Le Mari de mon Frère - Actualité manga
Dossier manga - Le Mari de mon Frère
Lecteurs
20/20

L'histoire d'une famille


Le second volet du Mari de mon Frère est sa capacité à nous parler de la famille, au sens le plus large du terme qui soit. Là aussi, la série cherche à ouvrir le sujet et le traiter de manière à créer une réflexion chez le lecteur.
Ainsi, le pitch de la série nous présente une famille monoparentale, Yaichi élevant seul Kana. A plusieurs reprises, le protagoniste accordera que sa situation sort du lot, mais que cela ne l'a jamais empêché d'aimer Kana et de s'en occuper comme tout parent qui se respecte, la petite fille elle-même se montrant aussi bien éduquée et épanouie que ses camarades. En résulte un message d'espoir assez fort pour ceux qui auraient vécu ces situations, au même titre que les témoignages qu'incarnent Katsuya et Katoyan, deux individus qui vivent leur homosexualité de manière différentes, font office d'ondes positives pour ceux qui se reconnaitraient dans ces cas de figure. La situation familiale de Yaichi est montrée encore plus complexe qu'en dehors de la figure du père, tout sort des rangs de la banalité : ses relations avec Natsuki, son ex-femme, sont au beau fixe si bien qu'on croirait même, parfois, que les deux n'ont jamais divorcé, tandis que le reste de la famille du côté de Yaichi est inexistant, du fait de la mort de ses parents et de son frère. Un constat peu joyeux de ce côté du tableau, mais qui met le message symbolisé par Yaichi : avoir quelques difficulté à assumer un enfant quand on est seul ne signifie néanmoins pas qu'on ne peut y parvenir.

Finalement, Mike vient apporter une pierre supplémentaire à l'édifice familial si particulier de Yaichi et Kana. En tant qu'oncle de la jeune fille, et beau-frère de Yaichi, le canadien a sa place au sein de la demeure. Tout le long du récit, l'auteur va situer Mike en tant que membre à part entière de la famille en l'intégrant, et en donnant la sensation d'un véritable foyer, un portrait développé au fil des volumes. Difficile de voir en Mike un simple ami de passage tant les liens qu'il nouera avec Kana et Yaichi seront d'une grande force, et qu'il aura son propre rôle à jouer pour consolider les liens familiaux. En effet, avant l'arrivée de Mike, la dimension familiale, en ce qui concerne Yaichi, est très fragile, la faute à une mort prématurée de ses parents et le décès d'un frère dont il s'était beaucoup trop éloigné. Outre le fait que les deux jumeaux aient pris de la distance après que Ryôji ait fait son coming-out, l'auteur développe simplement l'idée que le temps peut briser une famille, si on n'y prête pas attention. Le fantôme de l'absence de Ryôji se montrera de plus en plus présent sur Yaichi, au fil de la série, si bien que l’œuvre de Gengoroh Tagame sera aussi l'histoire du deuil du protagoniste, et une manière pour lui de rattraper le temps perdu en découvrant un frère qu'il n'a plus connu après un certain âge de leur existence. En quelque sorte, Mike est le tonton de Kana, le beau-frère de Yaichi, mais aussi celui qui apportera plus de lumière à la famille du protagoniste. En dehors de tout message social, ce simple pan de scénario prend des allures de fable humaine, dépeint avec beaucoup de force.




La bonne humeur au quotidien


Le Mari de mon Frère est une série dans laquelle on se plonge et qu'il est difficile de quitter pour plusieurs raisons. Ses thématiques fortes et superbement narrées, d'abord, mais aussi l'ambiance global du manga, cette convivialité permanente qui se dégage de la demeure de Yaichi, dès l'arrivée de Mike (et dès lors que le protagoniste prend conscience de ses erreurs de raisonnement). Gengoroh Tagabe est habile dans sa manière de dépeindre le quotidien de cette poignée de personnages comme celui d'un famille qui serait liée depuis toujours. L'attachement de Kana envers Mike demeure touchant, les petites attentions de Yaichi le sont tout autant, et le mari de son frère lui-même nous attendrit par ses découvertes de tous les jours, et son implication toujours plus grandissante au sein du foyer. L'auteur, entre deux dialogues puissants et quelques thèmes bien décortiqués, se plaît ainsi à développer des moments posés, qui développent cette aura saisissante. Quel plaisir, alors, de suivre la tranche-de-vie menée par Yaichi, Mike et Kana, tandis que le passage du voyage aux sources thermales avec Natsuki dépayse le lecteur occidental, à l'instar de Mike, autant qu'il séduit par la quiétude et la bonne humeur qui se dégagent. Une relecture de la série, des quatre tomes d'affilé, sublime alors cette sensation tant cette impression de quotidien convivial demeure le temps d'une longue lecture continue. Le Mari de mon Frère a donc plusieurs effets, d'abord celui d'informer, voire de rassurer, mais fait aussi office d'antidépresseur tant il est difficile de ne pas être touché par ce charme paisible du quotidien, et l'absence de vices qui règne à la demeure de Yaichi.


