Lollipop - Actualité manga
Dossier manga - Lollipop

Un zeste de réalisme qui fait toute la différence

 
Mais que deviennent les heureux gagnants des loteries ? L’euphorie retombe bien vite lorsque l’on pense sérieusement à ce que l’on va faire de tout cet argent. On dit souvent que l’argent ne fait pas le bonheur, mais qu’il y contribue. C’est également un des messages que dégage Lollipop. Car c’est grâce à cette loterie que la vie de Madoka va changer du tout au tout.
Madoka est issue d’une famille très modeste. Au départ, elle et ses parents vivaient dans un petit appartement vétuste. On imagine que grâce à l’argent, ils décideront de vivre comme des rois. Le jour de chance arrive, et l’héroïne est tellement heureuse qu’elle ne sait même pas ce qu’elle aimerait faire pour profiter de cette somme! C’est la décision de ses parents, ou plutôt de sa mère, qui change sa vie. Aller vivre chez des gens qu’on ne connaît pas… dans une annexe… après tout, ça a du bon ! Les parents ne sont plus là pour nous embêter, et surtout, c’est comme si on avait son propre appartement. Mais c’est davantage un sentiment d’abandon que Madoka ressent lors de son arrivée au sein de la famille Asagi. La mère, froide, le fils dans les jupes de celle-ci… seul le père a l’air réjoui, mais voilà qu’il est toujours absent. En voyant cela, la première idée qui nous vient à l’esprit est la tristesse que peut ressentir Madoka. Seule dans cette pièce inhabitée, elle est loin de se réjouir de la situation. Mais Ricaco Iketani n’en fait pas tout un plat, et ne s’éternise pas sur les sentiments négatifs. Elle insiste plutôt sur la nouvelle vie de l’héroïne, son environnement, et sur les rencontres qu’elle y fait.

Les parents de Madoka sont très différents des Asagi. Ils exhibent un manque d’éducation certain, et surtout, une puérilité envahissante. Ils manquent parfois tellement de sérieux qu’on a l’impression d’avoir affaire à deux adolescents. Eux qui n’ont pas été sérieux à l’école veulent reprendre leurs études pour essayer de tout recommencer à zéro. Cette loterie est pour eux une nouvelle chance, celle de pratiquer un métier prestigieux, qui changera le regard des autres sur eux.  Mais ils devront apprendre à ne plus s’amuser, et à sacrifier leur temps à étudier afin de pouvoir entrer dans une fac de médecine, et de réaliser leur rêve. C’est la décision de la mère de la jeune fille. Malgré son caractère bien trempé (au fil de la lecture, on s’apercevra que sa fille a le même !), elle sait se poser et réfléchir sérieusement. Tandis que le père, qui manque totalement de maturité, se contente uniquement de suivre sa femme, croyant avoir le même rêve, et être capable de l’atteindre. Lui qui aime sa famille, est tout de même très déstabilisé. Sa fuite avec la mystérieuse Lili en est la preuve. Auprès de sa maîtresse, il n’avait pas retrouvé sa sérénité, et versait des torrents de larmes lorsqu’il pensait à sa femme et à sa fille. On ne sait pas exactement ce qu’il cherchait à éviter pendant cette période. Il voulait probablement tout simplement revenir en arrière, retrouver le temps où toute la famille était réunie. C’est sans doute le personnage qui vivra le moins bien cette nouvelle situation : la richesse. Il l’aurait très certainement vécue plus facilement si sa femme avait décidé de prendre du bon temps avec l’argent, et de le dépenser pour s’amuser. 
C’est la mère de Madoka qui semble être la plus proche de sa fille. Elle n’hésite pas à aller la voir, et c’est toujours elle qui lui parle des problèmes que son couple endure. Dans ces moments, elle a réellement l’allure d’une mère responsable et consciente des enjeux que la situation actuelle peut engendrer. Elle semble prête à mettre en péril son couple pour accomplir son rêve. Mais son point faible est l’amour ! Malgré les coups de gueule et les prises de bec, cette femme est éperdument amoureuse de son mari. Elle a confiance en lui, lui pardonne pour son adultère, et sait que celui-ci reviendra toujours lorsqu’il quitte le domicile. Ricaco Iketani réussit ainsi à mettre en place un couple atypique. Il fait partie du côté humoristique de la série, tout en montrant au lecteur l’affection d’une mère, et surtout, que celle-ci n’est pas infaillible. On ne connaît pas le passé de la mère de Madoka. On sait uniquement qu’elle n’était pas sérieuse, ni au collège ni au lycée, et qu’elle a arrêté très vite de suivre les cours. On ne connaît pas du tout son contexte familial pendant son enfance et son adolescence ; les raisons de ce manque de sérieux nous sont alors totalement obscures. Mais ce qui est sûr, c’est que cette femme veut profiter de cette opportunité qui s’offre à elle. Elle devient alors comme toutes les étudiantes à la poursuite de leur rêve : sérieuse, et surtout, déterminée. Pour elle, quitte à mettre sa famille de côté, une seule chose compte : les études, et la réussite.

