Hinako Takanaga - 1ère partie

Silent Love

 
 

L’essentiel

 
Silent Love / Bukiyo na silent (不器用なサイレント) est un yaoi actuellement composé de quatre tomes. Au Japon, le magazine Be x Boy prépublie la série pour l’éditeur Libre Publishing qui sort les tomes en août 2006, juillet 2008, septembre 2010 et mars 2013. La série a repris en décembre 2011 avec pour focalisation les aventures de Yu et du président Kagami. En France, c’est Asuka qui s’en occupe en janvier 2010, juillet 2010, juillet 2011 et octobre 2013. L’éditeur a également prépublié les premiers chapitres dans le magazine Be x Boy français.

   
  
Les deux adolescents que sont Satoru Tono et Keigo Tamiya fréquentent la même école et sont apparemment amoureux l’un de l’autre. Seulement, quand Tamiya se déclare enfin à Tono qui l’aime depuis longtemps, celui-ci ne répond que sur le bout des lèvres … Chose peu commune, vous en conviendrez. Mais Satoru Tono a un gros problème de communication : il a du mal à exprimer ses émotions, que ce soit par les mots ou les mimiques. En effet, rien ne se lit sur son visage toujours impassible. Ce qui ne facilite pas les choses dans une histoire d’amour … Pourtant, Tono aime Tamiya depuis longtemps, lui aussi. Il passe son temps à le regarder, à avoir envie de se rapprocher de lui sans se douter que c’est le garçon qui l’aime qui viendrait à lui en premier. Surpris mais heureux, il aimerait bien se faire comprendre de Tamiya mais c’est une tache vraiment compliquée pour lui ... Ainsi, les malentendus s’enchaînent entre ces deux jeunes gens amoureux, donc facilement jaloux. On se concentre essentiellement sur la difficulté de se parler, avant que l’auteur n’aborde les problèmes de jalousie, qu’elle soit toute simple ou bien plus élaborée par un adversaire manipulateur …
    
  

Protagonistes

 
Satoru Tono



Le héros de notre histoire est véritablement quelqu’un d’inexpressif. Il est capable de parler d’amour ou de haine avec un visage totalement impassible. Tenant ça de sa mère, Tono et elle se comprennent mais jusqu’ici personne n’a réussit vraiment à entrer dans leur monde et à saisir l’essence de leurs émotions. Pourtant, le jeune homme en déborde comme tout adolescent. Il est secrètement amoureux d’un de ses camarades de classe, Tamiya. Il passe beaucoup de temps à l’admirer, notamment quand il est à son club de sport. Ses regards jetés à travers la fenêtre ne passent pourtant pas si inaperçus que cela. En effet, Tamiya va faire sa déclaration à Tono qui n’en revient pas. Son visage, tout aussi muet qu’auparavant, cache pourtant un immense bonheur. Et étrangement, seul celui qui va devenir son petit ami réussit à décoder ses micros expressions et à en tirer des conclusions. Heureusement, parce que Tono a vraiment besoin qu’on le comprenne. C’est un jeune homme sensible et très timide, qui a besoin d’aider les autres et de se réussir dans ce qu’il fait. Fidèle, un peu anxieux et fragile, c’est un uke idéal qui nous apporte beaucoup de plaisir par sa spécificité.


Keigo Tamiya



C’est le sportif par excellence, avec son sourire charmeur, ses cheveux souples et son regard pénétrant. Bref, le genre de mecs dont toutes les filles raffolent. Et qui fait sûrement battre un peu plus fort le cœur de certains garçons. Tamiya a beaucoup de choses pour lui, et ne s’en sert qu’avec un naturel qui le gratifie d’encore plus de charme. Alors pourquoi ce garçon s’intéresserait-il à un autre garçon ? Pire, à quelqu’un comme Tono ? Tamiya est en fait persuadé de ne pas avoir vraiment ses chances, pourtant c’est lui qui se déclarera et, devant l’absence de réaction extérieure de son vis-à-vis, voudra laisser tomber. Heureusement, le petit couple se forme finalement mais Tamiya n’en a pas fini avec les manques d’expression de Tono ! Il devra apprendre à décoder ses réactions s’il veut le rendre heureux. Un peu jaloux, possessif et méfiant des autres, Tamiya est un seme doux et gentil, mais il ne rigole pas sur son statut de petit ami, qui doit empêcher tous les autres d’approcher son cher et tendre Tono !


