Kano Miyamoto - Actualité manga
Dossier manga - Kano Miyamoto
Lecteurs
20/20

Un univers mi-figue mi-raisin

 
 
Étant donné que les différentes œuvres de l’auteur sont souvent construites sur le même schéma, nous parlerons ici des ficelles du scénario comme d’une vérité générale commune à toutes ses œuvres sorties en France. La construction du récit, si elle est parfois maladroite, amène une sorte d’irréel qui nous touche beaucoup, parfois plus que le contenu. En effet, le passé de nos héros est disséminé à travers tout le manga par plusieurs pages qui se fondent dans le reste, parfois du point de vue de l’un, parfois de l’autre. On jongle entre les émotions des deux personnages principaux et cela nous fait du bien de tenter de comprendre les visions des choses de chacun. D’autant que ce lourd passé reste touchant, car exprimant un profond mal être chez les personnes concernées. On sent bien qu’il n’y a ni mal ni bien, car l’auteur nous fait découvrir successivement les différents états d’esprit de chacun à ce moment-là. Profond malaise, amour tordu, honte, impulsions et envie, autant de mots qui définissent parfaitement ces petits instants qui étayent le présent et le rendent plus fort, plus juste. La douleur est parfaitement exprimée, tout comme peut l’être l’amour sous toutes ses formes, la quête désespérée de la personne aimée ou la culpabilité passée qui ressurgit parfois. Les thèmes peuvent donc paraitre variés d’un manga à l’autre, et fortement diversifiés mais on retrouve souvent les mêmes ficelles. L’amour, interdit ou frustré, la trahison, la peine et les drames de la vie. Dans chacune de ses histoires, l’auteur introduit un élément hautement perturbateur. Un bouleversement extérieur qui ne peut pas être contrôlé par les personnages. Un évènement de la vie, un accident, un drame, une structure familiale bouleversée … Tout est bon à prétexte pour faire trembler le couple sur ses fondations, pour les faire hésiter. Parce que l’auteur a besoin de nous faire ressentir un peu de pitié pour eux, un peu d’affection teintée de désespoir. Parce que oui, la plupart du temps, les idées de la mangaka sont particulièrement tristes ou injustes, et l’on a envie de se rebeller fortement contre ces lignes scénaristiques contre lesquelles on aimerait faire quelque chose. Les destins tragiques s’entremêlent, les personnages tombent peu à peu dans une déprime réelle qui les englue dans le malheur et une vision très noire de l’avenir.
 
 

 
Comme toujours chez les personnages de Kano Miyamoto, le uke est torturé, préoccupé par ses propres problèmes sans réaliser que les autres en ont. Égoïste sans même s’en rendre compte, il attire l’attention et le dévouement de ses proches sans les remercier à la hauteur de leurs efforts. Les personnages ont souvent besoin de se marquer, comme s’ils souhaitaient posséder l’autre, l’enchainer à lui pour ne jamais le voir partir. L’auteur développe ainsi souvent la notion de dépendance à l’autre. C’est un thème récurent qui surprend un peu dans l’amour, pourtant un sentiment heureux, du moins selon nos représentations. Par exemple, le personnage de Shinomiya est réellement construit autour de Matsuoka : la diminution de son amoralité à ses côtés, et la débauche dans laquelle il se plonge lorsque celui-ci s’éloigne trop … On apprécie énormément la psychologie de ce qui survient dans la vie de ces deux tourtereaux, et la façon dont le traumatisme est traité : de la logique, du réalisme et une perspective d’avenir, avec le temps qui passe comme seul pansement aux peines de cœur. C’est un ton très mature que prend la mangaka pour exprimer les relations qui lient les deux hommes qu’elle fait s’aimer profondément. Entre morale, raison et passion, nos deux héros se perdent l’un dans l’autre, dans un cache-cache possessif et rempli de jalousie, l’amour nait timidement dans des cœurs desséchés par la luxure moderne. On y retrouve le classique de l’artiste, du rêveur perdu qui n’avance qu’à la force résiduelle de ses jambes. Le jeune adulte un peu perdu, aussi peu fier qu’il est négligent envers son corps et les compagnons qui l’étreignent le temps d’un soir. L’amour est alors compliqué, jamais il ne parait simple ou spontané. Les questions sont incessantes chez les protagonistes de l’auteur, qui les rend toujours très perturbés dans leur statut d’homosexuel ou leur statut d’amoureux, ou les deux. Ainsi, ils ont du mal à profiter des petites joies du quotidien qui rendent le quotidien original et unique. Ils ne parviennent pas à se détendre totalement et à lâcher prise pour simplement profiter.
 
