Jujutsu Kaisen 0

Jujutsu Kaisen : Les origines

Après deux histoires courtes, l’une dans le Shônen Jump NEXT ! et l’autre dans le Shônen Jump classique, c’est dans le successeur du NEXT ! que Gege Akutami pose sa toute première série. Le 5e numéro de la revue Jump GIGA, le premier de l’année 2017, publié le 28 avril de la même année, accueille en ses pages la série Tokyo Toritsu Jujutsu Kôtô Senmon Gakkô, ou L’École d’Exorcisme de Tokyo. Comptant quatre chapitres (les trois suivants étant publiés dans les Jump GIGA #6 à #8, soit sur l’ensemble des numéros de 2017), le manga présente le récit de Yuta Okotsu, un adolescent hanté par un Fléau, une entité née des sentiments négatifs humains, particulièrement puissant. Pour apprendre à canaliser et utiliser ce pouvoir occulte, il va intégrer l’école d’exorcisme de Tokyo, sous l’enseignement d’un certain Satoru Gojo.

Le manga est pensé comme une histoire complète, finalisée par la révélation autour de Yuta, et l’apaisement de Rika qui se trouve libérée de sa condition de Fléau. Progressant à un rythme bien maîtrisé, sur une structure solide, le manga présente un cadre classique pour faire évoluer son intrigue, autour de personnages qui répondent à certains archétypes du shônen d’action. C’est une démarche assumée par Akutami qui cherche à répondre à ce « cahier des charges » quand il créé un personnage, là où Satoru Gojo est un pur concept de personnage surpuissant, mais qui n’occupe qu’une place limitée dans la courte série, celle d’un mentor charismatique. En créant ces bases, le mangaka peut avancer vers une histoire où les grandes phases sont fixées en avance. Ainsi, l’apprentissage de Yuta est accéléré, présenté au lecteur par deux missions principales qui présentent le développement de ses liens avec ses camarades d’équipe que sont Maki Zenin, Toge Inumaki et Panda. Un parcours initiatique qui s’accompagne d’un conflit, celui contre Suguru Geto, un exorciste « mauvais » qui entre dans la case des maîtres des fléaux. Ce dernier fait office d’antagoniste, dans une bataille décisive qui scellera le sort de Yuta et de Rika, ce Fléau surpuissant amouraché de son détenteur.

Par cette simple histoire en quatre étapes, Gege Akutami honore déjà une vision créative qu’il a explicité dans l’interview pour le Figaro du 7 octobre 2020. Pour l’auteur, plus que des personnages bons ou mauvais, ce sont des individus qui agissent au nom de leur éthique qui sont mis en scène. Et effectivement, L’École d’Exorcisme de Tokyo propose une sympathique dualité autour de la place de l’exorciste dans la société nippone. A côté de ceux qui se fondent dans cette grande masse en œuvrant dans l’ombre, il y a ceux brimés par le commun des mortels, avide de vengeance et souhaitant asseoir une position dominante. Le plot est assez commun mais a pour mérite de présenter une sorte de thématique autour de la figure de l’exorciste, plutôt que de simplement utiliser le concept comme un moyen de simplement créer des combats surnaturels. Akutami établit déjà une direction d’intrigue qu’il poursuivra à l’avenir, tout en ne répondant pas à toutes les questions en suspens. Quelles raisons derrière les exactions de Suguru Geto ? Quel est son destin suite à son face à face décisif avec Gojo ? Quid de la revanche de Maki sur le clan Zenin ? A vrai dire, l’auteur utilise plutôt ces zones d’ombre comme un moyen d’étoffer son univers, de lui donner une vie et intégrer des zones de suspense, plutôt que de boucler fermement chaque piste. Au terme du récit, les lecteurs d’époque pouvaient s’imaginer toute une vie derrière ce petit récit. Akutami lui-même n’envisageait pas autre chose, et pouvaient se saluer d’avoir mené au bout une première série. Courte, certes, mais a habité l’un des magazines Jump pendant une année entière. Et si ce format lui a permis de faire ses preuves sur une parution sur le moyen terme, il ne pensait pas forcément profiter d’un certain engouement. Le succès est au rendez-vous, aussi le mangaka est invité à entamer une série dans le mythique Jump, œuvre longue dont L’École d’Exorcisme de Tokyo serait un préquel. Akutami n’y avait jamais songé, mais l’idée lui plaît. Ainsi, Jujutsu Kaisen débute le 5 mars 2018 et verra son troisième volume paraître au Japon le 4 décembre de la même année. L’éditeur Shûeisha choisit cette date pour proposer la courte série précédente au format physique, sous le titre officiel Jujutsu Kaisen 0, l’intitulé d’origine devenant le sous-titre du recueil.

En France, Ki-oon choisit un autre timing pour la sortie de l’ouvrage. Le one-shot Jujutsu Kaisen 0 atteint nos librairies le 1er octobre 2020, soit en simultanée du cinquième tome qui marque le début du tournoi entre les écoles de Tokyo et de Kyoto. Un créneau bien pensé, tant il est intéressant de présenter l’intrigue initiale avant d’accéder au flashback entre Satoru Gojo et Suguru Geto, cet découvrir un antagoniste avant la base de ses motivations est le meilleur moyen pour faire apprécier un retour vers le passé.