Niddheg

Rien ne vaut l’ordinaire

 
 
Dernier pan d’un triptyque bien harmonisé, les chroniques de l’ordinaire. Les romans qui se placent dans notre quotidien, dans notre monde terne et sans couleurs. Niddheg propose d’y amener une touche de fantaisie et surtout d’amour, à travers deux séries.

« Le chat, le nerd et le businessman » comporte six petits tomes, et surtout beaucoup de tendresse. Drake est un homme d’affaire irréprochable, qui déteste les nerds et leur univers. Lui qui s’habille si bien, qui est d’une classe naturelle et qui dégage un charisme à toute épreuve, qu’aurait-il à faire avec eux ? Lad est un geek passionné de jeux-vidéos, que ce soit pour en parler, y jouer ou en créer. Il a des lunettes aussi épaisses qu’un parebrise, des cheveux roux jamais coiffés et des taches de rousseur qui s’accordent très bien avec son look d’adolescent attardé. Ils n’ont rien à voir ensemble, si ce n’est un travail. Ils se doivent de collaborer, et peu à peu ils vont avoir du mal à se supporter, mais surtout à se passer l’un de l’autre. Rajoutons entre eux un chat fugueur naviguant d’une maison à l’autre, et c’est le jackpot. Berylia signe ici un autre roman, illustré par les deux dessinatrices du studio. Elle sait y doser l’humour en grandes quantités, mais surtout la tendresse et le plaisir d’une vie tranquille et sans heurts. On se reconnait davantage dans ces personnages que dans les elfes qui nous font rêver avant tout. Cet aspect-là de l’homo-romance nous semble plus crédible car accessible, compréhensible, et il est bon d’avoir une fibre normale dans le panel de romans du studio. D’autant plus que cela laisse d’autres opportunités de présenter quelques cochonneries. La messagerie instantanée, ça a du bon. Histoire de fangirls et de geek, on se retrouvera facilement dans le roman si l’on se rapproche de Lad, ou au contraire de Drake. La présence de chats pour le fan-service n’atténue en rien la douceur du roman, qui y voit surtout un prétexte pour faire se rapprocher nos deux héros. Un très bon moment de lecture, léger comme on l’aime, tranquille, rempli de drames ordinaires.
  
 
  
 
 
A côté de cela, « L’ombre du dragon ». Ecrit par Fufu et dessinée par Cahethel, ce roman « tranche de vie » ne l’est peut-être pas tant que ça. Il n’est pas spécialement commun de voir son petit ami envoyé en prison, n’est-il pas ? C’est toutefois dans notre univers, dans notre réalité. Lawrence n’aime pas les gays, et encore moins les petits amis de son colocataire Tao-Lin. Il accepte ce dernier parce qu’il l’adore et que c’est son meilleur ami, mais c’est tout. Les autres sont des crétins. Alors quand il apprendra que Tao-Lin largue tous ses copains parce que ceux-ci découvrent qu’il est amoureux de Lawrence… Tout va se bousculer dans sa tête. Que faire, risquer de perdre son ami ou se parjurer en tant que gay ? Une réflexion intéressante qui va faire changer d’avis un personnage au départ sûr de lui. C’est ça qu’on apprécie, le raisonnement, la réflexion qui est lancée autour de la vision de l’homosexualité. Evidemment, Fufu va nous placer quelques problèmes, des menus détails qui vont compliquer la vie auparavant tranquille des deux amis. Ils vont se perdre, puis se retrouver, sur un arrière-goût de mafia et d’ennuis bien trop précoces pour leurs âges. Une très bonne lecture, qui réussit à rester sur son axe : sérieuse, et pourtant intéressante dans un environnement qui se promettait banal. On est toujours surpris par les retournements de situation et les idées des auteurs, c’est d’ailleurs ce qui nous tient en haleine. De plus, le caractère de Tao-Lin s’affirme et nous paraît bien plus tranché qu’on ne le pensait. La révélation d’un personnage, là où Lawrence s’efface et se plie aux commandements soudain impressionnants de son amant. Toujours, toujours des idées qu’on ne pensait pas voir. Ce qui a d’autant plus d’impact dans un récit inscrit sans fantasy, magie ou espèces imaginaires.