Les parents de Tomoyo sont totalement à l’opposé de ceux de Madoka. Dans un sens, on peut se dire que chacun en tire son parti : le garçon a la stabilité familiale (ou une apparente stabilité) que Madoka n’a pas, et de l’autre côté, la jeune fille a la liberté dont lui est privé.
A défaut de ne pas connaître le père, c’est Madame Asagi qui nous semble la plus étrange. D’apparence froide, on croirait croiser un fantôme dans un couloir à son passage. Le visage toujours figé, la coiffure parfaite, les vêtements bien ajustés, cette femme pourrait aisément faire bonne figure. Elle est bonne cuisinière, très polie, semble être une compagne parfaite. En apparence… En effet, cette femme, si propre sur elle-même, a un caractère qui ne colle pas avec ce qu’elle laisse paraître. Hyper possessive, elle protège son fils du mieux qu’elle peut. Celui-ci est dans un très bon collège, affilié à un lycée prestigieux, afin qu’il suive le meilleur enseignement. Madame Asagi, qui a effectué ses études dans une université très côté, désire que son fils suive ses pas. Tout comme pour les parents de Madoka, on ne connaît pas son passé. Mais l’auteure nous laisse supposer qu’elle a suivi une éducation exemplaire, stricte, et que son union avec son mari est le résultat d’un mariage arrangé. Le comportement de Madame Asagi envers son fils est surprenant. Celle-ci lui défend de parler à Madoka, car la jeune fille n’est pas digne de lui. En effet, elle aimerait que son fils ne fréquente que des personnes élevées selon des codes bien précis, issues de bonnes familles. Elle n’hésite pas à qualifier les parents de Madoka de délinquants, et dénigre leur fille. Malgré tout, on pourrait tout d’abord trouver son comportement envers elle ambigu, puisqu’elle veille à ce qu’elle ne manque de rien. Mais en y réfléchissant plus longtemps, l’éducation de cette femme est certainement plus forte que tout, et l’oblige à bien se tenir. De plus, c’est le meilleur moyen qu’elle ait pour que la jeune fille ne s’introduise pas chez elle.
 


Le père de Tomoyo, lui, est toujours absent. On ne le voit que très rarement. Le peu de fois où l’auteure le représente, son visage est caché, dissimulé, ou alors, il a la tête baissée sur son travail. Il ne parle que très peu, dit ce qui est nécessaire d’annoncer, pas une parole de plus, ni de moins. Ce personnage est à l’image des pères qui n’ont d’yeux que pour leur travail. Ils rapportent l’argent à la maison et veillent au bien-être financier du foyer. Le père ne connaît pas son fils, et vis-et-versa. Il ne trouve pas anormal que celui-ci ne soit pas présent, comme tous les ans, aux fêtes de Noël, et ne semble pas être attristé par cette première séparation. Pour lui, Tomoyo est un adolescent qui fait des choses de son âge. Ricaco Iketani place ici le doigt sur un fait de société très fréquent au Japon. Ce père, débordé par son travail, ne voit plus sa famille de la même manière que lors des premières années. Sa femme se transforme en robot, une machine parfaite pour les tâches ménagères et élever les enfants. Son fils, lui, n’est qu’un adolescent comme les autres, et n’a aucune singularité. Monsieur Asagi ne rentre pas souvent à la maison. Il est toujours en déplacement, et le peu de temps qu’il passe auprès de sa famille, il l’utilise encore pour son travail. On remarque que ce travail est en réalité toute sa vie, on le suppose tout au moins. Car il est intéressé, et surtout, passionné. Malgré le fait que l’auteure ne nous dévoile presque rien de ce personnage, elle n’oublie pas de mentionner le fait que quelques années après les années de collège de Tomoyo, l’annexe est occupée par ses objets de collection. Pourtant, lorsque Madoka était arrivée dans l’annexe, elle y était à l’aise. Dorénavant, le travail de Monsieur Asagi a pris tellement de place qu’il envahit même la vieille annexe.

