Kasane - Actualité manga
Dossier manga - Kasane
Lecteurs
18/20

Une histoire horrifique japonaise


Le genre kaidan est très présent dans la culture japonaise. Décryptons-le à travers la lecture de Kasane, le manga.

Un scénario littéraire


Pour le scénario de Kasane, Gou Tanabe s’est basé sur une œuvre de littérature japonaise. Tout un pan de la littérature japonaise se base sur le milieu du Japon du XVème, du XVIème ou du XVIIème siècle (l’époque médiévale ou des samouraïs, tels que nous occidentaux l’imaginons), et parfois y sont insérées des références horrifiques. Dans ces cas-là, il est question d’esprits ou de geishas possédées, c’est ce qu’on appelle le kaidan… C’est exactement à ce genre de scénarios noirs que fait référence l’histoire de Kasane, qui a par ailleurs inspiré d’autres auteurs du genre, comme Suehiro Maruo, dans son recueil Le Monstre au Teint de Rose.

Dans le cas qui nous intéresse, cet aspect de la littérature horrifique nippone est parfaitement incarné dans le personnage de Madame Toyoshiga : fine, élégante, mûre, parée d’une tenue traditionnelle, et jouant d’un instrument classique, son apparence physique se déforme en même temps qu’elle semble possédée par un esprit malveillant. Nous sommes en plein dans un art visuel de la plus pure tradition de la culture japonaise, qu’elle soit classique ou populaire. Et c’est dans cet aspect horrifique que tout l’intérêt du scénario prend son sens : d’où vient cette possession dont est victime Madame Toyoshiga ? Est-ce tout simplement ses sentiments haineux qui la déraisonnent ou bien est-ce un esprit qui profite de sa faiblesse mentale ? Dès lors, nous sommes plus en face d’un simple conte noir, mais bien d’une histoire à suspense, suspense entretenu par la narration et le découpage graphique (nous y reviendrons).





Une histoire de jalousie ou la sensibilité nippone


Comme souvent dans les fictions nippones, il est question de tourments intérieurs dans Kasane. Bien que la fin du tome 2 en dise plus au lecteur sur la nature du côté surnaturel de l’œuvre, il apparait dès le départ que c’est la jalousie de Madame Toyoshiga qui est le moteur de l’intrigue. Il est fort probable que les auteurs (celui de l’œuvre littéraire comme le mangaka) ont voulu signifier que ce sont la haine et la jalousie qui rongent les êtres humains, et qui sont à l’origine de la déformation physique de Madame Toyoshiga, que l’on peut apercevoir dès la couverture du tome 1.

Egalement, la façon dont les personnages se courtisent et se repoussent évoquent la sensualité et la sexualité nippone. Dans ce pays, le rapport à l’autre et à la sexualité est assez compliqué. D’un côté, il y a beaucoup de gêne à avouer son attirance à l’autre, d’un point de vue social notamment. On le voit dans Kasane, une fois que la coucherie de Madame Toyoshiga et Shinkichi est révélée, ce n’est pas seulement les ragots du village que subissent les protagonistes, mais une désertion de leur école et leur source de revenu. D’autre part, la sexualité peut être exacerbée en privé, et Kasane montre aussi cet aspect. Non pas dans une forme de sadomasochisme comme on  pourrait le penser (ce n’est pas une œuvre érotique ou pornographique), mais dans la façon dont l’auteur a de représenter la scène de sexe, c’est-à-dire comme un acte malsain, dont on sait immédiatement qui est le début des ennuis pour les personnages. En quelque sorte, Kasane, de part son aspect littéraire traditionnel, évoque la sociologie japonaise de l’époque.


La condition de la femme ?


À travers cette histoire, et c’est peut-être d’abord attribuable à l’auteur original, Kasane parle de la condition de la femme. Pour commencer, Madame Toyoshiga est une femme d’un certain rang social, avec de l’expérience, et on la respecte. Mais le fait qu’elle ait une relation avec un homme plus jeune qu’elle la décrédibilise complètement. O-Hisa, quant à elle, est forcée à rentrer dans le moule de la jeune fille modèle, qui doit bien paraître.

En revenant au texte qui introduit le manga, Kasane est décrit comme la légende de Rui (qu’on peut lire Kasane en caractères japonais), une femme propriétaire d’une terre agricole, assassinée par son mari. Le second tome revient longuement sur cette légende et son lien avec les protagonistes de départ. Ce que l’on peut dire sans spoiler, c’est que la légende de Kasane parle des femmes maltraitées par leur mari. Sans spécialement mettre en avant un sous-texte politique, le lecteur du manga (ou le spectateur de la pièce) est interloqué par la condition de la femme dans l’histoire. Probablement qu’à l’époque du dramaturge, tout ceci avait un sens et une résonance particulière.





Aux frontières de la folie


Ce qui caractérise principalement le manga, c’est son côté horrifique. Plus l’intrigue avance, plus l’auteur nous plonge dans une atmosphère glauque et oppressante. Est-ce que les personnages ont des visions ? Est-ce que Madame Toyoshiga est malade ou devient-elle un monstre à cause de ses sentiments haineux ? Tanabe va énormément travailler sur l’ambiance noire du manga, tant au niveau graphique que narratif. Sur les deux volumes qui composent le manga, c’est à la fin de chacun d’entre eux que se cristallise cette sensation. Le lecteur assiste avec fascination à cette déferlante d’images ténébreuses.
  
  

© 2007 Gou Tanabe First published in Japan in 2007 by ENTERBRAIN, INC., Tokyo.

Commentaires

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JohnDoe

De JohnDoe [598 Pts], le 04 Septembre 2015 à 20h33

18/20

Un dossier qui m'a donné envie de découvrir ce manga et cet auteur !

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