Mike, un mari en deuil, et un personnage émouvant


Difficile de ne pas s'attendrir devant le personnage de Mike, véritable pilier du Mari de mon Frère, principal concerné de l’œuvre ne serait-ce dans le titre. La carrure du personnage s'associe très bien avec son caractère, sa bonne humeur permanente et sa capacité de sociabilisation épatante. Par son aura, on adhère facilement au personnage, son côté occidental nous aide même peut-être à nous sentir proche de lui. Rapidement, Mike montre un comportement qui n'a rien de japonais. Très expressif, il n'hésite pas à rapidement proposer un câlin à Yaichi, un "hug" comme il l'appelle, comportement peu commun au Japon. Son attachement envers tout élément lié au passé de Ryôji renforce notre empathie envers le personnage, il est alors compliqué de ne pas s'émouvoir devant cette planche où, tel un rituel, Mike s'accroupit de manière solennelle sur le tatami de la chambre de celui qui fut son mari de son vivant.

Les quatre tomes qui composent la série ne feront qu'appuyer le caractère du personnage, sa complicité avec Kana, la bienveillance réciproque entre lui et Yaichi, sa faculté à être accepté d'autrui pour sa personne... Raison pour laquelle quitter le personnage à la fin du récit est très dur puisqu'à la fin du Mari de mon Frère, les adieux sont aussi douloureux qu'avec un membre de notre propre famille. Un effet qui n'a rien d'anodin puisque pour Gengoroh Tagame lui-même, de son propre aveu, quitter cette petite famille s'est montré très compliqué.




Un récit cohérent jusqu'au bout


Au-delà de ça, Le Mari de mon Frère cherche aussi à nous raconter une histoire, mais c'est surtout le dernier tome qui permet de se rendre compte des enjeux fixés dès le début, et ce que Gengoroh Tagame prévoyait de faire de ses protagonistes. Sur le papier, l'intrigue est celle de Mike, partant au Japon le temps de quelques jours afin de revenir sur les traces de son défunt mari, en rencontrant son frère, Yaichi. Ce postulat de départ suffisait d'ailleurs à lancer l'histoire puisqu'on comprend rapidement de quoi il est question pour chacun des personnages, et que les thématiques et l'aura globale suffisent à créer une lecture convaincante. Mais dans le dernier tome, l'auteur apporte une écriture beaucoup plus rigoureuse, justifiant davantage son récit et les psychologies des personnages, du côté de Mike et Yaichi. Sans trop en dire, la fin de la série n'a rien d'abrupte, elle est simplement logique et découle d'un véritable développement de l'histoire. Dans la forme, le résultat aurait pu être le même et survenir à tout moment, mais Gengoroh Tagame a dirigé cette conclusion d'une manière extrêmement habile. Et cela va des deux côtés, tant les chemins de Mike et Yaichi ont trouvé une finalité au terme du quatrième tome. Le mangaka aurait pu continuer deux, trois, voire plus de tomes encore tant la thématique phare de la série est d'une grande richesse et qu'il y a toujours à dire sur les discriminations. Mais du point de vue des personnages, la série a duré le temps qu'il fallait, et l'auteur a développe ses deux figures phares comme il se devait, sans trop en faire et sans écourter son récit.

OTOTO NO OTTO © Gengoroh Tagame 2014 / FUTABASHA PUBLISHERS LTD.

Commentaires

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cicipouce

De cicipouce [3179 Pts], le 11 Décembre 2017 à 17h35

20/20

Un excellent dossier pour une série émouvante et poignante que je ne regrette pas d'avoir acheté.

Je remercie d'ailleurs les Editions AKATA pour leur idée du coffret qui pour une fois regroupait tous les types de lecteurs.

 

Paliko - Paliko

De Paliko - Paliko, le 08 Décembre 2017 à 21h54

20/20

Un dossier tout bonnement excellent, du super boulot, bravo. Pas étonnant que ce livre ait du succès, et votre site aussi. Au risque de me répéter : Bravo.

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