C’est en retraçant les portraits de Monsieur et Madame Asagi qu’on se pose de réelles questions sur le couple. Il s’oppose en tous points au couple Goto, Il va de soi que la personnalité de Madame Asagi, choquante, nous laisse beaucoup de questions sans réponses. Ricaco Iketani choisit de nous laisser trouver seul les solutions aux problèmes. La même question revient sans cesse : pourquoi trompe-t-elle son mari ? Pourquoi le fait-elle avec un garçon si jeune ? L’adultère de Madame Asagi va totalement à l’encontre des valeurs qui l’animent. Elle ne trahit pas uniquement sa famille, mais toute son éducation est remise en question. Cette femme n’est qu’apparences. Le lecteur ne comprendra jamais ses actes, une incompréhension qui nous laisse sur notre faim, il faut l’avouer ! Seules des hypothèses étayeront nos quelconques raisonnements, inutiles, car sans certitude. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que cette femme est loin d’être heureuse. Elle qui déteste tant les Goto, les envie très certainement. Car leur mariage est d’amour, et leurs sentiments sont toujours présents. Ils se battent pour réaliser leurs rêves, chose qu’elle n’a certainement pas eu l’occasion de faire de toute sa vie. Madame Asagi est une femme frustrée, qui en veut à tous ceux qui ne vivent pas à sa manière. Elle ne doit pas aimer son mari, mais a certainement accepté ce mariage arrangé par commodité. Certes, aujourd’hui, elle a le confort matériel, la famille, mais aucun amour. En l’adultère avec un garçon beaucoup plus jeune qu’elle, Madame Asagi vit ainsi la vie amoureuse des adolescentes. Elle se laisse bercer dans les bras de celui qu’elle aime ou croit aimer, chose qu’elle n’a pas avec son mari.

Bien entendu, Lollipop est également marquée par des adolescents qui bien souvent, nous en mettent plein la vue. Ricaco Iketani traite leurs problèmes de façon assez légère tout d’abord, puis leur donne plus de consistance au fur et à mesure que l’histoire avance. Dans les premiers volumes de la série, Ono, Tomoyo et Madoka ont chacun leurs tracas. Très banals, ils ne nous interpellent pas réellement. On s’attend à être confronté aux expériences que tous les adolescents traversent. Mais finalement, l’auteure choisit des sujets plus difficiles à traiter, sérieux, qui auraient pu mettre en péril le scénario. En effet, un lycéen qui entretient une relation avec une femme plus âgée, et une jeune fille enceinte, voilà des évènements peu réjouissants, qui peuvent nuire à la série s’ils ne sont pas abordés de façon subtile. Ricaco Iketani use ici de finesse pour venir à bout de ses ambitions. Elle ne fait pas de cette relation sans lendemain un épisode triste, ni plein d’espoir, dans lequel les deux amoureux se disent adieu, en espérant pouvoir recommencer plus tard. Non, c’est d’une façon plus réaliste que la mangaka organise cette relation. Tout d’abord, on remarque qu’elle ne nous donne aucun détail. On connaît uniquement les acteurs de la scène, sans certitude au départ. Puis, sans savoir pourquoi, sans connaître les raisons qui guident chacun d’eux, on suppose que cette relation est forte, et passionnée. Mais finalement, il ne faut pas aller trop loin, et voir plus qu’on nous en montre. Car cet amour impossible n’est réel que pour un seul des membres du couple. L’auteure ne nous laisse aucun discours, pas de long monologue désespéré, pas de larmes ou de cris, rien. C’est peut-être de cette façon que de telles choses se déroulent parfois dans la vie des lecteurs. Encore faut-il l’avoir vécu, ou vu, pour s’en rendre réellement compte. Mais ce silence, ce manque de romantisme et de fatalisme est finalement une arme afin de livrer le lecteur à lui-même, et de le laisser réfléchir sur cette situation. Il s’interroge encore, sans trouver de vraies réponses. Toutes ces incompréhensions font le charme de la lecture, et rendent ces épisodes réels. Car dans notre quotidien, on ne trouve jamais réponse à tout.
Dans le même ton, Misaki est un personnage intéressant. On ne connaît pas cette jeune femme. La seule choses que l’on sait, c’est qu’elle est fille-mère. Dans la vie de Madoka, cette nouvelle est un bouleversement. En effet, elle qui menait une vie plutôt paisible, est ici confrontée à une situation qui pourrait lui arriver un jour : être enceinte si jeune. On ne sait pas si la jeune fille a décidé de garder le bébé, ou si elle s’en était rendu compte trop tard. Tout ce qu’on constate, c’est que cet élément a tout d’abord brisé deux familles, pour finalement, les renouer de nouveaux, d’un lien encore plus fort. Ricaco Iketani, réussit une fois de plus à transformer une situation problématique en un soulagement. C’est ainsi que l’on ne tombe jamais dans la caricature, ou dans l’excès. L’auteure sait rester simple.
   
  
  
  
 

BITO LOLLIPOP © 2006 by Ricaco Iketani / SHUEISHA Inc.

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