Lou et l'île aux Sirènes - Actualité manga
Dossier manga - Lou et l'île aux Sirènes

La technique originale et généreuse made in Yuasa


Ce qui frappe en premier lieu quand on commence à regarder Lou et l'île aux sirènes, c'est évidemment, et comme souvent avec Masaaki Yuasa, sa technique et son animation qui ne ressemblent à aucune autre. Petit tour d'horizon de cet aspect du film.


Moins de folie ?


On ne le répétera jamais assez, l'originalité et l'audace visuelles sont des marques de fabrique chez Masaaki Yuasa, il l'a prouvé à chacune de ses œuvres, et dès son premier film Mindgame où il expérimentait beaucoup de choses sur le plan technique. Si bien que même s'il est largement reconnu par nombre de fans et par la critique, le réalisateur est également réputé pour ne pas être toujours facile à appréhender. Avec Lou et l'île aux sirènes,  il a souhaité atténuer cette image d'artiste « compliqué » pour toucher un public un peu plus large, si bien que l'on peut dire sans problème que Lou est, à ce jour, son film le plus grand public.

Pour cela, Yuasa a donc fait quelques choix en particulier, à commencer par le choix de Yôko Nemu au character design original. Celle-ci apporte, dans son trait, quelque chose de plus réaliste et sensible au niveau des personnages humains.

L'un des « dadas » de Yuasa habituellement est aussi de jouer énormément sur les perspectives, qu'il se plaît à tordre pour accentuer certaines choses : les rendus des coups dans Ping Pong the Animation, l'ambiance assez dingue et presque psychédélique dans Mindgame... Cette fois-ci, les jeux sur les perspectives sont moins nombreux et moins en vue. Ils sont encore présents bien sûr, mais Yuasa les exploite moins.

Faut-il alors déjà en conclure que le réalisateur s'est « assagi » ? Certainement pas, et nous allons voir pourquoi.
  
  

Flash !


Comme déjà dit, Yuasa est un artiste qui aime se lancer des défis, et ici l'un de ses défis était de travailler avec une équipe réduite et des moyens plus ou moins limités, mais sans abaisser pour autant la qualité.

Un choix de technique d'animation est donc venu à son esprit : l'animation flash. Oui oui. Un type d'animation parfois réputé pour ne pas permettre beaucoup de nuances. C'est mal connaître Yuasa et son équipe, qui ont décidé que quitte à faire du flash, autant faire du flash à fond, en repoussant les limites de cette technique.

Et le résultat prouve d'emblée toute sa valeur : constamment, l'animation de Lou et l'île aux sirènes brille par sa fluidité exemplaire qui ne s'embarrasse pas du superflu. Les lignes très claires filent à toute allure sur l'écran pour un dynamisme qui ne retombe jamais, la simplicité des visages (autant humains que non-humains) ne fait que renforcer leur expressivité, l'équipe peut se permettre de rapetisser et d'agrandir les éléments comme elle veut tout en conservant une parfaite limpidité, et l'ensemble n'est jamais saccadé (là où une animation plus classique souffre parfois de saccades).

Le choix du flash a également permis à l'équipe du film d'offrir un rendu des couleurs particulièrement vif, soigné, et parfois délicieusement original. Ca se voit dès l'affiche, Lou et l'île aux sirènes est un long métrage hyper coloré, ces couleurs donnent souvent l'impression de danser comme les personnages, et le résultat en met plein les yeux à quiconque veut de l'animation un peu plus originale.

Un élément témoigne bien de ce que le flash permet dans le film : l'eau, évidemment très présente. Déjà, Yuasa s'est offert une petite originalité, avec une eau qui paraît plus verte que bleue. Concernant la raison de ce choix, Yuasa l'a expliqué ainsi : dans le film l'eau est liée à la malédiction du dieu Ombre (la falaise qui prive la ville de la lumière du soleil), ainsi qu'aux pouvoirs des créatures marines, et il a donc choisi de lui offrir une couleur inhabituelle avec une couleur verte faisant penser à de la poudre pour le bain. C'est aussi l'animation flash qui a permis au réalisateur d'offrir avec fluidité une forme sous divers angles à cet élément qui d'habitude n'en a pas : en effet, dans le film, sous l'impulsion des pouvoirs des créatures marines (dont Lou fait partie), l'eau se retrouve plusieurs fois « découpée » en forme de plusieurs carrés et rectangles qui peuvent même s'envoler dans les airs. C'est un peu comme si on avait des aquariums remplis d'eau... mais sans les aquariums. En plus de bien représenter les pouvoirs des créatures marines et leur nature surnaturelle, cette idée offre quelques merveilleux moments d'animation et confère à l'eau encore plus d'intensité. D'ailleurs, notons que ce n'est pas la première fois que Yuasa dessine de « l'eau cubique » : il avait déjà pu essayer un peu ça en 1988, sur le 19e épisode de Hinyari Hiehie Mizu Nendô, puis plus tard sur le court-métrage Slime Adventures.
  
