Hinako Takanaga - 1ère partie

Un style plus sérieux qu’il n’y parait

 
En premier lieu, il est à noter que le style de l’auteur se veut, d’un côté de son œuvre, plutôt pur. S’épanouissant dans la clarté des sentiments et la légèreté des émotions, le scénario se veut plus sucré que les séries plus matures ou alors plus drôles. C’est en grande majorité du fait de l’âge des protagonistes. En effet, dans plusieurs de ses œuvres Takanaga rend compte de lycéens âgés ou d’étudiants, voire d’adultes même si c’est plus rare. Ici, dans les deux œuvres étudiées dans ce dossier, c’est tout l’inverse. Nakahara et Kojima sont en effet vraiment jeunes, des collégiens qui découvrent la vie en espérant se retrouver dans le même lycée. A noter alors que la sexualité est abordée d’une manière bien différente de celle évoquée dans « The tyrant who fall in love », par exemple. Kojima n’a en effet aucune expérience de ce genre et ne fait qu’en parler avec curiosité avec ses amis. Passer de l’ignorance à la pratique avec un garçon, c’est compliqué. Les premiers baisers sont source de surprise et de questions, mais passent relativement bien grâce à la symbolique tendre et sécurisante du baiser. Toutefois, pour ce qui est des caresses plus intimes ... Takanaga y va avec précaution et ne laisse pas nos deux héros passer à l’acte tout de suite ! Il faudra beaucoup de temps, de doutes, de peurs et même un certain blocage chez Kojima pour déclencher le processus. C’est cette lenteur que l’on apprécie réellement. Et si dans Silent Love le temps de passer à l’acte est beaucoup plus réduit, ce n’est pas pour autant que tout se précipite ! En effet, si Tono et Tamiya sortent rapidement ensemble il n’en demeure pas moins que leur vie de couple se développe doucement et avec précaution. Cette jeunesse dans les personnages permet alors réellement de s’intéresser de plus près aux sentiments, plus doux et plus longs à se développer. On a même l’impression que tout est très léger, dans Silent Love par exemple les choses se font avec un naturel impressionnant entre nos deux héros. Et avec les personnages secondaires, si tout se fait un peu plus dans l’affrontement, la progression en elle-même est lente et travaillée. Takanaga sait donc s’adapter à ses personnages, et ainsi influer sur son public afin de nous transmettre différentes émotions d’une série à l’autre, des relations qui se créent toujours selon un schéma différent.
 
 

 
 
Et pourtant, pourtant on est bien loin du pays des rêves bleus et des sucres d’orges. Car au-delà des sentiments amoureux, même s’ils sont le centre du manga, on trouve beaucoup d’autres choses. Notamment, l’importance du background pour l’auteur ou de l’originalité de ses personnages. Si beaucoup de boy’s love se ressemblent, ici on ne ressent à aucun moment la redondance d’une œuvre à l’autre, grâce justement à cette richesse de personnages secondaires, que ce soit dans Silent Love ou dans Little Butterfly. Dans ce dernier d’ailleurs, les parents ont une importance particulière, tout comme la mère de Tono qui est très impliquée dans le devenir de son fils. L’auteur n’abandonne pas ses protagonistes livrés à eux-mêmes et c’est cela qu’il est réellement intéressant de découvrir au fur et à mesure de l’histoire. D’autant plus que Takanaga prend comme parti d’aborder des thèmes parfois difficiles, des épreuves que la vie place sur la route de ses personnages. Dans Little Butterfly, c’est évidemment la famille de Nakahara qui a de sérieux problèmes. Folie de la mère, indifférence du père voire violences, silence de l’enfant qui culpabilise ... Un schéma réaliste, réalisé avec une empathie bien dosée pour ne jamais tomber dans le mélodrame. L’auteur ne se permet pas de créer de l’émotion inutile sur ce sujet difficile, et nous livre une confession importante sur un personnage qui n’a rien d’habituel dans le reste de ses œuvres. Ce côté noir du manga ravive totalement notre intérêt pour l’environnement de nos héros. C’est une réalité cruelle mais définitivement présente dans notre société. Tout comme peuvent l’être les grandes difficultés à s’exprimer, surtout à l’adolescence. Tono est le porte-parole de celles et ceux qui ne parviennent pas à faire passer leurs émotions, jusqu’à parfois jouer un rôle. Par son visage impassible et ses attitudes indéchiffrables, il incarne la satyre d’un univers qui ne laisse plus place aux sentiments, notamment aux pleurs chez les hommes et à l’amour entre deux personnes du même sexe. Ce message, bien caché dans les plis de la narration, révèle vraiment les obstacles de cette tranche d’âge et leurs préoccupations imminentes.