Goyô - Actualité manga
Dossier manga - Goyô

Ambiance éthérée


Difficile de parler de Goyô sans faire un crochet et s’attarder un moment sur Natsume Ono afin d’aborder son graphisme et son univers. En effet, son style est immédiatement reconnaissable, et contribue évidemment énormément à l’impression de calme, de contemplation et de zen qui se dégage de l’ensemble. Et surtout, au plaisir ressenti à la lecture.

D’une certaine manière, il est possible de la rapprocher d’une Kei Toume (Sing « Yesterday » for me, Les Lamentations de l’agneau) pour le trait un peu crayonné et qui semble maladroit au premier abord, mais qui est chargé d’une telle émotion qu’on ne peut y voir que beauté et personnalité, et qui peut être, toujours à l’instar de Kei Toume, qualifié « d’art », au sens premier du terme par les techniques utilisées.
D’autant que leurs histoires jouent dans la même rangée d’émotion, c’est-à-dire un certain réalisme brut, avec beaucoup d’introspection derrière les sourires parfois gênés ou trop confiants des personnages.

Comme on peut le constater en consultant la teneur de ses l’ensemble de son œuvre, Natsume Ono apprécie particulièrement la période médiévale du Japon, et son style s’y exprime dans toute sa splendeur, sans aucun doute. Il suffit de s’attarder sur ses couvertures, absolument superbes et qui accrochent immédiatement l’œil. On saluera, d’un point de vue plus technique, l’excellente adaptation du logo du titre en français, qui est particulièrement soignée et se paie le luxe d’être meilleur que le japonais. Ces couvertures, ainsi que de nombreuses planches et notamment celles illustrant le début des chapitres, nous évoquent aussi l’art du sumi-e, la technique japonaise de dessin monochrome à l’encre. Une technique qui a d’ailleurs été importée de Chine par des moines bouddhistes zen au Japon et qui se présente comme une forme de discipline à part entière, associée aux principes du yin et du yang, représenté par le symbole rond mi-blanc mi-noir, chacun teinté d’une pointe de l’autre en leur centre. Et sans aucun doute, les œuvres de Natsume Ono dégagent cette impression de calme et plénitude comme peu d’autres.




 
Ce principe du yin et du yang se retrouve d’ailleurs d’une certaine manière dans la relation entre Masa et Yaichi, même d’un point de vue purement graphique. L’un est tout de blanc vêtu et respire la confiance, tout en possédant un petit côté obscur et malhonnête. L’autre est imprégné de noir et d’un manque de confiance qui se traduit par une aura lugubre, mais reste d’une nature foncièrement bienveillante. Bref, la complémentarité et la coexistence parfaite, et non la dualité comme on le croit trop souvent.
D’ailleurs, tout dans l’évolution des relations entre les deux hommes montre bien que leurs extrêmes se touchent, que chacun cherchait dans l’autre ce quelque chose qui lui manquait, et que chacun a beaucoup a apporter à l’autre. Un constat qui se vérifie parfaitement à la fin où la situation se retrouve presque à l’inverse de ce qu’elle était au début de l’aventure.

Cet esprit « zen » se retrouve un peu partout dans Goyô. Dans les dialogues, dans le découpage des planches, dans le regard des personnages, dans les décors… Ce qui confère à l’ensemble une impression raffinée, apaisante, différente et plaisante.

En résumé, le style de l’auteure revête d’un important facteur quand il s’agit d’apprécier une œuvre comme Goyô, un titre qui ne met pas l’action en avant, mais bien les dialogues entre les personnages, la tension des situations, et le réalisme et la mélancolie qui se dégage de ses acteurs. La teneur de ses histoires fait sans doute qu’elles pourraient prendre place dans un autre cadre, pas particulièrement japonais. Gente et Ristorante Paradisio dégage cette même impression de classe et de raffinement, et cette même attention donnée à l’ambiance avant tout. Néanmoins, il est indéniable que c’est dans cette représentation de cette culture qui l’a vue naître que son style s’y exprime le mieux et qu’elle s’y sent le plus à l’aise. En espérant pouvoir lire d’autres titres de l’auteur qui prendrait place à la même période médiévale qui inspire autant d’artistes japonais et qui, de la même façon que les histoires de nos chevaliers occidentaux, possède des thèmes universel et sait nous faire rêver.
 
 

© 2006 by Natsume Ono / Shogakukan Inc. All rights reserved

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