L'Arcane de l'Aube

Avec ses rois, reines, princes, princesses et chevaliers, L’Arcane de l’Aube est aussi et surtout une histoire de pouvoirs, et mérite son titre de shôjo fantastique. Conquête, intrigues, domination, jalousie, les raisons pour que les pouvoirs se heurtent ne manquent pas. Et si on ajoute le surnaturel à l’ensemble, difficile de dire dans quelle direction la balance va pencher.

Seigneurs de guerre

 
Le sujet principal de la série de Rei Toma, et sa raison d’être, c’est bien le conflit qui oppose les deux royaumes présents sur l’île, Senan au nord et Belquat au sud. Une guerre de conquête pour étendre sa domination. Une histoire très banale dans l’histoire de l’humanité. On a d’ailleurs très peu de détails sur ce conflit, si ce n’est qu’il dure depuis deux siècles.
L’arrogance de ceux qui sont nés nobles, leur besoin de réprimer ceux qui sont différents et qui pourraient remettre en cause leur pouvoir, la soif de puissance et de richesse, voilà les grands problèmes auxquels sont confrontés Nakaba et son petit groupe.

Cet aspect politique, moteur de l’histoire, a le grand mérite de rester simple. En effet, l’auteure n’a pas fait montre de force détails sur l’histoire du continent et les différentes familles royales qui le composent. Elle part d’une situation facile à comprendre et suffisamment compliquées dans l’état, pour nous proposer une intrigue qui se construit petit à petit en même temps que les personnages. Les interrogations de Caesar sur la légitimité de l’accession au trône sans montrer de compétences particulières, la cruauté infligée à Nakaba à cause de ses cheveux, ou le statut de quasi-esclavage des semi-humains à travers le regard de Loki, et surtout leur résolution face à une telle situation… Voilà le moteur de l’intrigue de la série.

Chaque personnage fait face à ses propres peurs et démons, et se dresse contre un système qui les opprime, chacun à sa façon et à des degrés divers, ce qui donne une grande énergie à la série et se révèle particulièrement bien traité dans sa simplicité. Les informations arrivent petit à petit, le monde grandit en même temps que les personnages, et donc le lecteur, les deux se trouvant sur un pied d’égalité dans la connaissance du monde ou presque. Parfait en ce qui concerne l’immersion, en d’autres termes.
Autre point fort de la narration, les personnages bougent beaucoup, et le voyage est de mise. Des nouveaux personnages haut-en-couleur et attachants viennent se rajouter à la troupe, chacun apportant son lot d’intrigues et d’avancée du scénario. Rien n’est figé et il n’y a pas de place pour la répétition ou le statut-quo avec un univers si large et propice à de nombreuses péripéties, ce qui donne beaucoup de vigueur au titre et rend la lecture très agréable à suivre pour les lecteurs et lectrices.

Bref, la série fait honneur a son statut de shôjo d’aventure, en nous proposant une histoire ambitieuse, intrigante et passionnante, pleine de conflits aussi, et qui sait rester relativement simple sans être simpliste. Une bonne balance des éléments entre sérieux et divertissement, en d’autres termes.
  
  
   
  
  

Maîtres des arcanes

 
En plus de son contexte intéressant au niveau de l’intrigue, L’Arcane de l’Aube ajoute également un atout surnaturel à sa main : les arcanes, et particulièrement l’arcane du temps de Nakaba. Un pouvoir qui permet de voir le futur, le passé et la vérité sous forme de flashs éveillés. Une arme redoutable pour créer de nouvelles situations, des conflits et des mystères pour Nakaba, et développer des nouveaux thèmes. Sans oublier la capacité de rajouter une couche d’action au tout.

Si le principe n’est pas particulièrement original, il s’intègre très bien cependant dans l’univers de la série, c’est-à-dire un monde sans magie particulière parmi la majorité de la population, à l’exception de l’étrangeté des origines des semi-humains. Il n’est pas non plus question d’élu qui sauvera le monde grâce à son pouvoir, juste des gens à l’origine ancienne porteur d’une capacité qu’ils ne maîtrisent pas toujours. Mais qui ont malgré tout le potentiel de faire la différence. Bien que cette différence a un prix.

En effet, loin de résoudre tous les problèmes, l’arcane de Nakaba est davantage source d’angoisse et d’incertitude. D’une part, elle doit le cacher à tous afin que personne ne tente de se servir d’elle pour ses intérêts personnels. De plus, voir le futur ne signifie pas être en mesure de le modifier. Et même si on y parvenait, ce ne serait pas sans conséquence. Il y a une touche très réelle dans la façon dont est considéré le surnaturel. Très humain, très juste, le principe des arcanes est tout simplement très bien intégré à la série et d’une très grande cohérence, apportant une fraîcheur et un renouveau croissant au titre.
D’autant plus que l’arcane du temps n’est pas le seul pouvoir existant : feu, eau, vent, vérité… À nouveau, le principe est simple, et ne nécessite pas des explications compliquées pour être compris d’emblée, ce qui facilité encore et toujours l’immersion, tout en nous proposant son lot de situations et élargissant son potentiel.

Au niveau visuel, la sobriété est de mise concernant les arcanes, comme dans toutes les phases d’action de la série d’ailleurs. En effet, si le découpage est efficace, on est loin d’atteindre en termes d’action et d’impact au niveau du rendu des coups le niveau d’un shônen de baston moyen. Peu importe, ce n’est pas le sujet et le focus du titre, et ce que nous propose l’auteure est suffisant pour nous garder dans l’ambiance.

Malgré cet aspect plus orienté l’action, la série reste (pour l’instant) bien balancée, et ne semble pas se diriger vers un simple conflit entre possesseurs de pouvoirs. Ceux-ci servent surtout à mieux connaître les personnages et leurs vrais sentiments. C’est l’aspect humain qui transparaît surtout à travers à travers l’étrange, ce qui est assez rare pour être souligné.

En résumé, avec cette petite pincée de surnaturel, la série semble avoir tous les atouts en main pour nous surprendre et nous tenir en haleine. Si on ne trouve rien de particulièrement original pris séparément, la façon dont l’auteure mélange ses influences et y ajoute sa personnalité fait la différence, et rend son titre redoutablement efficace en ce qui concerne le déroulement, le rythme et les intrigues potentielles.