L'envol vers les rêves et l'espoir
Comme bon nombre (pour ne pas dire tous) les mangas sportifs, Blue Thermal développe son lot de thématiques, essentiellement optimistes. Une écriture légitime puisque derrière la notion de sport se trouve celles de la persévérance, du surpassement, ou encore de l'estime de soi. Des valeurs toujours efficaces quand elles sont intégrées à une fiction, aussi Kana Ozawa aurait eu tort de s'en priver.
Mais Blue Thermal s'y prête peut-être encore plus, dans le sens où l'envol constitue presque une figure de style pour évoquer le développement personnel, et le fait de s'élever au-delà des barrières. Cette dimension passe évidemment par ses personnages, et force est de constater que la quasi intégralité du casting de l’œuvre se confronte à des difficultés, diverses et variés, mais toujours assimilables à des chaines qui les maintiendraient au sol. Prenons quelques exemples, comme celui de Tamaki, l'héroïne, qui a toujours vécu dans l'ombre de sa sœur et qui va peu à peu se dépasser pour exister pour elle-même. A côté d'elle, Daisuke montre rapidement qu'il a des rêves à concrétiser, malgré une crainte puissante, celle de perdre ceux qu'il aime. Enfin (et même si ce cas n'est pas le dernier de la série), Jun a ses faiblesses, derrière un sourire assurant qu'il affiche en permanence. A ce propos, c'est tout le long du récit que Kana Ozawa développe ses personnages, bien que quelques indices soient distillés très rapidement. Parfois, il faut même attendre le tout dernier chapitre pour avoir le fin mot de l'histoire, mais tout porte à croire que la mangaka a écrit chaque arc de personnage, ou du moins ses grandes lignes, dès l'amorce du récit.
On le comprend donc assez vite, Blue Thermal est un manga à vocation purement optimiste. Pour aller plus loin dans le développement des personnages, tous affichent une volonté commune derrière des traitements qui peuvent sembler différents : L'envie d'accomplir ses rêves. Cela peut sembler très basique, mais Kana Ozawa invite tout simplement ses lecteurs à lutter et persévérer pour un idéal personnel. La métaphore du ciel n'est pas anodine, celui-ci symbolisant la liberté de vivre pour soi et pour ses rêves, à l'inverse total du sol qui représente l'entrave et la malédiction de vivre pour autrui. En terme de narration, l'artiste a ponctuellement la bonne idée de présenter quelques monologues externes, comme des commentaires de personnages qui s'émanciperaient au contact du ciel, l'aéronautique leur permettant d'embrasser une liberté bien mérité. Les messages ont alors beau être simples et maintes fois vus dans ce type d’œuvre, ils n'en restent pas moins pertinents par rapport au cheminement du récit, et cohérent quand ils sont mise en relation avec le rapport terre/ciel sans cesse évoqué tout le long de la série. Blue Thermal est un manga positif dans sa globalité, une bouffée d'air frais, et une invitation à la liberté qui procure une sensation revigorante, sur la quasi entièreté de la lecture. "Quasi", oui, car tout n'est pas forcément tout rose dans le titre de Kana Ozawa, mais nous aurons le loisir de revenir plus tard sur ce point.
Affaires de famille et messages sociaux
Les thématiques globales de Blue Thermal passent par différents traitements de personnages. Et comme nous avons pu le relever précédemment, chacun affiche une histoire différente, via des petits flashbacks disséminés tout le long du récit. Grossièrement, tous affiche un certain pathos quand il s'agit d'évoquer leurs passés respectifs, un contraste entre passé et avenir qui correspond aussi à celui de la terre et du ciel. Et parmi toutes ces idées, il est difficile de passer à côté de quelques messages qui semblent un peu plus personnels, de la part de Kana Ozawa. Impossible de dire s'il y a un part de vécu dans le requit, mais plusieurs petits points apportent davantage de profondeur à la série, et une manière de pointer du doigts quelques dérivés de la société.
Le cas le plus parlant demeure celui de l'héroïne, Tamaki, en constante opposition avec sa sœur, Chizuru. Son histoire peut sembler clichée et un poil manichéenne de prime abord, mais la mangaka rend celle-ci de plus en plus ambiguë au fil des chapitres. Il est donc question de rapports familiaux difficiles, ce qui permet au manga d'aborder la question des familles recomposées, et des souffrances que peuvent vivre ce genre de foyer dont les membres sont piégés dans un cercle vicieux. Kana Ozawa ne condamne personne via l'histoire de Tamaki, mais apporte un peu plus se sensibilité à son titre via le parcours familial de l'héroïne, ses rapports conflictuels avec son père, et sa rivalité avec sa sœur qui n'est pas si formaté qu'il n'y paraît de prime abord.
Un autre cas plus en retrait mais largement pertinent est celui de Kaede Hatori, un personnage qui joue essentiellement un rôle dans le troisième volume de la série. En filigrane, la mangaka aborde le formatage de la société et sa valorisation du visuel, au détriment de la personnalité. L'autrice tend même un piège dès l'apparition du personnage : Kaede semble être un garçon, si on la compare aux standards esthétiques qu'on retrouve dans le manga, ce qui n'est pas le cas. Encore une fois, malgré un petit air de déjà-vu dans son histoire, la planeuse est un personnage rendu touchant par ce que le manga raconte autour de lui. Il est d'ailleurs presque dommage que le récit n'aille pas forcément plus loin la concernant, même si son petit développement se suffit et que sa rivalité avec Tamaki se révèle pertinente au fil de quelques chapitres.
A lire ces lignes, celles et ceux qui ont lu Blue Thermal penseront peut-être que parler de messages sociaux est un poil exagérés. Beaucoup disent que toute œuvre est politique, un adage que le rédacteur de ce dossier soutient. Derrière certains développements de l'histoire, même les plus infimes, peuvent se cacher des messages auxquels aura pensé, volontairement ou non, l'auteur de l’œuvre. La volonté de Kana Ozawa est difficile à établir, mais il est évident que Blue Thermal aborde des points auxquels l'autrice a volontairement pensé. A partir de là, les relever et les approfondir devient pertinent, et met en exergue l'une des petites profondeurs du manga qu'est Blue Thermal.
© Kana Ozawa 2015 / SHINCHOSHA PUBLISHING CO.
De Emea [306 Pts], le 03 Janvier 2022 à 10h19
Super dossier très intéressant. On arrive à porter un regard différent sur ce manga que je vais relire de ce pas !
Mais pour moi, je trouve que l'histoire et la personnalité des personnages sont traitées trop rapidement. J'aurais préféré avoir des développements plus poussés. Et plus de scènes de vol aussi !
De Theodoryna [2278 Pts], le 17 Octobre 2020 à 19h55
Merci beaucoup pour ce dossier ☆◇☆