Le tombeau des lucioles - Actualité manga
Dossier manga - Le tombeau des lucioles
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20/20

Une jeunesse qui grandit trop vite

  
Quand on est orphelin en temps de guerre, on apprend généralement assez rapidement comment vivre. Mais lorsqu’un gosse de 14 ans est livré à lui-même avec en plus sa petite sœur à charge, on ne peut que s’émerveiller devant sa force de caractère et la maturité qu’il obtient en quelques temps seulement. Dès le début du film, Seita semble relativement responsable et indépendant, mais l’autonomie lui fait encore défaut. Il protège efficacement sa petite sœur, mais a du mal à s’orienter seul dans cette nouvelle vie, sans personne pour veiller sur lui. Dans une telle situation, il devra oublier ses larmes et passer outre son chagrin afin de se montrer fort, un adulte robuste pour celle sur qui il doit veiller. Au début, le jeune garçon se réfugie chez sa tante mais mêmes entourés, les deux gamins restent désespérément seuls et livrés à eux-mêmes. Finalement, la décision de Seita de vivre par lui-même est un grand pas en avant, montrant qu’il est capable de prendre des décisions pour son bien et celui de sa sœur … Sans pour autant que cela soit le meilleur choix. En cela, Seita s’imposerai presque comme un anti héros qui met sa sœur en danger. En devant grandir trop vite, il a pris des risques et s’est mal orienté, avec orgueil, sans réfléchir aux avantages de courber l’échine. Malgré ses responsabilités, on voit bien que Seita reste encore grandement en enfance. En effet, ses réactions infantilisantes et sa maladresse dans les choix nous poussent à voir en lui un adolescent tout juste sorti du cocon familial. Ainsi, il a tendance à ne voir qu’à court terme, sans se projeter suffisamment dans l’avenir comme un adulte le ferait. On le voit bien lorsque, même chez sa tante, il achète du matériel de cuisine et par la suite, quand il dépense le riz sans compter. Vivant presque au jour le jour, ou tout du moins dans un futur proche, Seita grandit sans grandir, ce qui fait qu’il se responsabilise et comprend la culpabilité et le poids de ses actes alors qu’il est moralement incapable d’en assumer les conséquences, et surtout encore trop jeune pour s’orienter correctement.

Setsuko, quant à elle, est fortement bouleversée dans son développement. Tout comme son grand frère, elle est poussée vers un âge qui n’est pas le sien tout en restant fortement ancrée dans sa jeunesse. Alternant les moments de pleurs avec ceux de courage, son évolution est bien plus remarquable que celle de Seita, à travers le film. Au début capricieuse et spectatrice de son destin, sans comprendre ce qui leur arrive, Setsuko va peu à peu poser un regard critique sur leur situation et ravaler ses plaintes, sa colère et les larmes qui sont si naturelles pour son âge face au stress. Elle se replie peu à peu contre son frère, en oubliant le monde extérieur et pour surmonter sa peine, elle fera comme les grands : piétiner son chagrin. Setsuko fait preuve d’un courage et d’un calme insoupçonnés, même dans les derniers moments de sa vie. Et cette croissance nous touche d’autant plus que la petite fille qu’elle était au début du film et qu’on croyait voir mourir n’est plus vraiment. A la place, on découvre une fillette pleine de détermination, de patience et de justesse dans ses appréciations. C’est comme si l’on avait l’occasion de la redécouvrir pour la voir mourir une deuxième fois, et c’est là toute la tragédie du film. Aucun espoir ne vient démentir cette fin cruelle, et les personnages que l’on a tant vu évoluer, s’améliorer, se forger le caractère, disparaissent bien à la fin du film, et ce coup au cœur est d’autant plus fort que l’on ne pouvait que l’attendre, au fur et à mesure que l’on s’attachait aux personnages. Mais au final, c’est surtout cette évolution qui compte, dans Le tombeau des lucioles. La mort de ces deux enfants importe peu face à leur vie, et c’est sans doute ce que Takahata voulait faire passer en sublimant ainsi les protagonistes d’une histoire qui, d’emblée, se terminait mal. Le parcours de deux enfants dont on connait déjà le dénouement est plus intéressant que la fin en elle-même, et à ce niveau là de la narration, le spectateur ne peut qu’être comblé. La transformation de Seita et Setsuko est émouvante, pleine de sens, douloureuse et chargée de surprise. Après tout, ce n’est pas le but qui importe, mais la manière dont on y est arrivé.

