La Cité Saturne - Actualité manga
Dossier manga - La Cité Saturne
Lecteurs
20/20

Conditions de travail

 
 

Statut social

 
Accueillant l'ensemble de l'humanité depuis des temps indéterminés, la cité Saturne est régie selon une hiérarchie bipartie, à la manière du Metropolis de Fritz Lang :  en son cœur habitable, l'anneau est constitué de trois niveaux. Tout d'abord, le niveau inférieur, où vivent les classes sociales basses et moyennes, et où l'on trouve notamment les usines de biogaz, alimentant l'ensemble de la structure spatiale en énergie. A l'opposé, nous trouvons le niveau supérieur, zone réservée aux riches et aux puissants. Elle se compose essentiellement de grandes résidences, ayant pour particularité d'avoir une vitre en guise de plafond. Notons que si les gens d'en haut peuvent aller librement en bas, l'inverse est impossible. Enfin, pour séparer les deux vient un niveau intermédiaire, libre d'accès. Semblant plus vaste que les deux autres, il accueille toutes les infrastructures publiques : écoles, universités, hôpitaux,... mais aussi de vastes espaces consacrés aux terres agricoles.
    
Avertissons cependant les puristes de science-fiction pure et dure : hormis cette organisation politique affichée en préambule du manga, Hisae Iwaoka restera profondément évasive, pour ne pas dire muette, sur les fondements de la Cité Saturne. Ainsi, tout restera à disposition de l'imaginaire du lecteur, qu'il s'agisse de l'exode terrestre, de la création de l'édifice, de sa gestion politique ou des raisons de l'établissement d'une démarcation interne. On notera par ailleurs que, sortie des combinaisons spatiales et de quelques infrastructures, la haute technologie est très peu présente, comme si l'humanité avait cessé d'évoluer dans son mode de vie quotidien. La mangaka utilise l'artifice de la SF, pour la première (et unique ?) fois dans un de ses récits, avant tout pour présenter une vue d'esprit originale, afin d'offrir une allégorie de notre propre monde dans cette société bipolaire. A la manière d'Aria ou de Planètes ou même, pour sortir du space-opéra, d'un titre comme Ikigami, l'auteure pose les bases de son propre monde alternatif, assimilable en quelques pages seulement, pour mieux mettre en scène ses idées et ses intrigues.
    
A ce titre, nos laveurs de carreaux ont un poste privilégié dans cette lutte des classes : si cette tâche emploie beaucoup d'habitants du niveau inférieur, l'usage des combinaisons spatiales est quant à lui extrêmement coûteux. Aussi, s'offrir leurs services constitue un véritable luxe, accessible seulement aux fortunés, à moins d'économiser pendant de très longues années, comme l'a fait Sôta pour son mariage. Ainsi, le nettoyage accentue symboliquement le clivage entre riches et pauvres : orientés face au Soleil, et avec leurs vitres claires, les habitants du niveau supérieur vivent dans un environnement lumineux, tandis que le niveau inférieur ressemble à une banlieue plongée dans une nuit perpétuelle, aux carreaux sales et dans l'ombre propre de l'édifice stellaire.

N'allez pas pour autant chercher dans la Cité Saturne un récit purement contestataire. Bien entendu, les différences entre les deux classes entrainent de lourdes incompréhensions : devant l'absence de mixité sociale, les riches pourront dénigrer les activités des gens d'en bas, à l'instar de cette ancienne camarade de classe de Mitsu ne comprenant pas le bonheur qu'il éprouve pour un travail aussi ingrat. Le monde d'en-haut a bien du mal à sortir de son oisiveté et de sa propre bulle de complaisance, mais il est également bien difficile d'y rentrer, notamment pour Sôta qui n'a pas pu accéder à un poste scientifique important. Mais, plus grave encore, l'accès aux soins est également priorisé pour le niveau supérieur, au risque de laisser les autres sans assistance... Pourtant, malgré ces inégalités importantes, cette hiérarchie semble s'être durablement installée dans la mentalité commune. Les médisances sur les privilèges des riches sont anecdotiques, et encore trop faibles pour pouvoir soulever le moindre mouvement de révolte. De leur côté, si les hautes classes se ferment aux autres, ils ne leur assènent pas non plus une pression trop importante. Ainsi, cet équilibre inégalitaire se maintient tant bien que mal, pour que Hisae Iwaoka puisse ensuite entrer dans le détail, sans risque de renverser ce château de cartes.
   
