Kaneyoshi Izumi - Actualité manga
Dossier manga - Kaneyoshi Izumi
Lecteurs
17/20

Kaneyoshi Izumi, entre deux eaux

 
Malgré les nombreux points communs qui unissent les deux séries sous la bannière d’une même mangaka au style narratif affirmé et assumé, quelques différences de traitement apparaissent de manière claire et nette. On a bien compris que, si l’auteur traite beaucoup de l’amour à travers les pages de ses œuvres, ce n’est pas vraiment en direction de ce sentiment et uniquement lui qu’elle tourne son attention. Elle lui préfère l’humour, redondant et sensiblement identique dans les deux séries. C’est d’ailleurs sur l’amour que les différences se posent, et au final heureusement puisque cela nous permet de ne pas trouver quasiment identiques deux mangas aux styles assez rapprochés. Dans Seiho men’s school, on a souvent droit à des petites histoires un peu rapides, des chapitres qui fleurissent ici et là sans véritablement paraitre pertinents, parfois. Juste pour aborder une situation, une émotion. On se concentre d’ailleurs toujours sur la manière dont les adolescents tombent amoureux. Que ce soit avec un personnage secondaire ou principal, ce à quoi l’on s’attache immédiatement et principalement, c’est le cheminement emprunté pour arriver à un sentiment amoureux et à une volonté d’avancer ensemble. C’est ce processus qui est intéressant et qui donne au manga tout son intérêt : il existe différentes manières de tomber amoureux et d’aimer, et ça l’auteur nous le fait bien comprendre. Toutefois, on s’intéresse beaucoup moins à l’après, à la continuité du couple. Certains d’entre eux n’auront ainsi qu’un seul chapitre à leur disposition, et seuls les héros auront le loisir de voir leurs sentiments grandir peu à peu et traverser les obstacles de la vie. Un choix un peu léger parfois, qu’on tend à regretter lorsque l’on a qu’un chapitre sur tel ou tel protagoniste. Dans 100% Doubt c’est l’extrême inverse ! Parce qu’au final, la manière dont ils tombent amoureux ... on s’en fiche. C’est étonnant à dire mais vrai. Ai succombe au charme de Sô en deux pages, ce dernier arrive brutalement à l’aimer on ne sait pas trop suite à quoi : par jalousie ? Yûchiro pareil, on ne comprend pas vraiment ce qui le motive : la rivalité ? autant de questions en suspens, et il en va de même pour Mina qui aime Yû. C’est une sorte de constance, d’évidence dans l’histoire qui n’évolue pas et qu’on n’explique pas. C’est bien dommage alors de constater que le sentiment amoureux n’a alors aucune crédibilité ni profondeur pour les héros, qui se prélassent dans une émotion qui apparait de nulle part. D’ailleurs, étant donné que seuls quatre personnages sont principaux, et qu’ils ne vont pas chercher l’amour en dehors de leur cercle eh bien ... les histoires de romance y sont un peu longues. Tout est basé sur l’évolution, qu’il n’y a pas forcément, et sur l’approfondissement de tel ou tel  ressenti, notamment entre Ai et Sô qui apprennent tant bien que mal à mieux se connaitre. Un contraste surprenant pour deux œuvres de la même auteur !

