Hinako Takanaga - 1ère partie

Little butterfly

  
 

L’essentiel

 
Little Butterfly  / Little Butterfly (リトル・バタフライ) est une série terminée en trois volumes. Ils sont tous sortis dans l’année 2011 chez l’éditeur Kaiôsha après une prépublication dans le magazine Gush. En France, c’est Taifu qui nous fait le plaisir de les sortir en septembre 2011, novembre 2011 et février 2012.




Yuki Kojima est un collégien joyeux, très apprécié pour son rire constant et sa naïveté apparente. Pourtant, lui est attiré par Atsushi Nakahara, un garçon taciturne qui préfère rester seul, et que de toute façon les autres ne veulent pas approcher. Au détour d’un voyage scolaire, Kojima va profiter d’une escapade pour apprendre à connaitre Nakahara, espérant devenir son ami ... et continuer à l’être de retour au collège ! Mais c’est aussi à cette occasion qu’il apprend les difficultés familiales de son ami, avec une mère qui n’a rien d’aimante et un père qui fuit le foyer pour éviter les problèmes... A l’écoute de cette souffrance réelle, trop dure pour un aussi jeune homme, Kojima ne va pouvoir s’empêcher de désirer se rapprocher de lui, le soutenir, l’accompagner et le suivre, même loin, dans le lycée de son choix. Oui mais voilà, quand Nakahara le cœur de Kojima se trouble et il ne sait plus quoi penser.
 
 

Protagonistes

Atsushi Nakahara



Nakahara est un jeune homme étonnamment mature pour son âge. Et ce à tous  points de vue. Il a déjà un objectif après le lycée et dans le choix de son futur établissement, a déjà eu une expérience sexuelle, est très réfléchi, il est aussi capable de se débrouiller seul pour tenir une maison ... Mais tout à un prix, et le sien est lourd à payer. La famille de Nakahara est totalement éclatée et effondrée, plus rien ne tient debout et il ne connait pas la chaleur d’un foyer ou l’amour d’une mère. Alors cet adolescent décide de quitter son foyer et son pays lors d’un voyage scolaire. C’en est trop pour lui. Toujours seul et solitaire, Nakahara ne s’est fait aucun ami dans son école et ne côtoie personne, si bien qu’il est perpétuellement silencieux et renfermé, effrayant certains de ses camarades. Il ne pensait pas trouver le bonheur en restant dans cet air vicié, et espérait trouver la paix ailleurs, malgré son jeune âge et le drame de sa situation. On dit souvent que la famille est le dernier bastion de l’homme, Nakahara est seul dans un château assiégé dont il a la garde, une responsabilité bien trop importante pour celui qui devrait s’amuser avec ses amis plutôt que de prendre soin de sa mère malade ...


Yuki Kojima



Le héros de notre histoire est bien différent de son compagnon. C’est précisément cela qui va les rapprocher et les souder, malgré l’incompréhension l’un de l’autre qui peut parfois régner entre eux. Kojima vit dans une famille aimante, a plein d’amis à l’école, se soucie d’avantage du dernier manga à la mode que de ses notes et profite de la vie. Il rit beaucoup, mais inconsciemment il lui manque une profondeur dans sa vie. Le jeune homme la trouve quand il est confronté à la détresse de son camarade de classe qui l’avait toujours ignoré jusqu’à ce fameux voyage durant lequel Kojima lui impose sa présence. Dès lors, sa spontanéité, son dynamisme, son positivisme et sa capacité à toujours savoir ouvrir les bras pour une étreinte ont fait de lui un appui solide et indispensable. Mais rapidement, il se rend compte que Nakahara ne le considère plus comme un simple ami. Et lui ? Lui ne sait pas trop, mais une chose est sûre il veut continuer de rester à ses côtés pour le protéger contre les souffrances de son cœur. Et s’il faut pour cela envisager quelques baisers, étrangement il n’est pas contre ...
 