  
  
     
     

A bas la routine !

     
Spécialiste du genre "tranche-de-vie", la mangaka utilise à la perfection l'aspect routinier de la tâche de Mitsu pour mettre en scène de nombreuses histoires du quotidien. Ainsi, sur les premiers volumes, un canevas redondant peut se dessiner : Mitsu est appelé (avec un binôme) à travailler pour un nouveau client; ce dernier le voyant à l'œuvre entre en contact avec lui de manière plus ou moins directe; il exprime alors un regret ou un souhait qu'il souhaite réaliser; enfin, à force d'écoute et aux prix de quelques initiatives, notre héros parvient à ramener le sourire à l'habitant. Pour ne pas lasser trop rapidement le lecteur, la monotonie est rompue avec différents épisodes s'intéressant alternativement aux collègues et au reste de l'entourage de Mitsu. Ainsi, les histoires personnelles évoluent chacune à leur rythme, en tirant parfois la couverture vers elle sur l'ensemble d'un volume, ou réapparaissant de manière ponctuelle en guise de fil rouge, comme peuvent le faire les aléas naturels de la vie. Démarrant sur un rythme binaire et classique, la série devient de plus en plus prenante par la progression de ces protagonistes, auxquels l'on s'attache sans véritablement s'en rendre compte...
   
En sus de ces différents destins narrés de manière cylcique, Hisae Iwaoka s'essaie également à une autre intrigue parallèle, à peine effleurée au début de l'aventure, mais qui prendra de plus en plus de place au fil des volumes... Si, comme nous l'avons vu précédemment, la mangaka reste discrète sur les origines de la Cité Saturne, elle reste néanmoins fortement attachée à la Terre elle-même. Pourquoi les humains ont-ils du la quitter ? Pourquoi sont-ils restés aussi proches d'elle malgré tout ? Pourquoi est-elle devenue un tel sanctuaire sur lequel personne ne doit atterrir ? Seules des explorations lancées par un organisme officiel iraient de temps à autre inspecter sa surface, dans un motif bien obscur... Ainsi, quelques habitants du niveau inférieur, notamment Sôta, se mettront dans l'idée de construire une fusée clandestine pour y retourner ! Derrière cet objectif se cache une vraie volonté d'exprimer ses talents scientifiques, en apportant un souffle d'aventure et de conquête à la saga. En outre, cet acte contestataire et symbolique pourrait être le premier pas vers la révélation de mensonges des gouvernants en place, et pourrait briser bien des murs dans l'édifice...
      
La Cité Saturne est donc une série pleine de surprises et de niveaux de lecture : séduisante par son ambiance atypique et sa manière d'aborder ses personnages, elle parvient à raviver sa flamme au moment où la lassitude pourrait guetter. Finalement, la tranquillité des premiers chapitres est bien mise à mal dans les derniers évènements, faisant exploser une bulle de frustrations et de promesses... De quoi relativiser le moindre effort fait chaque jour, les petits ruisseaux devenant de grandes rivières.
    
   

DOSEI MANSION by Hisae Iwaoka © 2006 by Hisae Iwaoka / Shogakukan Inc., Tokyo

Commentaires

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Tianjun

De Tianjun [5049 Pts], le 13 Juin 2012 à 10h52

Merci ! ^___^

J'ai littéralement redécouvert la série avec la rédaction de ce dossier, elle méritait bien une relecture globale et plus posée. Et quel final ! 

Thot

De Thot [893 Pts], le 12 Juin 2012 à 14h13

Excellent dossier, pointu, construit, détaillé, fouillé...

Bravo pour cette mise en valeur réussie d'une série magnifique!

Nintenn

De Nintenn [1564 Pts], le 09 Juin 2012 à 12h42

Des personnages forts, un dessin particulier et une ambiance singulière avec des paysages qu'on a pas l'habitude de voir le tout sur un scénario très bien monté. Le dernier tome est bientôt dans ma bibliothèque j'ai hâte de voir le dénouement.

 

Tomoyochan

De Tomoyochan [1626 Pts], le 08 Juin 2012 à 21h07

20/20

Très bon dossier pour une série malheureusement méconnue, toute en finesse et en poésie. Les personnages, en particulier Mitsu, sont tous très attachants. La série évolue naturellement, tout en retenue, au rythme des tranches de vie des protagonistes. Le dessin très doux est original et donne d'autant plus de force au récit. Une série magnifique qui gagne vraiment à être lue et reconnue.

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