On reconnait à Kaneyoshi Izumi la qualité de la maturité chez ses personnages. Pour un shojo, certaines figures sont bien développées et font preuve d’une réelle avancée dans leur adolescence. Les garçons du lycée Seiho sont très portés sur les relations physiques quand ils discutent entre eux, et Sô ou Mina le sont également, sans parler des personnages secondaires. Le sexe n’est pas un sujet tabou, et il est vraiment intéressant de pouvoir lire un degré de sérieux et de travail dans les profils utilisés dans l’histoire. Car c’est également ça, le monde de l’adolescence et l’auteur se serait fourvoyée en l’oubliant. Toutefois, on regrette vraiment qu’elle n’ait pas assumé totalement cette carte ! En se perdant un peu dans l’humour elle en a oublié que le réalisme des lycéens actuels passe aussi par l’utilisation de scènes plus poussées qu’un simple baiser. On croit l’atteindre dans 100% Doubt mais elle se rétracte toujours derrière une héroïne simplette et naïve, bien que Yû ait droit à sa part de gloire ... qu’il a oubliée le lendemain matin ! En somme, la mangaka fait preuve d’un réel défaut en occultant cette part de son histoire qu’elle développe à peine. Sans parler du manque de crédibilité d’un Sô devenu subitement sage et chaste pendant plus d’un an, lui qui sautait sur tout ce qui bouge en ayant plusieurs copines à la fois et en ayant commencé ce genre de rapports à douze ans. Hum. Vraiment, vraiment décevant, ce point apporte une ombre sur l’œuvre de l’auteur qui néglige un peu cette dimension, pourtant bien présente dans l’univers qu’elle crée. Univers qui se pare d’un étendard masculin tout au long du récit, avec une vision plus machiste que les shojos habituels. Seiho men’s school, par ses héros qui sont des adolescents dans une école de garçons, et 100% Doubt par le point de vue et les réflexions de Sô qui nous sont largement offertes, bien plus que dans des romances conventionnelles. Le garçon y a souvent une place d’idéal à atteindre, d’ombre mystérieuse et parfaite que l’on veut séduire, celui qui plait, qui intimide, qui surplombe. Inatteignable et parfois presque aussi plat en réflexion personnelle qu’un prince de Walt Disney dont on connait à peine le visage. Alors qu’à côté l’héroïne nous bassine des heures et des heures sur ses dilemmes existentiels, laissant le soin à son partenaire d’intervenir de temps à autre avec une pose ou une parole qui transpire la classe. De fait, la tendance s’inverse rapidement dans l’œuvre d’Izumi : les garçons sont souvent plus touchants que ces demoiselles, puisqu’Ai a du mal à nous convaincre et que Takeno ou Miyagi ne sont que des personnages secondaires. Une exception dans le shojo, qui suffit à relever les qualités de cette auteur, remplie d’une volonté de donner la part belle aux adolescents, façon shojo.

Au final, ce qui importe à l’auteur ce n’est pas de donner DANS le shojo mais bien AUTOUR. En réalisant une jolie satyre du genre, elle permet à son humour de prendre une place de choix dans la narration et dans un scénario structuré autour d’une seule idée : tourner en dérision, tout en plaisant au plus grand nombre. Kaneyoshi Izumi insiste beaucoup sur les scènes drôles, notamment avec des personnages stéréotypés : dans Seiho men’s school, tous les héros ont un petit quelque chose qui relève de l’évidence. Perversité, sérieux, excentricité ou impulsivité, tandis que de son côté Ai est la fille parfaite qui, par effet de rebond, déteste les filles moches qui ne prennent pas soin d’elle, Yû le parfait copain, Mina la kogaru vulgaire et Sô le beau gosse idéal. La vulgarité nommée ici est d’ailleurs au service de la romance, puisque c’est souvent les idées et paroles un peu crues et raides des personnages qui font avancer les choses. C’est grâce à cette vision un peu décalée et extrêmement franche et assumée que l’auteur arrive à nous amuser et à nous séduire. Toutefois, elle a parfois encore du mal à doser entre ces moments satyriques dans toute leur splendeur et les passages un peu nostalgiques qu’elle nous livre. Ces moments là ont un peu de mal à soutenir le second degré, et on a alors tendance à prendre trop au pied de la lettre des scènes écrites dans le but de s’amuser et de lire avec sérieux une série qui n’est absolument pas présentée dans ce but ! Les chapitres se croisent ainsi, légers ou non, et parfois cela nous embrouille légèrement le cerveau, nous déstabilisant et nous empêchant de bien comprendre la direction prise par l’auteur et sa volonté en ce qui concerne ses mangas. C’est ce contraste trop violent qui constitue le principal défaut de ses séries, qui parfois se perdent dans des facilités qui n’ont pas cette émotion fraiche et réelle qu’on connait alors dans d’autres chapitres. Bref, on a l’impression que malgré son talent pour nous étonner et nous amuser, l’auteur se cherche encore un peu, hésitant entre plusieurs directions ...
     
   
  
 
 

© KANEYOSHI IZUMI / SHOGAKUKAN Inc. Ltd.

Commentaires

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Museumanga

De Museumanga [5963 Pts], le 26 Novembre 2011 à 14h24

16/20

OMG ça me donne envie de commencer 100%Doubt moi .<

mangashojo

De mangashojo [2558 Pts], le 26 Novembre 2011 à 11h47

18/20

j'ai lu ton dossier et j'ai appris  kaneyoshi izumi . je noté 18/20

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