L’enfance face à la guerre, voilà ce que le réalisateur veut avant tout mettre en avant, à travers la dureté réaliste d’un conteste de guerre et de précarité. Confronter l’humain à la terreur permet de le sublimer, de faire ressortir ce qu’il y a de meilleur en lui … Si c’est vrai dans le sens où toute cette histoire bouscule la croissance et le développement normal du frère et de sa sœur, c’est moins vrai dans le sens où Seita n’en est pas devenu un héros exemplaire. Sa naïveté, son ignorance et son orgueil le trompent souvent, le font dériver et prendre de mauvaises décisions, en ce qui concerne la sécurité de sa sœur. Il aurait par exemple mieux valu ne pas jouer au grand et s’en remettre à une tante acariâtre le temps de grandir naturellement et simplement, afin d’assumer complètement Setsuko sans faire d’erreur. Takahata livre une image réaliste de Seita, qui rappelons le incarne un personnage réel : l’auteur du toman La tombe des lucioles. Celui-ci ayant fait passer toute sa culpabilité face à la mort de sa sœur, le réalisateur reprend Seita, non pas comme un gosse s’élevant et parvenant à dépasser les obstacles par sa force de caractère et sa maturité, mais comme un enfant ayant voulu se jeter dans le monde des grands un peu trop rapidement. Être confronté à sa mère enrobée de langes sanguinolents, voire son village dévasté, vivre dans l’incertitude du lendemain, devoir se comporter en adulte parfois cruel (voler de la nourriture) … Tout cela est bien trop lourd pour un gamin de 14 ans, et l’on ne peut que se demander ce que nous, au chaud sous la couette, nous aurions pu faire. Alors oui, Seita et Setsuko grandissent trop vite, oui la guerre a volé la jeunesse de deux enfants sacrifiés, comme tant d’autres. Mais ceux-ci conservent toujours une part de pureté et de maladresse qui les relie à leur âge, ne serait ce que dans leur apparence insouciante de fantômes, revenus à la vie le temps d’un film.
    
    
                  
                     

©1988 Akiyuki Nosaka / Shinchosha Company

Commentaires

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snoupiD

De snoupiD, le 10 Mars 2012 à 17h25

20/20

normalement j'aime pas les film d'animation japonais mais celuis là c'est un chef d'oeuvre

Tianjun

De Tianjun [5049 Pts], le 12 Janvier 2010 à 12h20

20/20

Un film magistral, je n'ai jamais autant pleuré devant un film, qui n'use pourtant pas d'artifice pour provoquer cette émotion grandissante. Et merci pour ce dossier, sublime, qui va au delà de l'émotion suscitée par le film pour l'explorer dans toute sa profondeur. Tout y est, et même plus encore. Peut-être ton meilleur dossier jusque là NiD =)

ZoroKurosaki

De ZoroKurosaki [557 Pts], le 08 Janvier 2010 à 20h37

Bravo pour ce dossier, j'espère qu'il va inciter beaucoup de gens à foncer acheter l'une des oeuvres les plus marquantes de ces dernières années ! ! !

kimhy

De kimhy [574 Pts], le 08 Janvier 2010 à 20h34

20/20

Magnifique film, réaliste mais sublime. Emouvant, qui donne au moins les larmes aux yeux. Du grand art ...

NiDNiM

De NiDNiM [912 Pts], le 08 Janvier 2010 à 20h14

Merci :D Et pour ceux qui passeraient par là et qui n'auraient pas vu le film, un seul ordre : REGARDEZ LE !

Le dossier n'est pas assez subjectif pour dire à quel point j'ai adoré ce film ...

MaTriX91

De MaTriX91 [407 Pts], le 08 Janvier 2010 à 19h58

20/20

Concernant le dossier : c'est un très beau travail. C'est ce qui fait que j'aime ce site (ainsi que les interviews et les critiques).

Concernant le film : c'est en effet une oeuvre majeure de l'animation. Elle happe le spectateur car elle narre une histoire des plus poignante qui ne tombe jamais dans le pathos. De plus, le tout est magnifiquement mis en valeur par une narration irréprochable qui capte et captive du début à la fin.

choopers

De choopers [242 Pts], le 08 Janvier 2010 à 19h31

20/20

un film très beau et triste, on verses au moins une larme. magnifique 

Yuukii-Chaan

De Yuukii-Chaan, le 08 Janvier 2010 à 18h18

20/20

Un film unique j'ai adorer (a en pleurer) c'est trop triste sachan que c'est vraimen arriveer 2o

Koiwai

De Koiwai [12685 Pts], le 08 Janvier 2010 à 16h12

20/20

Superbe dossier, qui analyse en profondeur un film qui le vaut bien ! Une fois de plus, chapeau Nid ^^

ZoroKurosaki

De ZoroKurosaki [557 Pts], le 08 Janvier 2010 à 14h47

20/20

Le film le plus bouleversant que j'ai vu, un chef d'oeuvre à voir au moins une fois dans sa vie...

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