Yuji Sagara



C’est un ami d’enfance de Tono, il le connait bien et l’apprécie tout autant. Ils se ressemblent assez, ayant tous deux des goûts assez discrets et préférant se montrer taciturne. Pourtant, Yu cache bien mal son véritable caractère, qui est plein de fougue. Car quand il ne passe pas son temps avec Tono, ce qui énerve franchement Tamiya qui décide alors de caser cet enquiquineur avec quelqu’un d’autre, Yuji se fait harceler. Sexuellement, ou presque, par le président du conseil des élèves qui ne lui laisse pas vraiment de répit. C’est avec lui qu’il a échangé un baiser dont il se souvient encore. Et face à cette attitude honteuse, qui de plus le gêne plus qu’elle ne le dégoûte, Yu devient agressif. Un vrai roquet en colère, prêt à mordre et à griffer un Kagami qui n’en a que faire. Et à côté de ça, Yu a quand même bien des soucis, entre l’animosité de Tamiya et l’état de santé de sa mère ...

 
Président Kagami


 
C’est sans aucun doute le personnage le plus mystérieux de la série, car sans doute le moins travaillé. Kagami est le président délégué, figure d’autorité. Et avec son charisme et son air toujours avenant, on ne doute pas qu’il exerce son rôle à la perfection. Selon les dires de Yu, il serait pourtant volage, peu sérieux et absolument pas respectable. En effet, Kagami essaye de séduire celui qui l’intéresse tout en rigolant, pour se protéger de ses refus constants. Seulement, cet entêtement à ne pas monter la sincérité de ses sentiments ne va pas jouer en sa faveur. Il devra alors se monter à la fois plus doux et plus sérieux pour avoir une chance de se faire écouter ... D’autant plus que, à part Yu, tout le monde encourage ce couple. Tono pour le bonheur de son ami, Tamiya pour avoir enfin la paix et profiter de son petit copain tranquillement ! 
   
 
 
 
 

La culture de l’émotion

 
Pour tout dire, le manga repose essentiellement sur l’inexpressivité aberrante de Tono. Situation certes peu probable car poussée à l’extrême, mais idéale pour mettre en relief les problèmes de communication au sein d’un couple, et ce qu’ils peuvent engendrer. Les quiproquos ne sont pas d’une grande inventivité, mais à chaque fois on se délecte du moment où le héros cède à son impulsion et s’exprime enfin. De plus, on apprécie aussi le personnage plus effacé de Tamiya, qui fait des efforts pour nous séduire en tentant de comprendre son compagnon. On sent une réelle proximité entre eux deux, et cet amour assez pur sur lequel l’auteur ne fait pas tant d’étalages est très agréable. Ici, ce n’est que l’évolution d’un couple comme les autres, avec quelques soucis bien embêtant en prime. Notamment l’absence de Tamiya pour un stage de sport dans son lycée, pendant les vacances. Pour Tono, trois jours c’est apparemment très long, puisqu’il se sent obligé de s’attrister sur l’absence de son compagnon. Ses difficultés de communication n’arrangeant rien, le jeune homme ne parviendra pas à être naturel et sincère au téléphone lorsque son petit ami l’appelle. Il faut alors bien évidemment réparer cela, et Tono se jette sans hésiter à la recherche de Tamiya. Ainsi, grâce à une prise d’initiative made in Tono, les deux amoureux sont plus proches que jamais, peut-être un peu trop dans la cour de leur école... D’ailleurs, il faut dire que la plus grande qualité de ce manga est de retomber dans le visage du uke déformé par les larmes d’émotions et de regards de chiot battu uniquement dans les scènes érotiques, qui sont l’accomplissement logique de l’histoire. Tono arrive alors à se libérer d’avantage, mais surtout il retrouve ces expressions qui sont si caractéristiques dans ces scènes …