  

Des idées de design inventives


Au delà des designs humains réalistes de Yôko Nemu, le film jouit tout de même d'un sacré paquet de petite idées de design assez délicieuse, qui confèrent tout de suite un côté plus fou et fun. A commencer par les idées que Nemu a elle-même apportées : la robe en algues de Lou, et sa coiffure où des petits poissons nagent bien souvent, ce qui fait d'ailleurs que sa chevelure n'est absolument jamais statique (animer ce genre de détail est encore une belle preuve de toute l'application de l'équipe pour offrir quelque chose de généreux jusqu'au bout).

Mais on peut aussi penser à la dégaine assez géniale du père de Lou, sorte de gros requin en costard, qui a donc un petit côté mafieux renforçant l'effroi qu'il peut susciter quand on le rencontre.

On peut également souligner la semi-transformation des chiens, qui deviennent des sortent de « sirènes canidés » à la fois délirantes et irrésistibles.
  
  

Le sens du détail dans les backgrounds


L'animation flash est au poil, les designs sont réussis, mais pas question pour autant de laisser en plan les décors, qui profitent eux aussi d'un grand soin. C'est un aspect qui se remarque bien, surtout à travers une chose : la petite ville de Hinashi elle-même.

D'emblée, notons que le mot « Hinashi » (un nom trouvé par Reiko Yoshida) signifie grosso modo « lieu sans soleil », ce qui colle bien à cette cité où la lumière du soleil n'arrive jamais à cause de la grande falaise. Le staff a donc imaginé une ville prise sous cette falaise, comme étouffée par celle-ci. Une ville coincée par cette falaise d'un côté, par l'eau de l'autre, et par un ciel sans beaucoup de lumière au-dessus.

Plutôt que de prendre une ville existante (en existe-t-il seulement une qui corresponde à ces critères, de toute façon), Yuasa a inventé Hinashi en regroupant plusieurs images d'autres villes où on aurait pu se rendre, un peu comme une mosaïque. Ce qui donne certains coins particulièrement riches : le port qui se base sur Nagoya, les échoppes qui s'inspirent de Kurashiki...

Dans cette ville, une soin particulier a été accordé à un autre lieu : la maison de Kai et de son grand-père, une bâtisse de pêcheur tout en bord de mer, comme si elle flottait sur l'eau, ce qui permettra évidemment à Lou de lui rendre facilement visite, et de dynamiter un peu une chambre fourmillant de petites choses. Pour cette maison, l'équipe s'est basée sur des demeures sur l'eau traditionnelles situées à Ine, dans la préfecture de Kyoto, avec le rez-de-chaussée servant de garage et le bateau sortant directement sur la mer. Yuasa s'est aussi inspiré de l'ancienne villa d'Izumiya (surnommée la « Gaudi House », située sur une pente escarpée à Onomichi dans la préfecture de Hiroshima.

Là aussi, il fallait bien soigner les spécificités de la ville, car elle est un peu un personnage à part entière. Et comme ses habitants, peut-être pourra-t-elle briser le « mur » qui est face à elle, qui l'enserre et l'étouffe.
  
  

Quelques scènes dingues


On a dit plus haut que le rendu du film pouvait paraître un peu moins fou que ce dont Yuasa est capable d'habitude... mais peut-être est-ce pour mieux contraster avec certaines en particulier qui en ressortent plus dingues : on pense ici avant tout aux passages de danse, qui sont orgasmiques. Dès que la musique est là, Lou se met à danser avec une vivacité et un bonheur complètement communicatifs ; Tellement communicatifs que son pouvoir se répercute sur son entourage, et que les gens peuvent soudainement se mettre à danser dans tous les sens sans sa contrôle ni pouvoir s'arrêter, mais en y prenant clairement leur pied. A ces moments-là, on trouve le Yuasa qui aime jouer sur des vues folles et des perspectives super chouettes, quitte à même apporter un petit côté cartoon. Et ces scènes en particulier sont, en plus, d'une importance capitale dans l'intrigue, car c'est à ces moments-là qu'on voit le mieux les gens se lâcher et prendre leur pied, en brisant le « mur invisible » que leur impose leur ville tristement située. Il fallait donc particulièrement les faire ressortir, et c'est chose faite.
  
  
  

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