Mille et une nuits - Actualité manga
Dossier manga - Mille et une nuits
Lecteurs
19/20

Les Nuits coréennes, une pâle copie ?

         
Il se trouve que dans les versions des Mille et une nuits éditées dans certains pays, arabes notamment, un narrateur masculin vient se rajouter à l’histoire originale, pour rétablir l’équilibre des sexes. Ainsi, Shéhérazade la maligne n’a pas pu à elle seule amoindrir la figure de respect que le sultan incarne, et son honneur n’est pas bafoué. Ici, Shéhara remplace la figure féminine, justifiant du même coup sa ruse et sa finesse. Pourtant, il est clair que les auteurs ont vu ici une plus juste manière de tourner leur scénario, afin de jouer sur l’ambigüité des relations entre le jeune conteur et le sultan. Après tout, l’homosexualité était chose plus courante à l’époque et dans ce contexte. Sur ce point, l’œuvre respecte totalement le contexte d’écriture des Nuits, même si l’humour casse ce sérieux sous jacent, faisant rester la narration dans la légèreté et le divertissement. Comme l’œuvre qui l’a inspiré, ce manhwa ne se limite pas à l’Arabie, mais explore les contrées asiatiques dans leur ensemble, et même au-delà. En effet, certains contes n’ont plus rien à voir avec les Mille et une nuits (Cléopâtre, Socrate), n’ayant pour but que de s’accorder au contexte de l’histoire principale. Au final, les Mille et une nuits revisité par les deux manhwagas ne suit pas exactement les contes de son grand frère, mais se base sur le même principe. A savoir, un personnage qui raconte des légendes et autres anecdotes dans un but bien particulier, que ce soit pour sauver sa vie ou alléger le cœur de celui qui l’écoute. Par les mots, Shéhara, au même titre que la belle Shéhérazade, fait découvrir au sultan, et donc au lecteur, des contes venus d’ailleurs. Une ambiance dépaysante, une morale à trouver, voilà le but des Nuits. Sur ce point, le manhwa suit totalement l’idéal de l’œuvre principale, ce que les mauvaises langues auront du mal à voir. Personne ne peut, actuellement, réinventer les Mille et une nuits telle que cette œuvre a été écrite. Une réinterprétation était inévitable, puisque les valeurs actuelles, le cadre, le contexte et les attentes des lecteurs sont fondamentalement différents depuis le changement d’époque.

              

            

            
D’un autre côté, et même si on voit bien que certaines situations, pour le bien du divertissement et pour ne pas tomber dans le documentaire, sont romancées, le respect des cultures est là. Le scénariste a pris soin de conserver les coutumes de l’époque et du pays, notamment sur la lutte turque, la position de la femme, les conditions de mariage … De plus, les explications à la fin de chaque tome permettent à Jun Jin Suk de revenir sur les points importants de notre lecture, approfondissant le mythe de Cléopâtre ou développant les contes et leurs origines … En parallèle, Han Seung Hee met un point d’honneur à dessiner, selon l’ambiance, des décors et des costumes totalement d’époques. Un peu arrangées pour l’esthétisme, les grandes lignes sont toutefois bel et bien là. Au final, on peut dire que les deux auteurs ne se sont pas lancés sans savoir dans ce manhwa, qu’ils ont pris soin de rendre un minimum crédible suite à l’immense renommée du titre original. Par contre, on peut remarquer qu’ici, les contes se terminent toujours avant la fin d’un volume. C’est sans aucun doute le point le plus décevant, car brisant le mythe de Shéhérazade et sa ruse, rendant le sultan moins sanguinaire. Cette omission rend la lecture moins sérieuse, et même les valeurs qui sont développées prennent moins. Les morales des différents contes passent parfois inaperçues au milieu de l’humour du scénario, qui se veut parfois un peu facile. A aucun moment, la tension que Shéhara aurait pu ressentir ne se montre, jamais sa vie ne nous semble compromise, et les contes arrivent finalement plus comme un divertissement que comme une nécessité. Là ou les « vraies » Mille et une nuits arrivaient à captiver, à tenir en haleine tant l’enjeu était important, et tant la narration était attendue, le manhwa inspiré de l’œuvre persane se fait plus banal, moins prenant. Le lecteur ne ressent pas ce besoin vital de continuer sa lecture, ce qui explique un petit manque scénaristique.
En dernier lieu, le manhwa ne se contente pas simplement d’amuser la galerie en rendant les contes plus accessibles : il développe des aspects de l’histoire auxquels l’on n’avait pas obligatoirement accès dans le conte original. Ainsi, on apprend plus en détails pourquoi le sultan aliéné tue toutes ces femmes, d’où lui vient cette folie. De plus, on accorde ici autant d’importance à Shahryar qu’à son conteur. Cela permet à Jun Jin Suk de tisser un semblant de dimension sociale et politique autour de ses protagonistes. De même, les sentiments de ce sultan sont tout aussi importants, puisque chaque conte et ramené à lui, afin que l’on comprenne l’évolution du personnage, qui prend ici plus d’importance que le simple rôle de bourreau. Au final, les intérêts seuls de Shéhara ne sont pas primordiaux, puisque l’auteur s’attache également à Shahryar, figure emblématique du pouvoir et de la démence. L’aspect romancé de l’œuvre permet donc de rentrer plus facilement dans l’histoire, de mieux l’apprécier et de comprendre les différentes figures des Mille et une nuits.
             
            


© by Jun Jin Suk and Art by Han Seung Hee. Originally published by Seoul Cultural Publishers, Inc.

Commentaires

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Chamine

De Chamine [1437 Pts], le 15 Août 2009 à 12h17

19/20

Bravo pour le dossier (j'avais écrit soddier xDD) ma choupi ! Il est magnifique tout comme le manga, tu sais à quel point je l'adore.

A mort Kami, je veux la suite !

Gaby123

De Gaby123 [0 Pts], le 27 Juillet 2009 à 20h09

Ce manga est vraiment trop bien!!!!!!! Les histoires que raconte Shéhara sont intéréssantes et la relation entre lui et le sultan devient de plus en plus ambigüe =)!!!! J'espère qui aure plus et affinité lol =)

H SHRA

De H SHRA, le 20 Juillet 2009 à 09h30

Si le volume 6 ne tardait pas tant à sortir (on l'attend depuis 1 an), je vous conseillerai de vous précipiter dans votre librairie pour l'acheter.

Mais là je ne peux que vous le déconseiller sachant que l'on n'a aucune explication sur ce retard et que l'on n'est même pas sur d'avoir la fin.

Dons à moins d'être MASO passer votre chemin

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