Le style aux multiples facettes de Gengoroh Tagame
Au vu des quelques couvertures et visuels généraux de l’œuvre de l'auteur, on peut voir que Gengoroh Tagame a un penchant pour les protagonistes masculins à la carrure solide. Une patte que l'on retrouve évidemment des ses œuvres érotiques, et que le mangaka marie très bien à sa poignante série, Le Mari de mon Frère. En effet, les personnages de Mike et Yaichi correspondent à ces critères. Ils sont costauds (point que le récit justifiera même en présentant le goût des deux hommes pour les salles de sport) et présentent des carrures que nous n'avons pas l'habitude de retrouver dans le manga, d'une manière générale, ce qui vient déjà apporter une certaine fraîcheur au style visuel présenté par la série.
On pourrait définir la patte de Gengoroh Tagame par son aisance à dépeindre le naturel et le touchant, de bien des manières. Les personnages présentent effectivement ses caractéristiques, d'abord parce que l'auteur s'efforce à dépeindre des expressions tout à fait crédibles et sans excès, ce qui contribue d'ailleurs à l'authenticité des émotions véhiculées par l’œuvre, et sa manière de jongler entre différentes styles pour les représenter. Les phases de dialogue montre des personnages complètement représentés, l'artiste prenant alors soin de travailler ses cadrages et les faciès de ses personnages. Difficile alors de ne pas succomber aux moues attendrissantes de Mike, aux regards plein de sympathie de Yaichi, ou encore aux mines réjouissantes de l'innocente Kana. En parallèle, les phases de narration, présentant une succession d'événement de manière rapide comme lors des voyages de la petite famille, va plutôt simplifier la représentation des personnages, leur donner une aura presque insouciante qui amène des moments de grandes légèreté. Tout un cocktail de constructions graphiques qui développent le ton de l’œuvre et font du Mari de mon Frère une série si envoutante.
Enfin, dans l'optique de rendre le voyage de Mike réaliste et dépaysant pour le lecteur occidental, Gengoroh Tagame n'hésite pas à construire ses planches de manière très carrée, et dépeindre de manière crédible les différents environnements. La maison de Yaichi est ainsi criante d'authenticité, si bien qu'on croirait même y habiter nous-mêmes tout le long des quatre volumes. D'autres décors, de rue par exemple, présentent moins cet aspect architecturale, s'apparentant davantage à des photographies de paysages qu'aurait pris l'auteur. Le mangaka développe ainsi toute une quiétude supplémentaire autour des lieux, présentant des cadres paisibles, propices à la quête de Mike, revenant aux origines de son défunt mari.
Le Mari de mon Frère, chouchou des éditions Akata
Akata a séduit son lectorat avec le récit de Gengoroh Tagame qui a connu sa petite popularité. Du point de vue éditorial, la preuve la plus flagrante vient de la réalisation d'un coffret destiné à accueillir les quatre opus, une initiative que seul Orange, titre majeur de l'éditeur, s'était vu octroyée jusqu'à présent. Au final, Le Mari de mon Frère ressort au sein des mangathèques, le coffret lui conférant une aura particulière et noble, rendant alors la série indispensable pour les collectionneurs. La bonne idée de l'éditeur fut aussi de proposer deux moyens pour acquérir ce coffret : l'acheter tel quel avec l'ensemble de la série, ou ne contenant que le quatrième tome pour ceux qui auraient suivi le titre depuis son premier volet. Un choix qui ne laisse personne sur la touche, le meilleur possible.
L'autre grande surprise qui entoura la parution de l’œuvre, ce fut la venue de Gengoroh Tagame en personne, lors de l'édition 2017 du Festival International de la Bande-Dessinée d'Angoulême. L'occasion pour nous de rencontrer l'auteur qui nous offrit une interview très riche, mais surtout pour lui de rencontrer ses lecteurs de l’hexagone. Le mangaka fut particulièrement présent pour son lectorat, en atteste des séances de dédicace quotidiennes tout le long des quatre jours ainsi qu'une rencontre internationale. Le Mari de mon Frère ayant fait partie de la sélection officielle du festival. Cerise sur le gâteau, l'ex-libris exclusif réalisé par l'auteur et les éditions Akata à l'occasion de l'événement, à l'honneur du trio Yaichi, Mike et Kana.
Autour du manga
Le Mari de mon Frère a connu un franc succès au Japon. De nombreuses réimpressions, mais aussi le prix d'excellence au Japan Media Arts Festival dans la catégorie manga de l'édition 2015.
Si la question d'un anime ne semble pas avoir été posée, la série fera l'objet d'un court drama courant 2018. Le manga de Gengoroh Tagame sera transposé en une série de trois épisodes réalisée par Teruyuki Yoshida et Yukihiro Toda, ce dernier étant aussi en charge du scénario. Le casting se révèle ambitieux et intéressant puisque le rôle de Yaichi reviendra à Ryuta Sato, qui incarnait par exemple un touchant et attachant professeur Koichi Kawafuji dans la version live de Rookies. Pour le rôle de Mike, la direction artistique a orienté son choix vers Baruto Kaito, ou Kaido Höövelson de son vrai nom, ancien lutteur sumo originaire d'Estonie mais qui a mis fin à sa carrière en 2013. Un choix louable, par les traits occidentaux de l'acteur d'une part qui renforcera le côté gaijin du personnage, et sa carrure qui peut être sans mal comparée à celle de Mike, si on veut coller au manga le mieux possible. La petite Kana aura comme interprète Maharu Nemoto, jeune actrice aperçue dans Uchû Sentai Kyûrenja, et dans Kodomo Tsukai. Enfin, Yuri Nakamura, actrice qui a cumulé de nombreux rôles au cinéma et sur les petits écrans, incarnera Natsuki, es-femme de Yaichi.
A l'heure où ces lignes sont écrites, la diffusion est prévue pour mars 2018, sur l'antenne japonaise NHK BS Premium.
OTOTO NO OTTO © Gengoroh Tagame 2014 / FUTABASHA PUBLISHERS LTD.
De cicipouce [3179 Pts], le 11 Décembre 2017 à 17h35
Un excellent dossier pour une série émouvante et poignante que je ne regrette pas d'avoir acheté.
Je remercie d'ailleurs les Editions AKATA pour leur idée du coffret qui pour une fois regroupait tous les types de lecteurs.
De Paliko - Paliko, le 08 Décembre 2017 à 21h54
Un dossier tout bonnement excellent, du super boulot, bravo. Pas étonnant que ce livre ait du succès, et votre site aussi. Au risque de me répéter : Bravo.