Yuji et Kagami forment le second couple de l’histoire. Le premier est colérique, susceptible, jaloux et a du mal à comprendre ses sentiments tandis que le second est dragueur, direct mais ne montre que rarement son sérieux, trop rarement aux yeux de Yu. C’est une amourette compliquée qui se met alors doucement en place, alors que l’incompréhension règne entre eux. Et même une fois les sentiments réalisés des deux côtés, Yu a beaucoup de mal à vivre pleinement une relation amoureuse, d’autant plus avec un garçon nonchalant, qui lui donne l’impression de toujours se moquer de lui. Alors pour remédier à cela, Kagami va devoir se montrer plus sérieux, tenter de convaincre son compagnon et l’entrainer parfois de force dans des situations qui ne laissent plus de place au doute. Ce dernier se montre d’ailleurs plus fragile et sensible que prévu, dans des moments de gêne pour Yu qui nous font bien sourire et qui nous sont agréables. Ce qui rejoint un peu la philosophie du manga, à savoir l’importance de l’émotion brute, sans vraiment se soucier du reste. L’auteur s’y raccroche : le romantisme du boy’s love est ici un élément absolument indispensable, et tout tourne autour des sentiments bien mouvementés des adolescents qui ne comprennent pas trop ce qui leur arrive quand leur cœur se met à battre. Au final, rien d’autre n’a d’importance et ce que l’auteur soutient avec force. Enfin, on remarque que c’est un des rares manga traitant de lycéens où les parents des jeunes gens apparaissent comme importants en tant que soutien, notamment ici. Cela fait du bien d’élargir un peu notre vision de leur quotidien ... Bref, un yaoi qui ne paye pas de mine, qui séduit par sa fraîcheur, ses innovations et sa simplicité. Un très bon titre, à découvrir, surtout qu’il donne l’impression de pouvoir s’arrêter à n’importe quel moment tant la narration y est légère. En effet, les événements s’enchainent sans aucune rupture, avec naturel et la lecture fait preuve d’une grande fluidité. A la fois anodine et captivante, celle-ci pourra séduire les fans du genre qui cherchent un peu de renouveau.

Notons que Takanaga s’efforce de chercher des situations qui compliquent la vie de nos héros. Séparation, jalousie, malentendus ou quiproquos. Tout est bon, jusqu’au décalage total entre Yu et Kagami, deux personnages très différents. Mais encore une fois, tout est bien qui finit bien pour tout le monde, ce qui laisse un goût de sucré quelque peu désagréable. On a en effet aucun suspense ni aucun réel moment de doute. Le scénario n’a pas vraiment de piquant, mis à part quelques ébauches bienvenues. Cet aspect un peu fleur bleue et la prévisibilité de la série gâche légèrement les sentiments que l’on y croire. La narration peut parfois se révéler sympathique, mais pas révolutionnaire. On reprend quelques idées qui vont bien et on en fait toute une histoire, avec des sentiments qui sentent le déjà vu qui n’apportent pas grand-chose sur les personnages. Ce qui est bien dommage.


   
   
 

Graphismes et édition

 
Pour ce qu’il reste à dire … Les dessins sont simples mais agréables : les traits ne sont pas transcendants mais celui qui caractérise Tono est une réelle réussite ! En plus, les annotations perpétuelles qui concernent ce dernier sont souvent amusantes et aident à suivre l’histoire. Surtout, lorsque l’on s’attarde sur ce décalage entre dessin et réalité, le génie de l’auteur à mettre en scène une telle personnalité saute aux yeux. Cela permet de verser dans une romance très simple, avec un énorme plus qui permet de ne pas s’ennuyer ou de faire le difficile. Les graphismes sont donc assez basiques au premier abord, mais en y regardant de plus près on distingue toutefois un petit quelque chose de plus, et pas seulement chez Tono. Pour exemple, Machida ne ressemble pas à toutes ces filles que l’on croise, et Tamiya n’a pas seulement l’air du beau gosse sportif. En tous les cas, l’ensemble est très dynamique et l’on apprécie tout particulièrement les cases noires qui permettent d’exposer les paroles internes de Tono qui, étant donné qu’il passe son temps à penser plus qu’à parler, nécessitait une telle distinction. Asuka nous rend ici un travail correct. Dommage pour les pages de couleurs absentes …