Le tombeau des lucioles - Actualité manga
Dossier manga - Le tombeau des lucioles
Lecteurs
20/20

Un bonheur qui se délite, ces sourires qui nous accablent

     
Comme dit auparavant, ce n’est pas tant la mort des deux enfants qui importe dans Le tombeau des lucioles, mais plutôt leur art de vivre dans cet univers totalement hostile. Le bonheur que Seita met en place, la vie qu’il aménage pour Setsuko, autant de détails qui charment le lecteur bien plus que les larmes de deux orphelins. C’est ce bonheur, criblé des rires éphémères des personnages, qui nous fait mal, qui souvent amène la larme à l’œil. La poésie qui se dégage de chaque sourire dans ce monde si triste et ravagé, voilà quelque chose que Takahata a mis en œuvre brillamment. En effet, Seita reconstruit le monde pour Setsuko. Cela passe par des détails comme l’achat d’une grande quantité de riz, les déplacements dans une carriole qu’il tire lui-même, les bonbons de la boîte si précieuse, les lucioles qui volent tout autour de ce qui sera le tombeau de Setsuko … On retrouve des petits riens qui les font sourire et qui, au fur et à mesure, nous accablent. C’est la fulgurance de cette vie simple mais satisfaisante, suivie de la décroissance d’un bonheur qui tombe en morceau, que le réalisateur a mis en œuvre pour nous toucher. Les efforts de Seita pour préserver le rire de sa sœur, celle-ci qui se prête au jeu … Pour créer autant d’effet, Takahata jongle perpétuellement entre la difficulté d’une situation réelle et la vision que Seita en a ainsi que la manière dont il la présente à sa sœur. L’alternance inévitable entre l’horreur et la tendresse est un réel coup de maître, tant cela parvient à rendre l’un cruel tandis que l’autre est sublimée, porteuse d’espoir totalement vain. C’est avant tout le destin connu des enfants qui permet de s’émouvoir devant leurs bonheurs quotidiens. Car alors on les sait condamnés, et l’on s’aperçoit que tous leurs efforts pour rendre le monde plus beau ne marcheront que peu. C’est Seita qui, par la phrase culte « le 21 septembre 1945, je suis mort » nous annonce la couleur, car on sait alors que Setsuko n’a pas survécue non plus.

Visionner Le tombeau des lucioles, c’est plonger au cœur du renoncement, au cœur de la connaissance qui ronge, qui fait mal. C’est observer tant de joie qui permet seulement à Setsuko et son frère de survivre un peu plus, c’est manifester une colère indicible face à la chute de Setsuko tandis qu’elle garde le sourire, c’est avoir envie de pleurer en entendant le son cristallin d’un éclat de rire d’enfant. Notamment lors des scènes de lucioles, on l’on voit l’émerveillement passer sur leurs visages pour disparaitre progressivement, ou encore lorsque Setsuko réclame des bonbons. Seita s’acharne à faire durer ce petit plaisir le plus longtemps possible, afin de préserver le contentement de sa sœur, afin de ne jamais avoir à lui dire que « c’est fini ». Cette boîte est un symbole presque aussi fort que le sont les premières minutes du film. Si l’on considère que la mort n’est pas une fin en soi, grâce aux fantômes des deux enfants, le film n’en est pas plus facile à voir. Car les voir rêver au bonheur, c’est également savoir qu’ils n’y auront jamais tout à fait droit. De plus, Takahata passe au dessus de la mort de Seita et Setsuko, puisque ce moment est très peu mis en scène. Seule leur existence doit compter, et même la vie qui reprend son cours après le sacrifice de ces deux orphelins ne parvient pas à rassurer, bien au contraire. Savoir que nous, spectateurs, avons tant vibrés devant la sensibilité de ces enfants, devant leur courage et les épreuves à surmonter, alors que leur existence n’a importé à personne d’autre que nous … Rien n’a changé, rien ne changera après cette disparition de deux gosses dont une poignée de personne connaissait la présence. Enfin, le plus dur est sans doute de se dire que dans le film, Seita a rejoint sa sœur dans un monde meilleur, où rien ne les atteint, alors que le roman laisse partir l’équivalent de Setsuko toute seule vers la mort. Savoir que le frère et la sœur seront sans doute en paix une fois morts alors que les spectateurs auraient tellement envie d’un miracle pour les voir revenir comme avant, heureux … Tout cet ensemble de chose forme l’émotion incroyable qui se détache de la narration du film. Une émotion à la fois triste et joyeuse.