 
 
 
Les autres personnages prennent de l’ampleur au fur et à mesure de la lecture, au début on a une idée bien précise sur ce qu’ils doivent être, mais l’auteur arrive à les rendre tous plus humains, plus fragiles. Cependant, on garde un goût un peu amer dans la bouche puisque quand l’auteur semble vouloir les faire avancer ... on se perd dans des considérations encore trop floues ou tournées vers une période trop sombre. On aimerait plus de joie, un rayon de soleil dans leur quotidien quelque peu attristé par leurs caractères, et parsemé de nombreuses scènes de sexe qui ne font qu’appuyer ce côté « lutte à corps perdu » que l’on a parfois l’impression de lire de manière un peu trop prégnante. Pour nos amoureux, c’est le début d’une quête de l’amour partagé et des petits bonheurs de la vie, au-delà de la mélancolie habituelle de leurs conjoints. Tenter de le faire sourire, le savoir heureux, c’est avant tout ça, la vie, pour tous les protagonistes de Kano Miyamoto… Le ton est alors mélancolique, toujours sombre et sans trop d’espoir tout le long de la lecture. On aimerait sentir un peu plus de joie, de réalisme sur la vie de tous les jours. Certes les adolescents ont des passages difficiles, mais ils peuvent aussi être heureux, partager de grands moments de joie et de légèreté … Et tout le monde parait un peu trop déprimé, même l’amour a un goût amer et difficile. A croire que le bonheur n’existe que de manière très relative chez cette mangaka …Le bonheur, c’est cela qui manque un peu dans l’œuvre de Kano Miyamoto. Certes, l’intrigue n’est pas réellement développée … Comme dans la plupart des yaois qui traitent d’une romance réelle et sans délire fantastique, on sait pertinemment comme cela va finir. Mais c’est le chemin parcouru qui compte alors, plus que le résultat. Et le chemin parcouru l’est toujours avec intelligence, avec finesse et complexité. Rien n’est facile, jamais, et pour arriver à un résultat dont on se doute il faut beaucoup de patience et de rebondissements. Les choses ne sont jamais comme elles semblent être ... Malheureusement, il y a encore beaucoup d’incohérence dans certaines psychologies et comportement … Notamment chez les uke torturés, les faibles personnages qui sont toujours un peu trop torturés pour paraitre réels. Parfois, on aimerait un peu plus de réalisme, de simplicité dans la construction des caractères.
 
 

© Miyamoto Kano

Commentaires

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Einah

De Einah [4313 Pts], le 28 Septembre 2012 à 17h37

20/20

J'aime cette auteur, j'aime le côté sombre qui s'y dégage car je trouve que ca peut représenter les tourments de la vie auxquels on peut être hélas un jour confronter. C'est une auteur qui m'a fait remuer les tripes dans lovers and souls T_T

NiDNiM

De NiDNiM [912 Pts], le 28 Septembre 2012 à 14h29

CherryLake > Il se trouve que je ne lis pas de scantrad, aucun, jamais. Et que je ne peux donc pas connaitre ce lien entre les deux séries. Je me doute que de nombreuses séries peuvent encore approfondir les liens cités, en créer de nouveaux ... Puisque c'est la patte de l'auteur. Mais je ne peux pas deviner les liens qui sont explicités dans des séries qui ne sont pas sorties en France. Ce dossier se base sur les sorties françaises des oeuvres de l'auteur.

 

Merci pour vos compliments.

Azu

De Azu, le 28 Septembre 2012 à 13h53

Bon dossier !

CherryLake

De CherryLake [215 Pts], le 28 Septembre 2012 à 13h47

20/20

Magnifique dossier ! J'aime beaucoup Miyamoto Kano, donc merci.

Mais je voudrais juste dire que  Vanilla Star et Touch of Pain sont en réalité plus ou moins liés (contrairement à ce que dit l'auteur de ce dossier), il manque un one shot entre les deux qui est Asanai Otoko, non licencié en France. Dans Asanai Otoko, on suit un collégue de Yagisawa qui a une relation avec Takeshi, c'est Shù. Ce même Shù on le croise un fois dans Vanilla Star et Takeshi parle de lui dès le début. Pour comprendre le petit extra dans Vanilla Star où Takeshi et Yù croisent Shù et son petit ami il faut avoir lu Asanai Otoko. 

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