Forbidden Love

La morale et l'amour: un combat douloureux

                        
L'amour, fort et incontrôlable, est vu comme un châtiment qu'il nous faut accepter, infligé par Dieu, lui qui nous met au défit de passer outre tout cela et de marcher sur la bonne voie.
Le pêché de chair est alors un thème omniprésent ici. Plus qu'un pêché, c'est un crime contre tous. La morale se voit bafouée, abandonnée, l'entourage qui ne comprend pas est abandonné, et les amoureux reniés. Le sexe apparaît dans cette série comme un passage obligatoire, au travers duquel Yoshiki et Kasumi sont condamnés à passer, sans cesse, indéfiniment. Faire l'amour à un inconnu a un côté piquant qui excite la curiosité mais aussi l'envie. Le faire avec son frère est tout autre chose. Malgré tout, Miyuki Kitagawa insiste beaucoup sur ce fait, qui se répète inlassablement à chaque volume. Faire l'amour à contre cœur, avec épanouissement, ou avec fougue, mais faire l'amour tout de même. Yoshiki et Kasumi passent par tous les états, et c'est sans mal que l'auteure se plaît à les mettre en scène, parfois dans des situations plus ou moins originales ou des endroits osés. Ainsi, on ressent l'envie, mais surtout le manque de contrôle auquel est confronté le couple illégitime. Leur amour n'est pas n'importe lequel, car incestueux, il est alors interdit par tous.
Yoshiki semble être le personnage le plus fautif dans tout cela, car lui, a une petite amie. Il trompe alors Kyôko, sans mal, puisque celui-ci est totalement obnubilé par sa sœur. On ne se méfie pas de ce genre de personne. Kyôko est bien naïve à se dire qu'elle ne risque rien à voir son petit-ami auprès de sa propre sœur. Elle se réjouit de leur retrouvailles, s'étonne ensuite de leur complicité, puis s'écœure à voir ces sentiments entre deux êtres du même sang.
        
Malgré la morale, le lecteur espère voir l'amour triompher. Se livre alors une bataille sans merci, qui allie Kyôko, la mère de Kasumi, mais aussi Kazuki, l'ami d'enfance de la jeune fille.
Kazuki, amoureux de Kasumi depuis toujours, finit par lui avouer ses sentiments. Lui qui connaît la jeune fille mieux que quiconque a très certainement flairé les cachoteries. Malgré son amour pour la jeune fille, il ne peut accepter un tel comportement, et va jusqu'à user de la force pour tenter d'arriver à ses fins. Ce personnage est assez marquant, et surtout, il met Kasumi au rang de coupable. Elle qui pourrait couler des jours heureux avec un homme qui l'aime réellement choisit un tout autre chemin. Elle aime sans relâche, se bat pour lui, mais renonce à plusieurs reprises également, succombant alors aux avances de Kazuki. Mais donner son corps et penser à un autre a bien des conséquences. On observe un amoureux pris de haine. L'auteure réussit avec succès à nous transmettre les sentiments de Kazuki. Son désarroi est tout à fait palpable, et sa lutte sans merci.
Enfin, c'est Madame Suzumura qui rejoint la bataille. Le lecteur essaie d'imaginer ce que cette mère ressent. Elle qui ne comprend pas la situation et n'arrivera sans doute jamais à se faire à cette idée, et voir ses enfants s'aimer et se chérir la dégoûte au plus haut point. Une mère compréhensive, ou qui finit par l'être, est bienvenue dans les mangas. Mais c'est sans pitié que l'auteure inflige à Yoshiki et Kasumi la haine d'une mère envers ses enfants.

C'est par le biais de plans très simples au départ, mais qui se compliquent petit-à-petit, que Kyôko, Kazuki et Madame Suzumura essaient de séparer Yoshiki et Kasumi. Le lecteur se rend alors compte de l'atrocité des épreuves qu'une mère pourrait être capable d'infliger à ses enfants, afin qu'ils respectent la morale et soient corrects aux yeux de tous. Au fil de la lecture, le rythme devient de plus en plus soutenu, surtout dans le dernier quart de la série. Chaque personnage est essoufflé, mais continue à se débattre. Alors que même les inconnus huent l'inceste, on en vient aux mains, au viol, à la brutalité, mais aussi à la folie. Chacun semble devenir plus ou moins fou afin de se sauver soi-même ou de sauver l'autre. On ne sait plus si Kyôko est réellement amoureuse de Yoshiki. Son acharnement, sa haine, font froid dans le dos. Elle qui voit sa rivale gagner ne veut pas se sentir vaincue. Elle continue, souhaitant la mort de chacun afin d'arriver à ses fins.

Pris par cet amour, mais aussi l'interdit, le lecteur souhaite alors que le couple incestueux sorte vainqueur de tout ce trouble. Malgré le fait que tout le monde soit élevé dans le sens où l'inceste est quelque chose de mal, à quoi il ne faut même pas penser, on se plaît à encourager l'amour coûte que coûte, souhaitant un bonheur maintenant bien mérité à Yoshiki et Kasumi.