Mille et une nuits - Actualité manga
Dossier manga - Mille et une nuits
Lecteurs
19/20

La thérapie par le conte

     
Depuis tous temps, les histoires sont utilisées pour faire passer des idées, des avis. La fiction a toujours été un excellent moyen d’expression, sans avoir l’air de faire la morale. Les dénouements des destins de personnages imaginaires restent profondément ancrés dans les mémoires, bien plus que de vagues remontrances. Tout au long des Nuits, c’est ainsi que Shéhara procède pour calmer le sultan, lui faire comprendre certaines choses ou lui suggérer une morale plus saine. Le conteur se pose ici en fin psychologue. Ce n’est que dans le tome 4 que l’on prend conscience du mal qui ronge le calife. Et c’est là que la thérapie prend tout son sens … C’est d’ailleurs dans ce tome que le sultan réclame pour la première fois une histoire afin d’apaiser son âme. Il prend conscience de l’aide dont il a besoin, il s’ouvre à son conteur qui connaît tant de lui, et une relation privilégiée s’installe entre les deux hommes. Mais, si chaque histoire a un but précis, fortement lié à la situation de nos protagonistes principaux, ce n’est pas le seul intérêt des contes. Ceux-ci sont en effets universels, puisque connus de tous et adaptés dans toutes les contrées. Ainsi, les idées transportées sont accessibles à tous puisque l’on peut facilement s’incarner dans les tristes destinées des héros temporaires d’un récit imaginaire. 

               
Le premier conte des Mille et une nuits est raconté à Sharyar simplement, comme une dernière morale avant la mort. Shéhara ne comptait pas vraiment sauver sa vie, et pourtant il y parviendra en touchant le cœur de ce sultan devenu fou. Son histoire, sanglante et sans pitié, soulève les notions de bonheur et d’amour. L’amour torturé, qui ne s’exprime que par la violence, le sang et la souffrance. Ce même amour que Shahryar exprime de toute son âme dans son attitude dévastatrice. Celui qui le ronge de l’intérieur sans qu’il parvienne à s’en débarrasser. Il prétend aussi que le bonheur n’est pas forcément dans les mains du pouvoir. Que se sacrifier au nom d’un sentiment pur et sincère peut apporter plus de bonheur que le règne par la terreur. Par son conte, Shéhara ose donner une leçon au calife sans pour autant s’impliquer directement, comme si l’histoire parlait d’elle-même. C’est le début de la descente du sultan, qui va se laisser aller à la douceur du baume que les contes appliquent inconsciemment sur son âme. S’il n’en a pas conscience, si les contes le dérangent sur le coup, Shahryar va en tirer bénéfice au fur et à mesure que Shéhara raconte. Le deuxième conte met en scène une très belle femme, un homme de pouvoir amoureux et un simple esclave, ayant besoin d’amour. Ce dernier sera confronté à la traitrise de son épouse, à la déchéance de leur mariage. Néanmoins, il croit en elle jusqu’au bout, lui fait confiance jusqu’à être devant le fait accompli. Mais au lieu de lui en vouloir, il se résigne et va vouloir, une dernière fois, croire en celle qu’il a aimée. Et c’est de cette manière qu’il la punit, elle qui n’a pas su voir en lui celui qu’il lui fallait. Comme d’habitude dans les histoires, c’est donc un amour contrarié qui est ici abordé. Cela permet à Shéhara de divertir innocemment le calife tout en lui rappelant que l’amour n’est jamais parfait, mais que le pardon est la plus noble réaction face à la trahison. On pense évidemment à la fin tragique de Fatima face à la colère de Shahryar, et cette fin si douce fera très certainement le même chemin dans nos esprits et dans celui du sultan méfiant. C’est une manière détournée de lui faire prendre conscience de certaines choses, en douceur. La magnifique histoire de Cléopâtre arrive dans le troisième tome, afin de calmer la folie du sultan, même si celle-ci reviendra en fin de volume. C’est, plus qu’un conte, le témoignage de la puissance des femmes que Shéhara raconte ici. D’où la grande différence avec l’œuvre originale, qui tendait à ne pas trop sublimer la femme. Le conteur justifie la démence de son calife par la ruse et la puissance des femmes, leur capacité à berner habilement. Pourtant, le ton employé n’est pas négatif vis-à-vis de cette grande femme, qui fit tourner bien des cœurs. Shahryar ressort calmé de ce conte, puisqu’il constate que la trahison de Fatima, sa domination totale sur lui  n’est pas qu’un signe de faiblesse. Cela parvient à calmer ses ardeurs meurtrières, pour un temps seulement … 

