Enfant soldat

L'horreur de la guerre et des régimes en place

                       
Enfant Soldat est un titre qui permet d'appréhender pleinement toutes les horreurs engendrées par les régimes en place et par la guerre.
Le manga débute alors qu'Aki Ra est encore tout jeune. A cette époque, le régime de Pol Pot est en place, et durant un premier chapitre particulièrement dense, le lecteur est amené à suivre toutes les horreurs de ce régime. Ainsi, dès les premières pages, le jeune héros de l'histoire croit distinguer un gigantesque serpent (page 15), et se ravise après en constatant qu'il s'agit d'une nuée d'hommes encadrés par les soldats. L'image du serpent est ici fort bien trouvée, car elle reflète parfaitement le statut de ces gens de tous âges (il y a également des enfants), à bout de souffle, que l'on traîne de force jusqu'à un camp de travail situé 40km plus loin. Akira Fukaya continue ensuite de développer les vices du régime: les citadins sont déplacés de force vers les campagnes, et ces migrations forcées, sous un soleil brûlant, sans boissons ni nourriture, auraient emporté la vie de plus de 100000 hommes. Dans les camps de travail, les familles étaient volontairement dispersées, leurs biens personnels confisqués. Les adultes étaient aux travaux forcés, avec pour seule nourriture une “bouillie fade”. S'ils étaient surpris en train de manger autre chose, ils étaient abattus publiquement. Les enfants, qui n'avaient pas à travailler, étaient intégrés dans des groupes. Sur le plan alimentaire, ils subissaient les mêmes règles que leurs aînés. Leur éducation était confiée à des soldats de Pol Pot, qui ne leur inculquaient que la peur en utilisant des méthodes inhumaines, à l'image du passage où, pour lui apprendre à nager, deux soldats attrapent Aki Ra par les bras et le jettent dans la rivière, puis le regardent en train de se noyer en rigolant. S'il n'avait pas été sauvé par un autre enfant, le jeune garçon serait sans doute mort dans cette rivière.
La tyrannie régnait donc sous le régime de Pol Pot. Les nombreux sacrifices inutiles et gratuits, à la limite du génocide, étaient légion, et les pressions psychologiques étaient intenses. Sur ce point, la mort des parents d'Aki Ra est un parfait exemple: son père, mis aux travaux forcés, tomba malade de surmenage et de malnutrition et fut hospitalisé. Ne recevant pas de soins convenables (tous les intellectuels, dont faisaient partie les médecins, ayant été exécutés), son état empirait. En se réveillant un matin, il aperçut à côté de lui un grand bol de soupe, qu'il s'empressa d'avaler. Pris en flagrant délit par les soldats, il fut accusé de simuler sa maladie et fut exécuté. La mère d'Aki Ra, quant à elle, fut exécutée pour avoir prononcé les mots “tenez bon”, qui étaient considérés comme subversifs.




“Au Cambodge, sous le régime de Pol Pot, la vie d'un homme ne signifiait rien.” Tome 1, page 37.

Quant à l'armée vietnamienne, elle montre elle aussi de nombreuses tares, à commencer par le non respect des villageois. Par exemple, cela est visible dans le chapitre 7, où l'armée n'hésite pas à effectuer une mise en scène pour tuer et voler une vache à un vieux paysan.

Enfin, une fois au sein de l'armée cambodgienne, qu'il intègre en 1989 après le retrait des forces vietnamiennes, Aki Ra ne voit guère sa situation s'améliorer, puisqu'en compagnie d'autres enfants, il continue de se faire exploiter et de combattre, moyennant un salaire dérisoire. En 1989, la troupe à laquelle il fut affecté comportait 270 hommes. Aujourd'hui, il ne reste que 25 survivants. Toutefois, c'est à cette période que le jeune garçon commence à aller à l'école et apprend à écrire. Mais à côté de cela, les cours qui y étaient enseignés avaient tendance à faire dans la propagande.

A côté de ceci, de nombreux passages sont assez marquants quand il s'agit de représenter l'horreur de la guerre en elle-même. Citons, par exemple, durant le chapitre 3, la confrontation face aux chars vietnamiens, qui se termine sur une vision apocalyptique de corps en plusieurs morceaux au beau milieu d'une nature ravagée. Dans le chapitre 9, ce sont des villageois qui sont les victimes: ainsi, deux très jeunes enfants se retrouvent privés de leur parents et de leur grande sœur, qui ont été tués par l'ennemi. Et quelques années plus tard, alors que le déminage a commencé, on constate que certains souffrent encore des restes de la guerre. C'est par exemple le cas,  à la page 86 du tome 2, d'un enfant qui a perdu une jambe en marchant sur une mine, tandis que sa sœur a perdu un bras et que les deux amis avec lesquels ils jouaient sont morts.