Complément affectif - Actualité manga
Dossier manga - Complément affectif

Travailler pour vivre, vivre pour travailler ?


Melle Fujii est le personnage qui s’investit le plus dans sa vie professionnelle. Mari Okazaki choisit de la présenter aux lecteurs d’emblée dans le monde du travail. Cette femme occupée, nuit et jour, se consacre à cent pour cent à l’agence de publicité dans laquelle elle passe le plus clair de son temps. Les lecteurs, mais également quelques personnages, tout le monde se demande quelle vie sociale Melle Fujii peut bien avoir. On suppose aisément qu’elle n’en a aucune : la jeune femme commence à s’intéresser aux autres à partir du premier tome, là où elle décide de sortir avec ses collègues. Toute la vie de cette héroïne est donc cantonnée au seul cadre de son agence.
Travailler pour vivre, vivre pour travailler ? Cette question se pose à de nombreux moments. Au fil du temps, le travail s’accumule, devient de plus en plus conséquent, prend une place toujours plus importante. Melle Fujii est loin d’être le genre de personne à se laisser impressionner. Elle fonce droit devant, déterminée à terminer chaque projet de façon brillante. La passion, voilà ce qui motive Melle Fujii. Fortement marquée par une publicité lorsqu’elle était jeune, son ambition est de procurer aux téléspectateurs du plaisir, de les éblouir pendant quinze petites secondes. Aimer son travail est une chose importante afin de pouvoir s’y investir pleinement, et de donner le meilleur de soi-même. C’est encore le cas de notre héroïne. On la caresse du bout des doigts, on l’envie, on l’admire. Le courage est son plus grand allié. Flancher lui est formellement interdit, la faiblesse n’existe pas. Le travail, la tâche, la besogne, le labeur… ces mots, plus ou moins péjoratifs, font briller les yeux de cette femme qui ne demande qu’à se pencher sur une pile démesurée de dossiers. Au moins un minimum de lecteurs comprend Melle Fujii. Malgré une paresse qui nous fait parfois flancher, le plaisir du travail bien fait, la satisfaction de terminer brillamment un projet que l’on pensait infaisable, ces sentiments ne nous sont pas inconnus. C’est avec excellence que Mari Okazaki décrit ces petites choses qui font de la vie professionnelle une fierté, et surtout, un plaisir. Ainsi, l’agence de publicité est toute la vie de l’héroïne. On constate que l’image qui se dégage des personnes de ce genre est double. En côtoyant un mordu de travail, on ressent à la fois de l’admiration, et du dédain à tout va. C’est d’ailleurs le sentiment de la jeune Kanon Amano. Elle qui ne demande qu’à goûter à la vie d’adulte découvre ce monde de folie. Tout comme Melle Fujii dans ses premiers temps, elle se surprend à mépriser son aînée qui travaille avec acharnement, et qui n’hésite pas à mettre de côté sa vie personnelle. Melle Hirano, «  plus de quarante-cinq ans… et toujours célibataire. » « Dans  toutes les boîtes, il y a une de ces femmes, la quarantaine bien sonnée… et célibataire. Mais parfois, je ne peux m’empêcher de penser que… j’aimerais pas être comme ça. » Mais plus le temps passe, et plus cette femme qui semble avoir raté sa vie devient notre modèle. Melle Fujii s’identifie à elle, avec dégoût tout d’abord. Puis, petit-à-petit, elle en devient fière. Marcher dans les pas d’une femme respectable, qui a su faire de grandes choses, voilà son ambition. Car Melle Hirano, elle, est une femme accomplie.

Dans le théâtre de Mari Okazaki, plusieurs acteurs, ou plutôt devrait-on dire actrices, sont mis en scène. Dans tous les milieux professionnels s’observe un genre de femme très particulier. Celui-ci semble se lever tôt le matin afin de se préparer de la meilleure des manières. Il revêt son costume de guerre dans le but d’affronter ces hommes sans pitié, qui le considèrent malgré eux comme une espèce à part, un brin inférieure à eux, ou tout au moins, différente. Cette espèce ressemble à un félin, prêt à attaquer ou à riposter à n’importe quel moment. Toujours sur ses gardes, il semble solitaire, et se protège grâce à la ruse. Mais l’humanité qui se dégage en cette femme fatale est plus grande que ce que l’on croit. Madame Tanaka incarne parfaitement ce personnage impressionnant. Chacune de ses apparitions est un spectacle. Elle qui se plaît à être là lorsque du grabuge s’annonce, elle frémit, prend un malin plaisir à voir celles qu’elle considère comme rivale, souffrir. Toutefois, malgré ce côté noir, elle sait se tenir lorsqu’une femme est en danger. C’est-à-dire, lorsqu’elle est menacée par un homme, que celui-ci ne la considère pas d’égal à lui-même. Dans ce cas, ou alors, pour gagner en importance, car l’union fait la force, Madame Tanaka dévêt son masque de solitaire, pour épauler et marcher aux côtés de ses rivales, devenues alliées.
Madame Tanaka prend son travail au sérieux, bien plus qu’elle ne veut le laisser paraître. Elle qui veut donner l’impression de tout contrôler, n’est en réalité, pas maîtresse de ses émotions. Elle revendique haut et fort que le travail n’est pas sa priorité, et qu’elle est capable de claquer la porte à n’importe quel moment. Mais parfois, les paroles sont vaines… Sa fierté est bien trop grande. Lorsqu’on la provoque sur ce point, et qu’on lui demande la raison pour laquelle elle n’est toujours pas partie, cette femme d’expérience ne perd pas pied, et renie l’amour qu’elle porte à son travail, pour se rabattre sur sa dignité, son amour-propre. Il n’est pas envisageable de laisser ce bonheur aux hommes ! En aucun cas ils auront le dernier mot, la femme, elle aussi, a sa place dans le monde professionnel. De plus, le travail est sans doute un moyen pour cette femme de s’évader de sa vie de famille. Elle qui est mariée, avoue sans complexe qu’une femme qui travaille a besoin d’un mari, et d’un autre homme. Une femme a deux vies différentes : professionnelle et personnelle.