Il aura suffit de suivre le grand jeu de vie de ces enfants pour se rendre compte à quel point leur mort peut nous toucher. Seuls dans un abri vide de toute habitation, Seita et Setsuko jouent aux survivants, se délectent des plaisirs simples de leur nouvelle vie, sans pour autant se rendre compte que le rêve est bientôt fini et qu’il est temps d’ouvrir les yeux à la triste réalité. Même le respect des coutumes japonaises est un élément accablant, étant donné que cela rappelle la paix, la quiétude et les habitudes que les enfants peuvent avoir au contact de leurs parents. En résumé, la tristesse et la dureté de ce film ne viennent pas de l’horreur de la guerre en elle-même, mais des petites joies que l’on peut goûter pendant cette période, en sachant très bien que tout cela va se finir brutalement. Seita et Setsuko s’enfuient de plus en plus dans leur illusion, nous laissant loin derrière, à observer leurs sourires tristes de sens.
        
     
                
            

©1988 Akiyuki Nosaka / Shinchosha Company

Commentaires

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snoupiD

De snoupiD, le 10 Mars 2012 à 17h25

20/20

normalement j'aime pas les film d'animation japonais mais celuis là c'est un chef d'oeuvre

Tianjun

De Tianjun [5049 Pts], le 12 Janvier 2010 à 12h20

20/20

Un film magistral, je n'ai jamais autant pleuré devant un film, qui n'use pourtant pas d'artifice pour provoquer cette émotion grandissante. Et merci pour ce dossier, sublime, qui va au delà de l'émotion suscitée par le film pour l'explorer dans toute sa profondeur. Tout y est, et même plus encore. Peut-être ton meilleur dossier jusque là NiD =)

ZoroKurosaki

De ZoroKurosaki [557 Pts], le 08 Janvier 2010 à 20h37

Bravo pour ce dossier, j'espère qu'il va inciter beaucoup de gens à foncer acheter l'une des oeuvres les plus marquantes de ces dernières années ! ! !

kimhy

De kimhy [574 Pts], le 08 Janvier 2010 à 20h34

20/20

Magnifique film, réaliste mais sublime. Emouvant, qui donne au moins les larmes aux yeux. Du grand art ...

NiDNiM

De NiDNiM [912 Pts], le 08 Janvier 2010 à 20h14

Merci :D Et pour ceux qui passeraient par là et qui n'auraient pas vu le film, un seul ordre : REGARDEZ LE !

Le dossier n'est pas assez subjectif pour dire à quel point j'ai adoré ce film ...

MaTriX91

De MaTriX91 [407 Pts], le 08 Janvier 2010 à 19h58

20/20

Concernant le dossier : c'est un très beau travail. C'est ce qui fait que j'aime ce site (ainsi que les interviews et les critiques).

Concernant le film : c'est en effet une oeuvre majeure de l'animation. Elle happe le spectateur car elle narre une histoire des plus poignante qui ne tombe jamais dans le pathos. De plus, le tout est magnifiquement mis en valeur par une narration irréprochable qui capte et captive du début à la fin.

choopers

De choopers [242 Pts], le 08 Janvier 2010 à 19h31

20/20

un film très beau et triste, on verses au moins une larme. magnifique 

Yuukii-Chaan

De Yuukii-Chaan, le 08 Janvier 2010 à 18h18

20/20

Un film unique j'ai adorer (a en pleurer) c'est trop triste sachan que c'est vraimen arriveer 2o

Koiwai

De Koiwai [12693 Pts], le 08 Janvier 2010 à 16h12

20/20

Superbe dossier, qui analyse en profondeur un film qui le vaut bien ! Une fois de plus, chapeau Nid ^^

ZoroKurosaki

De ZoroKurosaki [557 Pts], le 08 Janvier 2010 à 14h47

20/20

Le film le plus bouleversant que j'ai vu, un chef d'oeuvre à voir au moins une fois dans sa vie...

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