié l’œuvre dans la collection Latitudes. Une publication en noir et blanc était tout simplement inconcevable, et opter pour un petit format, à l’instar de RE Life, n’aurait pas non plus rendu justice à l’impact visuel de Pandemonium.


Traduction et adaptation


L’édition de l’œuvre était ainsi risquée, la série consistant en deux tomes grands format conformément à la collection Latitudes, semblable à certains ouvrages de Casterman. La mise en couleur étant importante, elle passait par des choix éditoriaux conséquents pour conserver son cachet. Ainsi, Ki-oon propose ici un papier épais et une impression qualitative. Le seul « regret » que l’on pourrait avoir concerne les couvertures qui reprennent simplement les personnages des jaquettes japonaises mais pas les fonds visuels qui donnaient un bel impact aux illustrations nippones. Ceci est sans doute pour coller à l’harmonie des couvertures de la collection Latitudes, mais il est assez dommage d’avoir partiellement dénaturé les visuels nippons.

Côté traduction, le texte de Sébastien Ludmann est d’excellente facture. Le traducteur a bien cerné les intentions de la série, ses thèmes et les facettes de chaque personnage pour retranscrire la dimension de l’œuvre dans son travail.


  
  


© 2014 PANDEMONIUM / SHÔ SHIBAMOTO / Shogakukan

Commentaires

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Aliocha

De Aliocha [237 Pts], le 27 Avril 2017 à 10h49

Ravie qu'un éclairage soit donné sur ce dyptique inclassable, que j'ai personnellement adoré. Beau boulot !

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