              

            
                                        
Le poignant tome 4 nous narre l’histoire de la mère et du bucheron, conte mondialement connu. Sous d’autres noms, il peut parler d’une nymphe et de sa robe de plume, d’une femme cygne maudite, etc … Mais la morale reste la même. Que la narration soit adoptée sous le point de vue du pauvre bucheron qui fait tout pour garder une femme ingrate, ou comme ici par la tristesse d’une mère amoureuse, condamnée à rester sur terre, avec pour seule consolation la présence de ses enfants. Au final, on retrouve les mêmes idées. Ici, ce conte est raconté par Shéhara dans le but de soulager le poids que porte le sultan. L’enfance de ce dernier vient d’ailleurs s’intercaler avec le conte, et c’est sans doute celui qui aura le plus de portée. La blessure de Shahryar est enfin mise à nue, violente et sans pitié. Le fait de connaître le passé du sultan permet à Shéhara de raconter la bonne histoire pour le soulager. Un jeune garçon qui croit être la cause du désespoir de sa mère, adulant son père à tord et marchant dans ses traces, voilà ce que Shahryar croyait être, tout comme l’enfant du conte. Cette narration touchante troublera le sultan, qui laissera éclater son chagrin, regardant sa blessure en face afin de l’affronter. Le mécanisme est en marche, il ne reste qu’à panser les plaies. C’est ce qui se produit dans le dernier titre paru en France : l’histoire de Socrate in love, ajoutée aux reproches voilées que les citoyens peuvent opposer au règne tyrannique du sultan, met en relief les notions de désirs et de besoin à travers l’évolution d’un homme. Le changement radical d’Alcibiade, sa prise de conscience vis-à-vis de ses intérêts, de ses buts et des facilités dans lesquelles ils se complaisaient le fait évoluer. Le jeune homme du conte grandit alors, faisant face à ses besoins plus qu’à ses envies. L’instabilité permanente du sultan Shahryar le pousse à désirer changer l’image sanglante qu’il a donnée de lui. Après la blessure, les bandages à appliquer. Ce conte est comme un baume qui permettrait à Shahryar d’espérer de nouveau incarner une figure emblématique. C’est dans ce tome que l’on prend conscience de l’impact de sa cruauté passée. Le sultan, après avoir été pire qu’une bête, redevient un homme et se rend compte de ses actes et de la nécessité de changement. Toutefois, ce cinquième tome est abordé un peu trop facilement, et la morale n’est pas évidente à trouver. En effet, les sous entendus que l’auteur installe entre le conteur et le sultan sont racontés un peu à la légère, comme si ce n’était qu’une nécessité pour intéresser la lectrice curieuse … Mais il ressort de tout cela une véritable thérapie par le conte, élément garantissant la paix de l’âme pour qui sait l’écouter et s’en servir.
   
                                                                  


© by Jun Jin Suk and Art by Han Seung Hee. Originally published by Seoul Cultural Publishers, Inc.

Commentaires

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Chamine

De Chamine [1437 Pts], le 15 Août 2009 à 12h17

19/20

Bravo pour le dossier (j'avais écrit soddier xDD) ma choupi ! Il est magnifique tout comme le manga, tu sais à quel point je l'adore.

A mort Kami, je veux la suite !

Gaby123

De Gaby123 [0 Pts], le 27 Juillet 2009 à 20h09

Ce manga est vraiment trop bien!!!!!!! Les histoires que raconte Shéhara sont intéréssantes et la relation entre lui et le sultan devient de plus en plus ambigüe =)!!!! J'espère qui aure plus et affinité lol =)

H SHRA

De H SHRA, le 20 Juillet 2009 à 09h30

Si le volume 6 ne tardait pas tant à sortir (on l'attend depuis 1 an), je vous conseillerai de vous précipiter dans votre librairie pour l'acheter.

Mais là je ne peux que vous le déconseiller sachant que l'on n'a aucune explication sur ce retard et que l'on n'est même pas sur d'avoir la fin.

Dons à moins d'être MASO passer votre chemin

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