Gundam : L'histoire des productions - Partie 1 - La première série et ses films - Actualité manga
Dossier manga - Gundam : L'histoire des productions - Partie 1 - La première série et ses films

La production de Gundam, la dernière chance de Sunrise


Le futur de Sunrise dépend de sa troisième série originale, et un échec serait donc fatal pour le studio. Qu'à cela ne tienne, Yoshiyuki Tomino, déjà responsable des deux anime précédents, a des idées. Il pense un projet aux ambitions cinématographiques qui s'exporterait dans les salles obscures, et le réalisateur sait quelles optiques développer.
Pour Tomino, le genre du robot géant décline car les enfants ont grandi, et leurs attentes sont maintenant différentes. Il est donc nécessaire d'orienter les idées en ce sens et, quitte à trahir Clover, le fabricant de jouet sponsor de Zanbot 3, Daitarn 3 et prochainement Gundam, il est impératif de s'éloigner du schéma narratif typique et mercantile des séries de ces dernières années.

Pour aborder ce nouveau courant, le réalisateur met sur papier des dizaines de pages d'idées. Sa première piste scénaristique lui vient du roman de Jules Verne « Deux ans de vacance », dans lequel quatorze adolescents sont prisonniers d'un navire à la dérive, et échouent sur une île déserte du Pacifique. Dans cette réinvention, il imagine 26 jeunes femmes et hommes à bord du navire spatiale Freedom Fortress, pris entre les feux de deux camps en guerre. Après s'être vu attribué différents titres comme Uchû Sentodan Gunboy, le projet finit par être baptisé Kidô Senshi Gundam, ou Mobile Suit Gundam pour les occidentaux.

Mais bien conscient de la nécessité d'un réalisme pour séduire le public qui a évolué, Tomino souhaite délocaliser son intrigue dans l'espace, ne serait-ce pour la crédibilité physique d'un robot géant qui pourrait évoluer dans un environnement. Une piste en amenant une autre, il souhaite narrer une guerre entre humains, faisant s'affronter la Terre aux colons spatiaux, plutôt qu'opposer notre espèce à un envahisseur alien. L'idée est aussi maligne que pratique, car le temps manque pour développer un bestiaire extra-terrestre. Et afin de pousser la crédibilité encore plus loin, le créateur d'univers ne veut pas de personnages exclusivement japonais, mais des humains aux origines variées. Une autre marque d'audace du réalisateur, tant les ayant-droits voyaient cette hétéroclicité d'un mauvais œil à l'époque.

Gundam_Freedom_Fortress.jpg
Ebauche du Freedom Fortress, qui deviendra ultérieurement le White Base

Pour mener à bien une telle production, Yoshiyuki Tomino doit s'entourer des bons artistes. Celui qui lui vient immédiatement en tête, c'est l'animateur Yoshikazu Yasuhiko que Tomino rencontra sur la production de Sasurai no Taiyô (« Nathalie et ses amis » chez nous). Il n'hésite donc pas à lui confier les lourdes tâches de la conception du character-design et de la direction de l'animation, sans compter le travail d'animation clé sur différentes scènes.
L'autre grand nom à évoquer, c'est celui de Kunio Okawara que Tomino fait mecha-designer du projet, autrement dit concepteur graphique des différents éléments mécaniques de la série. Il faut dire que l'homme est intéressant par l'éclectisme de son parcours : Okawara débuta dans le design de la mode avant de rejoindre l'animation en entrant d'abord chez Tatsunoko Production, puis en rejoignant Sunrise. Il contribue d'abord à Zanbot 3 et à Daitarn 3, toujours sur le poste de designer mécanique, avant d'être placé sur le projet Gundam.

Les deux artistes ont toute la confiance de Yoshiyuki Tomino. L'alchimie mutuelle est forte, chacun tenant compte des attentes du réalisateur pour mettre en image ses idées foisonnantes, mais tout en gardant une liberté créative. Ainsi, Kunio Okawara reçoit comme unique consigne pour le modèle du Zaku, robot du camp ennemi, la référence au cyclope, tandis que tous les autres choix de designs viennent d'influences diverses, dont le film Barbarella de Roger Vadim. Finalement, les impératifs les plus rudes sont fixés par la société Clover et ses ambitions mercantiles. Le sponsor émet même des réserves sur les concepts des Gundam, Guntank et Guncanon en les voulant plus imposants, ce qui pousse Okawara à accroître leurs tailles. C'est aussi de cette réflexion que naît l'idée des colonies spatiales en tant que gigantesques cylindres reproduisant la vie sur Terre, des lieux suffisamment vastes pour permettre à des robots géant d'évoluer et de se confronter.

Gundam-premier-design.jpg
L'une des premières tentatives de design du robot principal par Kunio Okawara, avant qu'il devienne le Gundam que nous connaissons

Rappelons qu'à cette époque, le studio Sunrise cherche à s'émanciper de sa condition de prestataire. Ses moyens sont donc loin d'être deux d'un mastodonte comme Toei Animation qui a fait ses preuves avec des blockbusters comme Mazinger Z ou Space Battleship Yamato. Ce dernier, auquel a largement contribué Leiji Matsumoto, reste l'adversaire à surpasser et fait l'objet de nombreux points de comparaison dans la production de Gundam. En mettant les moyens alloués en parallèle, le fossé entre les deux œuvres est énorme. L'exemple le plus flagrant est celui des chartes de couleur, établissant les différentes teintes disponibles pour une œuvre animée. La production de Gundam dispose de 79 couleurs, et celle de Space Battleship Yamato de plus de 300. Aujourd'hui, Yoshikazu Yasuhiko s'amuse même du nombre de teintes allouées à Gundam qui correspondait seulement à la quantité de nuances de gris du côté de Yamato. En termes de ressources, la séparation entre les deux œuvres est énorme.


Le rapport entre Yamato et Gundam s'étend même au jour du lancement de la série de Sunrise. A cet instant, Yoshikazu Yasuhiko assiste à une réunion autour de Yamato, sur laquelle il était storyboarder. Sans crainte, il demande à allumer le poste de télévision pour assister à la diffusion du premier épisode de la série sur laquelle il occupait un rôle majeur, ce qu'on lui accorda. Pas un mot durant ces vingt-quatre minutes, mais un immense sentiment de fierté marqua le character-designer, cherchant à montrer qu'ils avaient pu aboutir à un tel résultat avec seulement un tiers de ressources de Space Battleship Yamato. Le 7 avril 1979, à 17h30 sur la chaîne Nagoya TV, le Gundam se lève dans le tout premier épisode de la série Mobile Suit Gundam.

MOBILE SUIT GUNDAM © by SUNRISE / YATATE HAJIME / YOSHIYUKI TOMINO

Commentaires

DONNER VOTRE AVIS



Si vous voulez créer un compte, c'est ICI et c'est gratuit!

> Conditions d'utilisation