  
 
 
 

La réalité du platonique

 
Les deux protagonistes sont plutôt jeunes, c’est ce que l’on constate assez rapidement. Et l’on pensait alors dériver dans une histoire un peu surfaite et mignonne, sans plus. Loin de nous cette idée à présent ! Kojima a beau paraitre un peu simplet et naïf -il le reste dans le décryptage de ses émotions-, il fait preuve d’une grande maturité dans son amitié avec Nakahara. Ses propos sont justes, ses inquiétudes justifiées et il prend la décision ferme de le soutenir, prenant des initiatives et refusant de se laisser vivre. C’est ce caractère que l’on n’attendait pas qui nous séduit doucement mais sûrement, au fur et à mesure de la lecture. Nakahara est lui aussi intéressant, puisque la thématique des violences familiales est abordée avec humilité et pertinence. On comprend bien les répercussions que cela a entrainées sur sa vie d’enfant, et maintenant d’adolescent. On saisit mieux la maturité qu’il dégage et le calme qui éloigne ses camarades. Ce n’est donc pas une série tombant dans la facilité et dans le ridicule des bons sentiments, bien au contraire. De plus, l’évolution de leur relation est plutôt tranquille, adaptée à leur âge et en même temps source de plaisir en la lisant. Parce qu’ils sont expressifs, parce qu’à leur âge il est normal que Kojima ne comprenne pas bien tout cela et que Nakahara le saisisse mieux, du fait de son expérience arrivée un peu tôt dans sa vie. En bref, on ne s’attendait pas à ce type de narration en voyant les couvertures et pourtant, on plonge dans un univers à la fois touchant, original, réaliste et source de curiosité.

Alors, comme on reste sur une lecture légère le travail psychologique n’est pas établi jusqu’au bout mais la représentation pathologique des parents de Nakahara est tout à fait appropriée. Comme sa peur, sa banalisation de ce qui lui arrive, sa soumission à son père, ... on retrouve beaucoup d’éléments pertinents et réels, ce qui nous invite à nous plonger réellement dans ce manga ! Le passé et le présent se mêlent, et c’est bizarrement cette réalité et ce contexte qui prend le pas sur la relation de nos héros, du moins suffisamment pour nous faire frétiller d’impatience quand ils se rapprochent un peu plus. C’est d’ailleurs un moment particulièrement réussi : entre le désir et la tendresse, l’auteur réussir à trouver un ton juste pour traduire la problématique adolescente. Entre envie et peur, entre doute et espoir, c’est Kojima qui représente parfaitement ces passages, ce pas qu’il n’est pas encore prêt à faire et les conséquences qui en résultent. Des instants absolument parfaits donc, ni trop poussés ni trop platoniques. Parce que le platonique n’existe pas vraiment dans la réalité, et que même si la relation de nos deux héros est très pure et extrêmement sacralisée, le charnel revient toujours sur le tapis. C’est pourtant bien cette séparation que l’on sent dans la narration. Kojima est très à l’aise avec les sentiments, surtout son amitié, mais beaucoup moins avec le sexe, qui le perturbe, lui fait peur. Nakahara se pose dans l’effet inverse, assuré de ses envies mais encore fragile sur ses sentiments.

On constate alors avec plaisir que nos collégiens sont ballotés dans la mer de l’amour, soumis aux contraintes décisionnelles des adultes qui les entourent. Ils se battent contre le courant pour se retrouver, pour se comprendre. La conclusion y est très bien amenée, entre pudeur et sensualité des premiers émois, avec des découvertes, des angoisses, et beaucoup d’amour. C’est un réel plaisir de découvrir l’intimité des sentiments de nos héros, puisque l’auteur le fait avec une justesse très particulière. Aucun défaut, juste un grand plaisir, une émotion juste et jamais exagérée, des réactions pertinentes et surtout des personnages travaillés, qui ne cessent d’évoluer pour notre plus grande satisfaction. Une série qui de bout en bout aura été novatrice, équilibrée, nuancée et sensuelle tout en privilégiant les sentiments très développés de ses protagonistes. Encore ! Encore !
  
 
  
   
 

Graphismes et édition

 
Une série plus ancienne que les autres qu’on lui connait en France, cela signifie-t-il un graphisme bâclé et décevant ? Pas forcément. S’il est vrai que les traits sont plus accentués parfois, notamment au niveau des rougissements des personnages, leur représentation n’en demeure pas moins excellente. Hinako Takanaga maîtrisait déjà parfaitement son coup de crayon, c’est une certitude. Les personnages se distinguent facilement, leurs expressions sont tout aussi variées et la gestuelle ainsi que les fonds sont bien remplis et adaptés à la narration. De plus, elle adapte parfaitement son trait à l’âge de ses protagonistes qu’on identifie rapidement comme des collégiens allant sur leur année de lycée. On apprécie enfin les détails, bien mis en valeur dans les diverses scènes du manga. Taïfu fait donc ici une très bonne acquisition ! Les pages sont parfois un peu trop transparentes et beaucoup d’onomatopées ne sont pas adaptées et gênent la lecture. Ceci dit, rien qui ne change des autres éditeurs. Et puis les couvertures colorées et la traduction assez fluide rattrapent un peu l’ensemble.