Grâce à Yugi, Mari Okazaki aborde l'indécision. Elle qui semble maîtriser sa vie, n'est finalement pas sûre de beaucoup de choses. Melle Yugi nous apparaît comme étant une femme qui sait ce qu'elle veut. En tant que rédactrice indépendante, et surtout, femme de trente ans, tout le monde lui accorde beaucoup de mérite. Mais cette employée ne voit pas les choses de la même manière que ces collègues. Melle Yugi se révèle être perdue, au milieu de toutes ces femmes qui semblent avoir une vie palpitante, comparativement à la sienne. Elle fait peut-être partie de celles qui ne se rendent pas compte de la chance qu'elles ont, ou du moins des capacités qui font font d'elle un être respectable, et admiré. Au même titre que Watanabe, elle se méprise d'une certaine façon. Watanabe, elle qui travaille au service comptabilité, n'a aucune confiance en elle. C'est un personnage très difficile à cerner, qui n'a de cesse de se sous-estimer et de se laisser abattre par les autres. Son objectif dans le monde du travail est totalement en contraste avec celui des autres femmes, notamment de Melle Fujii par exemple. En effet, cette femme très secrète, discrète et presque transparente, veut en réalité trouver un mari. Pour elle, le travail ne semble pas être un domaine dans lequel la femme doit exceller pour montrer ses capacités, ou  être indépendante. C'est plutôt le moyen de trouver un être de sexe masculin qui fera d'elle une femme, entière et accomplie. Grâce à lui, Watanabe sera une femme, une vraie. Cette vision des choses surprend, pour finalement n'être qu'un moyen de plus d'exposer les femmes dans me monde professionnel. Melle Yugi, qui n'a apparemment pas de soucis, chercher des problèmes où il n'y en a aucun. Elle va jusqu'à mettre en question sa relation amoureuse, qui pourtant, est une bouffée d'air frais incroyable pour elle. Rédactrice indépendance... cette indépendance, tant abordé par Mari Okazaki, devient paradoxal. On l'envie, mais une fois obtenue, on veut en sortir. Le poids est-il trop lourd à porter pour une femme? La menace constante de l'échec est-elle un fardeau trop important pour la gente féminine? Alors que le personnage de Yugi devrait être voué à la liberté, le voilà qui s'enferme de lui-même dans une prison, lieu qui peut-être est alors susceptible de lui donner un cadre dont il a besoin.

Toutes ces personnalités mises en avant, avec leurs caractères, ambitions et buts différents posent sans arrêt la question de la femme au travail. Mari Okazaki met de manière judicieuse ce problème en avant. D'un côté, elle exhibe Melle Fujii, stéréotype de la travailleuse sans relâche, qui fait preuve d'un courage et d'un dévouement hors du commun, mais qui, également, oublie totalement sa vie personnelle. Elle entre dans un cadre où le travail est sa vie, il est tout ce qu'elle possède. Elle se lève au matin pour affronter le plaisir du labeur, mais toutefois, laisse une porte ouverte à sa féminité qui lui répète sans cesse un manque évident: celui d'un homme. Madame Tanaka, féminine jusqu'au bout des ongles, se bat. Elle mène une lutte permanente contre les hommes, à qui elle souhaite donner une bonne leçon en leur montrant que les femmes aussi ont leur place à leurs côtés. Et entre ces battantes, d'autres femmes errent de-ci de-là, à la recherche d'un but, d'une chose qui leur permettra de se sentir bien, de se sentir femme.
 
 
  
  
  

SUPPLI©MARI OKAZAKI 2004/SHODENSHA Publishing Co., Ltd.

Commentaires

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manga78

De manga78 [2146 Pts], le 02 Octobre 2010 à 12h59

Comme jojo, très bon dossier qui donne envie de lire ce manga. Ayant deja lu 12 mois et Effleurer le ciel, je vais m'y lancer sans tarder ^_^

jojo81

De jojo81 [7192 Pts], le 01 Octobre 2010 à 12h05

Excellent dossier qui me donne encore plus envie de commencer ce manga. Peut être commencerai-je Déclic amoureux ou Bx avant de m'y lancer.

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